Emploi en forte hausse, chômage élevé : la vérité des chiffres

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la vérité des chiffres de l'emploi et du chômage

 C'est un sacré paradoxe. Les chiffres du chômage sont médiocres pour ne pas dire mauvais alors même que les créations d'emplois sont dans le vert depuis près de 4 ans.

D'un côté, il y a des créations nettes d'emplois très dynamiques : entre le public et le privé, plus de 300.000 en un an : un record depuis la refonte des statistiques sous leur forme actuelle au 4ème trimestre 2010.

De l'autre, des chiffres du chômage décevants : plus de 3,7 millions de personnes sans emploi, un chiffre stable sur un an. Quant au taux de chômage, il baisse tout doucement, par petit dixième de pourcent. Et encore, le mouvement, qui ne commence qu'en 2015-2016 - soit deux après le début de la dynamique des créations de postes - s'est stoppé net. Et à 9,7%, le taux de chômage est à moins d'un point de son dernier pic.

Toujours se référer à la population active

En fait, le lien entre créations d'emplois et baisse du chômage n'est pas toujours évident. Pour raccrocher les deux, il faut passer par la population active. Le chômage n'est, en effet, rien d'autre qu'un résidu entre la population active et l'emploi. Population active que l'on retrouve une seconde fois au dénominateur du taux de chômage, et qui, de fait, constitue une variable décisive, systématiquement passée sous silence... C'est l'angle mort de l'analyse du chômage.

Pour bien comprendre la mécanique à l'œuvre il faut partir de tout en haut, c'est-à-dire de la répartition de la population française. Celle-ci se scinde en deux catégories bien distinctes. D'abord celle des actifs, c'est-à-dire les personnes en âge de travailler (par convention les 15-64 ans, même si une toute petite proportion travaille au-delà), qui occupent soit un emploi soit sont activement à la recherche d'un emploi. Ensuite les inactifs, c'est-à-dire tous ceux qui sont en dehors de la borne des 15-64 ans, ainsi que les étudiants non-salariés, les personnes en congé de longue maladie, les hommes et femmes au foyer, les chômeurs en formation et les chômeurs découragés.

La conjoncture et l'actualité influent sur la population active

Et contrairement à ce que l'on croit, la population active est une variable qui bouge, qui bouge même beaucoup. Son interprétation est donc complexe. Pour schématiser, plusieurs forces sont capables de la faire dévier. D'abord des forces structurelles mais non nécessairement stables : les flux démographiques liés aux variations des soldes naturels et migratoires, les modifications de la législation (par exemple, depuis 2010 les changements de l'âge du départ à la retraite joue à la hausse), ou les comportements d'activité des hommes et des femmes.

Il est évident qu'aujourd'hui des personnes qui étaient découragées dans leur recherche de travail par l'accumulation des mauvaises nouvelles sur l'emploi se sont massivement réinscrites à Pôle Emploi quand il a été annoncé un peu partout que les créations de postes étaient à nouveau en forte hausse. De même, les étudiants arrivent généralement plus rapidement sur le marché du travail quand la conjoncture est bonne et ne jouent pas la montre comme durant les périodes de crise.

Et puis enfin, il y a tous les à-coups des politiques de formation des chômeurs (largement mobilisées à la veille des élections), sans parler du traitement statistique (radiations par vague, etc.).

Le lien entre créations d'emplois et chômage n'est pas rompu

Et c'est bien là le cœur du paradoxe : l'amélioration de la conjoncture, les fortes créations d'emplois et les perspectives de la poursuite de l'embellie ont fait gonfler les chiffres du chômage en encourageant plus de personnes à entrer dans la population active. Un mécanisme plus connu sous le nom de flexion.

Une fois cet effet épuisé, retour à la tendance de fond : 800.000 jeunes arrivent sur le marché du travail en moyenne chaque année, 650.000 seniors s'en vont : 150.000 créations nettes d'emplois sont donc nécessaire pour maintenir le chômage, plus si on veut qu'il baisse. Or on en crée actuellement deux fois plus. Le lien entre créations d'emplois et chômage n'est pas rompu, il s'est provisoirement distendu sous l'effet de flexion et la baisse du chômage va venir.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 5
à écrit le 20/12/2017 à 17:43
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Le travail et l'énergie, c'est la même grandeur physique. Il faut répartir les cotisations de retraites sur le travail et sur l'énergie. (un impot sur l'énergie pour financer les retraites). Qui le comprendra? Cela marche en Allemagne et en Suède. Po...

à écrit le 20/12/2017 à 17:12
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Les européistes et leurs différents instituts ne sont pas en reste dans l’utilisation de leur boîte à outils pour bidouiller les chiffres et masquer la réalité. Nous n’allons pas ici rentrer dans l’approximation du nombre de chômeurs mais nous allons...

à écrit le 20/12/2017 à 11:38
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Bref nous avons 5 millions de chômeurs mais "tout va bien". Formidable et en plus plus les gens travaillent et moins ils gagnent, non décidément tout va bien, il n'y a vraiment que les "cyniques" qui ont quelque chose à redire... "La pauvreté...

le 21/12/2017 à 13:39
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J'ai donné un lien, on attend le votre, en attendant Citoyen blasé 1 - 0 pierre. Et merci de valider cette réponse, un minimum de démocratie svp.

à écrit le 20/12/2017 à 10:40
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Il faut tenir compte des gains de productivité. Cela correspond à la note n°6 du CAE. Le chomage, c'est du temps de travail libéré par l'usage de l'énergie. C'est le résultat de plusieurs siècles de développement écnomique. Lire André Gortz.

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