« Le chômage devrait peu reculer en 2018 »

Par Grégoire Normand  |   |  1094  mots
(Crédits : JEAN-PAUL PELISSIER)
Un climat des affaires au plus haut, des promesses d'embauches en augmentation, des chefs d'entreprise qui retrouvent le moral... Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, les indicateurs économiques de la France connaissent une réelle embellie. Dans sa dernière note de conjoncture, l'Insee a d'ailleurs révisé à la hausse ses prévisions de croissance pour 2017. Propos recueillis par Grégoire Normand.

Pour 2018, l'acquis de croissance serait de 1,7 % au bout de six mois, soit plus qu'un an plus tôt. En revanche, plusieurs facteurs d'incertitude, comme un possible ralentissement du pouvoir d'achat des Français, pourraient freiner la croissance du PIB en fin d'année. Par ailleurs, malgré un maintien de l'activité autour de 2 %, le chômage peine à reculer. L'économiste de Natixis, Véronique Janod, revient pour La Tribune sur les perspectives économiques de la France pour 2018 et ses difficultés à réduire son taux de chômage encore supérieur à celui de nombreux voisins européens.

LA TRIBUNE - Comment vos prévisions de croissance ont-elles évolué pour 2017 ?

VÉRONIQUE JANOD - Concernant la France, nous venons de relever légèrement notre prévision de croissance pour 2017 à 1,9%. Outre les révisions de la croissance des trimestres précédents - désormais évaluée à 0,6% du premier trimestre au troisième 2017 -, plusieurs facteurs viennent expliquer cette révision à la hausse, comme la poursuite de l'amélioration du climat des affaires selon les derniers chiffres Insee pour le mois de décembre. Nous attendons un rebond en novembre de la consommation des ménages en biens, en raison entre autres de la faiblesse des températures et de la montée en charge de l'ouverture des magasins le dimanche.

Quels sont les facteurs qui pourraient freiner cette croissance en 2018 ?

Il existe des inquiétudes sur l'évolution de la consommation pour cette année. Les allègements fiscaux pour les entreprises seront mis en oeuvre immédiatement, tandis que ceux concernant les ménages ne se mettront en place que progressivement et plutôt à la fin de 2018. En effet, la hausse de la CSG doit s'appliquer à partir de janvier, alors que la baisse des cotisations salariales maladie et chômage se fera en deux temps, en janvier et en octobre. De même, la baisse d'une partie de la taxe d'habitation et la revalorisation de certains minima sociaux ne se concrétiseront qu'au second semestre. Ce calendrier risque d'être peu favorable à la consommation des ménages, notamment au premier semestre.

Enfin, si le prix du baril de pétrole est attendu en légère baisse en début d'année, il devrait remonter au cours du second semestre pour atteindre 66 dollars fin 2018, selon nos analystes, engendrant une remontée de l'inflation en milieu d'année, peu favorable au pouvoir d'achat des Français.

Concernant la croissance, via le pouvoir d'achat des ménages par exemple, il convient de rester attentif aux arbitrages à venir de l'État, notamment concernant la réduction de son périmètre. La baisse simultanée des prélèvements sociaux et des dettes implique inévitablement de réduire les dépenses de l'État et une réduction de son périmètre d'action est envisagée, conduisant certaines activités à retourner dans le domaine privé. Or l'ouverture à la concurrence de certains marchés peut s'avérer délicate, surtout si une véritable concurrence ne parvient pas à s'instaurer, engendrant le risque d'émergence d'oligopoles, comme c'est le cas dans le transport en autocars [l'exemple des « cars Macron », ndlr].

Existe-t-il un autre facteur d'incertitude ?

Oui, il s'agit des difficultés qui caractérisent le marché du travail français. Les créations d'emplois ont été relativement fortes en 2017, en lien avec la reprise. Le taux de chômage en France métropolitaine, selon les données de l'Insee, devrait passer de 9,8 % en moyenne en 2016 à 9,3 % en 2017. On constate également une augmentation de la masse salariale. Pour autant, le chômage ne baisse pas comme attendu. Il est remonté à 9,4 % au troisième trimestre, après être tombé à 9,2 % au deuxième trimestre. Cette remontée du chômage laisse transparaître l'existence de problème d'appariement entre les compétences offertes par les demandeurs d'emploi et celle recherchées par les entreprises. Le bilan du plan 500000 formations, lancé sous François Hollande, a montré que résoudre ce problème n'est pas aisé et ne peut être réalisé qu'à l'aide de formations adaptées et vraisemblablement plus longues qu'initialement envisagé. Si l'ancien exécutif avait perçu l'enjeu d'améliorer la formation, l'actuel gouvernement semble également s'en préoccuper au regard de sa volonté de réformer la formation professionnelle et l'apprentissage. Le plan 500000 formations proposait principalement des cycles de cours de courte durée (quelques mois), un cadre temporel pas nécessairement adapté pour doter les demandeurs d'emploi des nouvelles compétences recherchées sur le marché du travail. Les chefs d'entreprise signalent en effet, depuis fin 2015, des difficultés croissantes de recrutement, d'après les récentes enquêtes de l'Insee. Ce problème de compétence, qui se reflète également dans la forte hausse des taux d'emplois vacants, laisse difficilement présager de fortes baisses du chômage à court terme en 2018. Selon nos estimations, le chômage devrait peu reculer en 2018 (pour atteindre en moyenne 9,3 %) et en 2019 (9,1 %).

Quelles sont les tendances à prévoir en termes d'investissement pour les entreprises et les ménages ?

L'investissement connaît une dynamique positive en France tant au niveau des entreprises que des ménages. Cette tendance devrait se maintenir. Le CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) va être renforcé en 2018 (hausse du taux du CICE de 6% à 7%), soutenant l'investissement des entreprises (estimé en moyenne à 5,4% en 2017 et 4,2% en 2018) qui continuent de profiter de bonnes conditions de financement. La politique monétaire accommodante devrait rester favorable aux entreprises en 2018 avec le maintien de taux faibles, qui ne devraient pas remonter avant mi-2019. Du côté des ménages, leurs investissements ont décéléré au second semestre 2017, mais restent dynamiques, profitant toujours de la faiblesse des taux d'intérêt. Ceci devrait se poursuivre, laissant présager un léger recul des investissements des ménages dans l'immobilier de 5,2%, en 2017, à 4,2%, en 2018.

Au niveau de la fiscalité des entreprises, quelle est la volonté du gouvernement ?

La politique fiscale présentée dans le projet de Loi de finances 2018 reflète la volonté du gouvernement de ramener la fiscalité française dans la moyenne européenne, alors qu'elle s'en était écartée à la hausse. Cela transparaît dans le projet de réduire progressivement le taux d'impôt sur les sociétés. Toutefois, ce recours à la politique fiscale pour améliorer la compétitivité au niveau du coût des entreprises n'est pas propre à la France qui, à l'échéance visée - en 2022 -, pourrait rester légèrement au-dessus de la moyenne européenne.