Les jeunes Français ont moins de boulot... mais sont moins pauvres

Par Mathias Thépot  |   |  863  mots
Comment résorber la crise de l'emploi des jeunes ?
Un jeune sur six est aujourd'hui sorti du système éducatif et sans emploi en France, selon l'OCDE. Heureusement, le modèle de protection sociale français limite les situations de pauvreté.

C'est bien connu, l'emploi des jeunes en France va mal. Le taux de chômage chez les 15-24 ans s'établissait notamment à 25,2 % au premier trimestre 2016 selon l'Insee, un record. De plus en plus de rapports d'experts dénoncent cette situation alarmante. Le dernier en date, réalisé par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), pointe notamment les difficultés des jeunes qui n'ont pas de diplôme à trouver un emploi en France. Selon l'organisation, un jeune sur six de 15 à 29 ans est aujourd'hui sans emploi et sorti du système éducatif français. Sur ce point, la France est à la traîne par rapport à la plupart des pays de l'OCDE.

Au total, 1,8 million de jeunes sont ainsi sortis du système éducatif et sans emploi, soit 16,6 % des 15-29 ans. C'est 270.000 jeunes de plus qu'en 2008. « Le nombre de jeunes sortis du système éducatif et sans emploi a beaucoup augmenté en 2009 à cause de la crise, et s'est malheureusement stabilisé depuis », déplore l'économiste responsable des politiques sociales de l'OCDE Stéphane Carcillo.

Moins de pauvreté chez les jeunes

En revanche, et c'est une particularité de la France, malgré la part élevée de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif, le taux de pauvreté chez les jeunes est l'un des plus faibles de l'OCDE - environ 10 %. Cette situation paradoxale s'explique par les bonnes performances des minima sociaux. « Le système de protection sociale français est plus protecteur qu'ailleurs », confirme Stéphane Carillo. « Il permet de sortir 60 % des « jeunes à risque » de la pauvreté », ajoute l'économiste.

Plus concrètement, c'est en premier lieu grâce au système d'allocations chômage -pourtant très décrié par les tenants de l'orthodoxie budgétaire - que les jeunes sans emploi arrivent à garder la tête hors de l'eau. En effet, ce dispositif autorise notamment une indemnisation après seulement 4 mois de travail. Une mesure importante pour les jeunes qui sont principalement employés en contrat de courte durée. Par ailleurs, comme le note l'OCDE, il faut aussi savoir qu'en France, le soutien aux jeunes passe indirectement par la place importante donnée aux politiques d'aides aux familles. D'ailleurs une majorité de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif français habitent aujourd'hui chez leurs parents.

Recours accru à l'apprentissage

Heureusement, donc, que la France possède ce système puissant d'amortisseurs sociaux. Mais il ne peut bien évidemment résoudre, seul, les maux de l'emploi en France. Les solutions sont dans ce cadre à aller chercher du côté des politiques d'éducation. En effet, l'OCDE dresse un constat accablant : 84 % des jeunes sans emploi et sortis du système éducatif n'ont pas fait d'études supérieures, voire se sont arrêtés bien avant le bac. Pour résoudre durablement le problème du chômage en France, il faudrait donc améliorer leur formation.

L'OCDE préconise donc de meilleurs échanges d'informations pour maintenir les élèves dans le système éducatif, un peu à la manière du dispositif Follow Up Services qui fonctionne bien en Norvège depuis 1994. Une sorte de plan anti échec scolaire qui permettrait aux enseignants, aux services sociaux et aux services de l'emploi de communiquer dès qu'un élève commence à décrocher à l'école. Par ailleurs, l'organisation préconise aussi un recours accru à l'apprentissage, qu'il faudrait aujourd'hui développer pour les jeunes sans diplôme.

Des jeunes mieux qualifiés

Mais au-delà des propositions de l'OCDE, il faudrait peut-être aussi se concerter davantage avec les entreprises pour savoir quels types d'emplois elles recherchent. Ils semble notamment qu'elles demandent de plus en plus de profils hautement qualifiés. Une tendance qui ne fera que s'accentuer avec la numérisation de l'économie. En effet, comme le rappelait l'économiste Philippe Askenazy dans nos colonnes, nous connaissons en ce moment « une évolution lourde des exigences des entreprises ». C'est pourquoi il faudrait se demander, « par exemple, si nous formons assez de salariés qualifiés, que demandent les entreprises, et qui bénéficient d'emplois plus stables... ».

L'exemple du Royaume-Uni

L'exemple du Royaume-Uni est de ce point de vue très intéressant. « La réussite britannique sur le front du chômage est souvent évoquée, mais sait-on qu'en France nous sommes très en retard sur nos voisins, s'agissant du niveau de qualification des entrants sur le marché du travail ? Ils ont 10 points d'avance sur nous, pour ce qui est de la proportion de jeunes diplômés du supérieur », ajoutait l'économiste.

Des propos corroborés par l'étude de l'OCDE. En effet, si l'organisation confirme que le Royaume-Uni possède un taux de chômage des 15-29 ans bien inférieur à  la France, en revanche, elle montre que la situation des élèves n'ayant pas passé l'étape de l'enseignement secondaire est autant dégradée outre-manche qu'en France. C'est donc aussi la réussite des élèves diplômés du supérieur au Royaume-Uni, plus nombreux et certains d'avoir un emploi, qui explique ses meilleures performances sur le front de l'emploi. De quoi faire réfléchir chez nous en cette période préélectorale...