Le programme logement du Front national et la rhétorique de la "préférence étrangère" (3/5)

Par Mathias Thépot  |   |  1052  mots
L'idéologie nationaliste du Front national influence ses promesses en matière de logement social.
Alors que le Front national s'apprête à réaliser un score historiquement élevé au premier tour des élections régionales 2015, "La Tribune" se plonge dans son programme économique. Le troisième volet de notre série est consacré à un sujet clivant : le logement.

Très concernant pour les Français, le sujet du logement a son chapitre dédié dans le programme du Front national. Le parti dirigé par Marine Le Pen y livre une analyse partagée par beaucoup sur la crise du logement en France, mais milite pour se démarquer pour une refonte de la politique d'attribution des logements sociaux qui souffrirait d'une « préférence étrangère ».

Priorité aux Français en matière de logements sociaux?

Première des propositions du FN, la « priorité nationale pour le logement social » est l'élément le plus démarquant de son « programme logement ». Cette proposition s'inscrit, il faut dire, dans le credo nationaliste historique du FN. Le parti d'extrême droite déplore ainsi qu'en matière de logement social, « on assiste parfois à une véritable "préférence étrangère" dans l'attribution des logements sociaux ».

Cette « assistance » apportée par le logement social, selon le parti d'extrême droite, « ne doit en aucun cas être étendue aux étrangers en situation irrégulière ni à tous les immigrés en situation régulière ». A ces derniers, un logement social peut, certes, être accordé dans des situations précisément définies par la loi, mais pas question d'en faire une généralité, insiste le FN.

Les critères d'attribution n'ont rien à voir avec les origines

Dans les faits, si une part importante des habitants des logements très sociaux est issue de la diversité, cela ne découle en aucun cas d'une quelconque sorte de discrimination positive. Dire que l'on donne la priorité, en France, au logement des étrangers est une affirmation biaisée. Les critères d'attribution des logements sociaux sont dans les textes de loi et n'ont strictement rien à voir avec les origines. Les critères pris en compte ne s'intéressent qu'aux revenus, à la composition de la famille, au temps d'attente, etc.

Rendre publique la liste des bénéficiaires de logement sociaux?

Pour améliorer la gestion du parc locatif social existant, le FN propose de réaliser un audit des conditions d'occupation actuelles des logements sociaux. Mais aussi « d'assurer la transparence dans les procédures d'attribution des logements sociaux en rendant d'une part publique la réunion des commissions d'attribution, et d'autre part, de mettre à disposition dans les mairies les listes des bénéficiaires ».

Certes, il semble nécessaire de clarifier les processus d'attribution de logements sociaux, mais, au-delà de toute considération politique, les maux du logement social français proviennent d'abord du manque de construction et de l'absence de mobilité au sein du parc locatif social car les prix des logements privés sont trop élevés pour inciter les ménages du parc locatif social à déménager. Ce gel du marché met certains ménages sur la touche et cristallise les aigreurs.

L'autre proposition du FN, visant à rendre disponible dans les mairies la liste des bénéficiaires de logements sociaux, risque en outre de poser un sujet de protection de la vie privée dont le garde-fou, la Cnil, risquerait de s'emparer. Du reste, la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) adoptée en mars 2014 instaure davantage de transparence en amont du dépôt de candidature, et impose en aval d'informer le locataire à chaque étape du dossier. Le demandeur a également accès aux caractéristiques du parc social et au niveau de satisfaction des demandes exprimées sur le territoire qui l'intéresse.

Accession à la propriété: des dispositifs qui existent déjà en partie...

Comme les partis politiques français qui ont été au pouvoir ces quarante dernières années, le Front national compte soutenir l'accession à la propriété. Il propose d'instaurer un chèque « premier logement » qui permettrait aux jeunes primo-accédants de bénéficier d'un crédit d'impôt. « Son montant serait défini en fonction des ressources du foyer », propose le FN. Une telle mesure viendrait poursuivre la politique menée par l'exécutif en place. François Hollande a en effet récemment annoncé l'élargissement du prêt taux zéro dans l'ancien et dans le neuf.

Autre étape du parcours résidentiel des ménages, le logement locatif privé doit aussi être développé, selon le FN. Le parti milite ainsi pour que les propriétaires de logements bénéficiant d'aides fiscales à l'investissement locatif, soient contraints par des contreparties sociales. C'est en fait déjà le cas depuis plusieurs années puisque les dispositifs « Scellier intermédiaire », « Duflot » et « Pinel » accordent un avantage fiscal en contrepartie de l'instauration de loyers modérés pour les occupants des logements.

Le parti d'extrême droite propose, du reste, "une fiscalité modérée des collectivités locales (taxe foncière) qui permettrait de garantir une rentabilité locative attrayante".

Priorité pour les zones rurales et destruction des barres HLM

Ciblant les populations rurales, le FN milite aussi pour que « l'Etat stratège » définisse « une politique d'aménagement du territoire favorisant les programmes immobiliers neufs dans les zones aujourd'hui désertées, rurales en particulier ».

En outre, « la politique de l'habitat et des paysages doit être repensée en veillant à l'intégration de l'urbanisme et de l'architecture dans l'environnement naturel et le respect de nos traditions architecturales ».

« Il est impératif d'organiser dans le cadre d'un plan décennal, la destruction des cités construites dans les années 1955 à 1970 et leur remplacement par un habitat de taille et d'esthétique traditionnelles, dans le respect de chartes d'insertion paysagère ».

L'idée fait sens, même si demeure la question des conditions de relogement des familles qui occupent ces cités.

Attaché à la ruralité, le FN se rend tout de même à l'évidence sur la nécessité de « modifier les règles d'urbanisation dans les zones denses, telles que les grandes métropoles ».

« On ne peut plus exclure le retour à un habitat vertical dans les zones très denses, telles par exemple que Paris et sa première couronne. Il devra s'agir alors d'un parc immobilier nouveau de qualité, orienté en particulier sur le parc locatif intermédiaire », est-il expliqué dans le programme du parti d'extrême droite, qui converge sur ce dernier point avec les propositions de la gauche comme de la droite.