Le revenu universel financé par un nouvel impôt sur le patrimoine ?

Par Hugo Baudino  |   |  797  mots
Pour plus de la moitié des Français, le revenu universel serait trop coûteux à mettre en place. La proposition de la Fondation Jean Jaurès les fera-t-elle changer d'avis ?*
La Fondation Jean Jaurès considère qu'un revenu universel pourrait être instauré immédiatement. Pour cela, il faudrait qu'il soit de faible montant dans un premier temps, et qu'il s'accompagne d'une réforme de la fiscalité patrimoniale.

On est encore loin des niveaux annoncés par les différents candidats à l'élection présidentielle. 120 euros par mois pour une personne majeure et 60 pour un mineur. Voilà comment la fondation Jean-Jaurès, proche du Parti socialiste (comme son nom l'indique), voudrait amorcer un revenu d'existence en France, selon une étude publiée le 7 février 2017. L'idée est donc d'opérer une "introduction graduelle" du principe même de revenu universel, qui commencerait donc à un niveau assez bas avant de s'aventurer autour des 500 euros par personne.

Commencer petit permet de commencer tout de suite. En effet, selon la fondation Jean Jaurès, en accompagnant l'instauration de ce revenu d'existence d'une réforme de la fiscalité sur le patrimoine, son application est "immédiatement possible". L'idée est donc de créer un nouvel impôt, l'impôt sur l'actif net (IAN), qui viendrait remplacer l'impôt de solidarité sur la fortune et la taxe foncière.

Un impôt unique sur l'ensemble du patrimoine des ménages et des sociétés

Cet IAN se baserait sur "l'ensemble du patrimoine immobilier et financier des agents économiques (ménages, mais aussi entreprises et administrations publiques) net des dettes". En d'autre termes, pour calculer l'assiette de cet impôt, il faudrait soustraire l'endettement des contribuables à la valeur totale de leur patrimoine. Pour un ménage, cela reviendrait par exemple à déterminer la base taxable en additionnant la valeur du bien immobilier possédé et le montant des différents produits d'épargne, puis en soustrayant le montant total encore dû à la banque pour leurs différents crédits.

Lire aussi : Il y a une grosse incompréhension sur le revenu universel

Le nouvel impôt sur le patrimoine serait donc, selon la fondation, plus juste et plus efficace que l'actuelle taxe foncière, qui fait totalement fi des dettes immobilières et ne prend en compte que le patrimoine foncier du ménage. L'IAN rapporterait 105 milliards d'euros par an, selon les calculs de la Fondation Jean Jaurès, mais le gain pour les finances publiques ne serait "que" de 70,3 milliards d'euros une fois soustraites les recettes actuelles de l'ISF et de la taxe foncière, qui seraient donc supprimées.

Cadrage de la réforme fiscale nécessaire à la mise en place du revenu d'existence tel que défendu par la Fondation Jaurès.

Dans sa version light à 120 euros par mois, le revenu d'existence coûterait 83,8 milliards d'euros par an. Pour arriver à l'équilibre, la Fondation Jean Jaurès intègre donc le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) dans l'équation. La suppression pure et simple du CICE, "qui n'a pas fait ses preuves" est préconisée, permettant ainsi de dégager 20 milliards d'euros supplémentaires et ainsi arriver à 90,3 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires, suffisantes pour financer le revenu d'existence. Les 7 milliards restants pourraient servir à baisser les cotisations sociales pour les entreprises.

La Fondation reprend ainsi la proposition de Benoit Hamon, qui avait évoqué la suppression du CICE pour financer la mise en place de la première étape de son revenu universel, à savoir la revalorisation du RSA à 600 euros et sa distribution automatique à tous les gens qui y ont droit, y compris les 18-25 ans.

Près de 500 euros par mois et par personne, à terme

Pour ce qui est du montant, la proposition de la Fondation Jaurès est volontairement basse pour à la fois prouver la faisabilité du projet et sensibiliser peu à peu la société à un tel dispositif, car cette aide d'un nouveau genre nécessitera sans aucun doute une adaptation des mentalités. L'objectif à terme est donc d'atteindre, toujours selon la fondation, un niveau aux alentours des 500 euros, ce qui fait écho au Liber défendu par le think tank GénérationLibre de Gaspard Koenig. La fondation Jean Jaurès valide d'ailleurs le concept de Liber, qui s'accompagne d'une Liber taxe, soit un impôt à taux unique qui remplacerait l'actuel impôt sur le revenu. De plus, les deux organisations s'accordent pour attribuer un revenu universel sans toucher aux autres allocations. Ainsi, le RSA et les allocations logements dans les zones tendues seraient, par exemple, toujours distribuées à ceux qui y ont droit.

Benoît Hamon souhaiterait pour sa part aller jusqu'à 750 euros de revenu universel, en incluant les différentes aides et prestations sociales. Le financement se ferait donc par la suppression des aides sociales existantes, mais également par d'autres pistes fiscales : une meilleure lutte contre l'évasion fiscale, une "taxe robot", une plus forte imposition des hauts revenus ou une taxe sur le patrimoine similaire à celle proposée par la Fondation Jean Jaurès.

Lire aussi : Taxer le travail des robots : quand l'Europe rejoint Hamon sur le revenu universel

 * Graphique réalisé par notre partenaire Statista