Le déficit commercial plonge au premier trimestre

Par Grégoire Normand  |   |  1008  mots
Sur l'ensemble du premier trimestre, le déficit de la balance commerciale de biens s'établit à 13,7 milliards d'euros. Ici, le porte-conteneurs Bougainville au port du Havre. (Crédits : Reuters/Philippe Wojazer)
Le déficit commercial de la France s'est creusé à 5,3 milliards d'euros en mars, contre 4,1 milliards en février, en raison d'une forte hausse des importations, ont rapporté ce mardi 7 mai les douanes.

C'est une mauvaise nouvelle pour le commerce extérieur tricolore. Selon le dernier communiqué des douanes publié ce mardi 7 mai, le déficit s'est creusé de 1,2 milliard en mars pour s'établir à 5,3 milliards, soit son plus haut niveau depuis six mois. L'accélération des importations, notamment celles des hydrocarbures, a contribué à plomber les résultats de l'appareil exportateur français. Sur l'ensemble du premier trimestre, le déficit de la balance commerciale s'établit à 13,7 milliards d'euros, contre 12,4 milliards au dernier trimestre 2018 et 14,7 milliards pour les trois premiers mois de 2018.

D'après les dernières prévisions économiques publiées le 29 avril dernier par l'Insee, le commerce extérieur français devrait reculer de 0,3% entre janvier et mars tandis que le produit intérieur brut (PIB) devrait accélérer de 0,3% sur la même période. De son côté, l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) indique dans sa dernière note de conjoncture que le commerce extérieur devrait ôter 0,2 point à la croissance du premier trimestre. Sur l'ensemble de l'année, le centre de recherches rattaché à Sciences-Po Paris prévoit une contribution légèrement négative à l'économie hexagonale (-0,1 point).

Si le commerce mondial connaît toujours une situation tendue dans le contexte de l'affrontement entre la Chine et les États-Unis, la France demeure un pays relativement moins exposé aux soubresauts de la diplomatie commerciale globale. Lors d'une conférence de presse en mars, les économistes de l'Insee ont rappelé que « l'économie française est moins exposée que d'autres aux turbulences du commerce mondial ». Malgré cette moindre exposition, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a déclaré au forum de Paris organisé à Bercy ce mardi en présence de 40 ministres du monde entier et gouverneurs de banque centrale :

« La première raison pour ce ralentissement économique mondial, c'est le risque de guerre commerciale. Je veux dire à quel point ma principale préoccupation française et européenne reste le risque de guerre mondiale commerciale animée par les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis. Nos principes de ce point de vue-là sont clairs : il faut respecter les règles multilatérales, il faut éviter toute augmentation de tarifs qui se fera toujours au détriment de la croissance, et il faut garantir la réciprocité dans les échanges commerciaux mondiaux. »

Rebond des importations d'hydrocarbures

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces chiffres décevants. Par produits, le solde commercial se dégrade nettement en mars pour les hydrocarbures naturels « à la suite du bond des approvisionnements en pétrole brut ainsi qu'en gaz naturel ». La flambée des prix de l'or noir depuis plusieurs semaines, pour atteindre un pic inédit depuis 2013, a également pesé sur les chiffres de la balance commerciale.

La dégradation du solde est marqué pour les biens de l'industrie navale « en raison du contrecoup du montant exceptionnel des livraisons de navires et bateaux en février ». Le solde pour les produits informatiques, électroniques et optiques « augmente de nouveau sous l'effet d'exportations en baisse et d'importations en hausse pour le second mois consécutif ».

Toujours au mois de mars, l'excédent commercial pour l'industrie aéronautique et spatiale accélère « à la faveur du rebond marqué des livraisons aéronautiques, consécutif au creux de février. L'excédent en produits pharmaceutiques rebondit également sensiblement sous l'effet du repli des approvisionnements, essentiellement en principes actifs depuis l'Autriche, après le pic de février ». Le dynamisme de l'industrie aéronautique ne se dément pas au fil des mois. En mars, les livraisons d'Airbus atteignent 3,01 milliards d'euros pour 30 appareils (dont deux A380) contre 1,95 milliard d'euros pour 21 appareils (dont un A380) en février.

Des exportations automobiles dynamiques

Au cours du premier trimestre, les services de l'administrations notent que depuis 2016 les ventes de véhicules français à l'étranger ont été relativement dynamiques par rapport à la moyenne des ventes réalisées dans les autres pays de l'Union européenne. « Entre 2016 et 2018, les exportations françaises se sont accrues de 9% l'an, soit trois fois plus que l'ensemble des ventes de véhicules de l'UE. »

Ces résultats favorables pour l'économie tricolore s'expliquent en partie par les moindres performances des grandes économies européennes. Le moteur de l'industrie allemande a calé en 2018. « Sur cette période, la production allemande a été perturbée par des tensions sur son industrie automobile (dieselgate, sanctions protectionnistes avec les Etats-Unis) auxquelles se sont ajoutées au premier septembre 2018 l'entrée en vigueur de la norme anti-pollution WLTP, qui s'applique à tous les véhicules neufs », rappellent les fonctionnaires.

La montée en puissance des normes antipollution a également eu des répercussions sur les économies espagnole et italienne. Le poids de la France en tant qu'exportateur dans l'Union européenne a gagné un point entre 2016 et 2017 passant de 6% à 7% tandis que celui de l'économie allemande a reculé de trois points, et ceux de l'Italie et de l'Espagne ont diminué de un point.

La balance des paiements se dégrade

De son côté, la Banque de France souligne dans un communiqué que le solde des transactions courantes s'est légèrement détérioré au cours du premier trimestre à -1,3 milliard d'euros contre 0,3 milliard au trimestre précédent en données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables (CVS-CJO). « Cette évolution résulte d'un creusement du déficit des biens, alors que l'excédent du solde des services s'améliore », soulignent les économistes de la banque centrale.

Parmi les services, le tourisme international s'en sort plutôt bien avec un excédent de 0,8 milliard. Les services de conseils, de recherche et développement fournis aux entreprises enregistrent également un excédent de 0,5 milliard d'euros. La balance des transactions va au-delà des seuls échanges de biens, traditionnellement déficitaires en France, en prenant en compte ceux des services mais aussi les revenus des investissements et du travail versés entre agents économiques en France et à l'étranger.

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