Le gouvernement veut parler d’une même voix avec les territoires sur l’Union européenne

Par César Armand  |   |  1013  mots
Le Premier ministre ainsi que son gouvernement engagent le débat avec l'UE. (Crédits : POOL)
Lors de la Conférence nationale des territoires du 12 juillet 2018, le gouvernement Philippe, le Premier ministre en tête, a pointé la baisse de la PAC ainsi que le rabotement des fonds européens, et ce en l'absence des régions gestionnaires.

« Nous vivons des temps perturbés et à bien des égards dangereux avec des discours séparatistes et de repli ainsi que des positions qui remettent en cause la régulation internationale pour assumer des approches bilatérales fondées sur le rapport de forces. » 

En ouverture de la Conférence nationale des territoires (CNT) ce 12 juillet 2018, Edouard Philippe a annoncé sa volonté d'« une réflexion internationale » sur l'Union européenne et ce en portant « la voix de la France avec les collectivités territoriales ».
Dans le viseur du Premier ministre : la politique agricole commune qui a « besoin d'être simplifiée » et ce pour protéger les agriculteurs, libérer le développement des entreprises et accompagner la transition environnementale.
Malgré l'absence - annoncée - des régions, il n'a pas épargné non plus les fonds structurels de l'UE aux « résultats pas exceptionnels » et « d'une complexité parfois redoutable à mobiliser ». L'ex-maire du Havre propose donc une réflexion commune État-collectivités pour « peser » sur la doctrine et « définir ensemble » les bons tuyaux de distribution.

Moscovici : "Apporter des preuves d'Europe"

Intervenant via un message vidéo enregistré, le commissaire européen chargé des Affaires économiques et financières, de la Fiscalité et de l'Union douanière, Pierre Moscovici, a martelé que « l'Europe était l'alliée et l'amie des territoires et non leur ennemie » : « il faut apporter des preuves d'Europe à nos concitoyens ! Vous pouvez compter sur moi pour être le relais de vos propositions »
Albéric de Montgolfier, à l'origine d'une résolution du Sénat sur le sujet le 2 juillet dernier, a néanmoins mis en garde contre la procédure de dégagement d'office dont le délai pourrait être diminué de trois à deux ans. « Cela pourrait être très négatif pour des territoires qui n'ont pas l'ingénierie », a prévenu l'élu d'Eure-et-Loir.
La ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a, elle, plaidé pour une « logique infrarégionale » - les régions étant les autorités de gestion des fonds structurels - pour les populations les plus vulnérables.

« Cela nécessite une plus grande diversité de critères. La Commission n'est pas allée assez loin en ce sens. Nous avons une attente particulière pour les régions ultrapériphériques (DOM-TOM, Canaries et Açores, ndlr)» a déclaré l'ex-directrice de l'ENA.

Mézard : "On parle mal" des fonds européens

En marge de la Conférence, sa collègue Jacqueline Gourault, ministre officieusement chargée des collectivités auprès du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, s'est, elle, fait l'écho de son gouvernement : « On en est au début. La volonté est d'avoir une expression avec les territoires. C'est parfois abstrait mais sur le terrain, c'est très concret. Parfois il y a des discours qui minimisent mais le calendrier a été expliqué. »
En face, les élus locaux présents semblent s'être échangé leurs éléments de langage. Pour le président de la métropole du Grand Paris et membre de l'association France Urbaine, Patrick Ollier, « il vaut mieux être présent pour discuter ». Idem avec Caroline Cayeux, maire de Beauvais et présidente de Villes de France : « Je ne fais pas la politique de la chaise vide. »
« Je trouverais très paradoxal qu'on finisse la discussion avant les élections européennes »,
renchérit le maire de Saint-Omer François Decoster, président de la délégation française au Comité des régions, l'instance représentative des collectivités au niveau de l'UE. Les négociations ne font donc que commencer entre la France et la Commission européenne, mais il semblerait que les territoires soient prêts à soutenir l'exécutif.
En fin de matinée, le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard, à l'origine de la thématique de la journée, a d'ailleurs jugé « indispensable » de « parler des fonds structurels ».

« Soit on n'en parle pas, soit on en parle mal, a-t-il ajouté, les Français connaissent les réalisations permises, mais ils ne savent pas quel est le rôle de l'Europe dans la réalisation de ces objectifs. »

A l'heure de l'entrée en vigueur du Brexit, l'Union européenne va perdre en effet près de 12 milliards d'euros par an de budget de fonctionnement. C'est pourquoi la France ne devrait percevoir « que » 16 milliards d'euros de fonds structurels pour la période 2021-2017 contre 16,9 milliards entre 2014 et 2020. «  Qu'ils soient complètement utilisés ! Il n'y a rien de pire que des crédits ouverts qui ne seraient pas utilisés », a également estimé Jacques Mézard.

L'exécutif "en bonne position" selon la Commission

Du côté de la Commission européenne, le chef adjoint de la représentation à Paris, contacté par La Tribune, concède « un contexte compliqué marqué par le Brexit » mais défend son institution de tout manque de transparence.

«. Nous avons fait une proposition macro ambitieuse en dépassant le seuil de 1 % du PIB, assure Beaudouin Baudru, mais on a dû aussi faire des économies : la PAC et la politique de cohésion. En revanche, nous avons aussi préservé le régime particulier attribué aux régions ultrapériphériques (DOM-TOM, Canaries et Açores, ndlr) pour lesquelles nous avons dégagé 400 millions d'euros d'enveloppe supplémentaire pour l'emploi des jeunes. »

Le commissaire Oettinger, chargé du Budget, a en outre fait tour des capitales pour « prendre la température des intentions des différents gouvernements ».

« Emmanuel Macron et le gouvernement d'Edouard Philippe sont plutôt en bonne position pour obtenir des choses, avance le chef adjoint de la représentation parisienne, la France occupant une place plutôt privilégiée dans le théâtre politique européen. S'il y a vraiment une demande de la France pour ajuster l'allocation budgétaire, on sera d'accord sur chaque chose dès qu'on sera d'accord sur tout. »

Il faudra néanmoins l'unanimité du Conseil européen, la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement des Etats-membres, avant que les demandes françaises ne soient acceptées.