Les maires appellent Hollande à renoncer à la baisse des dotations

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  987  mots
Toutes les associations de maires attendent de François Hollande qu'il annonce, lors du congrès des maires, la suppression pour 2017 de la dernière tranche de baisse de 3,6 milliards d'euros de la dotation de l'Etat
L'ensemble des associations d'élus communaux tirent la sonnette d'alarme et demandent au gouvernement de renoncer à une nouvelle baisse de 3,6 milliards d'euros la dotation de l’État en 2017. Sinon, l'investissement et l'emploi en subiront les conséquences. Elles attendent un geste de François Hollande lors de sa venue au Congrès des maires fin mai.

Ils sont venus, ils sont tous là...  Dans une unanimité qui se voulait très solennelle, l'ensemble des associations d'élus du bloc communal (maires des villes de France, maires des grandes villes, maires des milieux ruraux, maires des métropoles, intercommunalités, etc.) ont signé un appel commun pour dire "stop" à une nouvelle baisse des dotations de l'Etat en 2017... Un sujet qui empoisonne les relations entre l'Etat et les collectivités locales depuis des mois.

Toutes les associations tirent donc la sonnette d'alarme, dans un appel:

Les présidents des associations du bloc communal demandent à l'unanimité au gouvernement l'abandon de la dernière tranche de baisse des dotations prévue en 2017. Il s'agit d'une priorité nationale pour stopper la chute de l'investissement local.

Sur les années 2014-2017, les concours financiers de l'État sont en effet appelés à diminuer de 12,5 milliards d'euros, soit une baisse cumulée de 28 milliards d'euros, dont 15,7 milliards d'euros (56%) pour le seul bloc communal. Le double mouvement de baisse des dotations et de transfert unilatéral de dépenses par l'État conduit au bord du déséquilibre budgétaire un nombre de plus en plus important de collectivités. Après 10 milliards de baisse des investissements depuis 2013, le bloc communal est contraint de réduire les services à la population ou d'augmenter les tarifs, et de limiter à nouveau les investissements locaux.

Pour être tout à fait précis, il est exact que l'État fait participer les collectivités locales à la réduction des dépenses publiques via, sur 3 ans (2015-2017), une baisse de 10,7 milliards d'euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée par l'Etat aux collectivités, soit environ 3,6 milliards d'euros chaque année. La DGF avait déjà été réduite d'1,5 milliard d'euros en 2014.

Pour François Baroin, maire "Les Républicains" de Troyes, et président de l'Association des Maires de France, "l'effort demandé aux collectivités locales en général et au bloc communal en particulier dans le cadre de la réduction de 50 milliards d'euros des dépenses publiques est totalement disproportionné, alors que les collectivités locales ne représentent que 9,5% de la dette publique, dont 4% pour le seul bloc communal. Tout le reste, c'est la sécurité sociale et l'Etat". Et de rappeler que, parallèlement, 58% des investissements publics sont portés par le bloc communal.

Toutes les associations d'élus espèrent donc que François Hollande, attendu au Congrès des maires qui se tiendra çà Paris du 31 mai au 2 juin, arrivera porteur de "LA" bonne nouvelle: la suppression de la dernière tranche de baisse de la DGF de 3,6 milliards d'euros prévue pour 2017.

Jusqu'ici, le ministre des Finances Michel Sapin s 'est pourtant montré intraitable, estimant que le plan triennal de baisse doit être mené à son terme. Mais le locataire de Bercy est dans son rôle... Les considérations politiques à un an de l'élection présidentielle devraient davantage peser que la rigueur financière.

Des investissements en baisse de 20%

D'autant plus que les élus locaux agitent la menace de la baisse drastique des investissement et ses conséquences sur l'emploi. Olivier Dussopt président (PS) de l'Association des petites villes de France (APVF) estime qu'au total en 2017 "on pourrait aboutir à une baisse de 15% à 20% des investissements du bloc communal" qui consacre, à titre d'exemple, 6 milliards d'euros à la voirie. A terme, "ce sont près d'un quart des 250.000 salariés travaillant dans les travaux publics qui pourraient être menacés", dramatise François Baroin.

Sans parler des conséquences sur le services publics affaiblis, voire fermés. "Et ce sont déjà des centaines de festivals qui sont annulés pour cet été" précise Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF).

André Laignel, président (PS) du Comité des finances locales (CFL) met lui le doigt sur une autre conséquence de la baisse drastique des dotations de l'Etat: la baisse de l'autofinancement net des communes. Selon lui, la réduction a déjà atteint 30% entre 2011 et 2014, elle serait encore de 10% en 2015. Il évoque "une phase d'étouffement financier". Et, sans autofinancement pour servir d'effet levier, les investissements plongent.  "Dans un tel cas de figure les aides de l'État ou de la Caisse des dépôts ne servent plus à rien".

Un recours accru à l'endettement

Aussi, pour limiter l'enlisement et éviter une trop forte hausse des impôts locaux, les collectivités locales s'endettent. En 2015, elles ont continué à emprunter auprès des banques et sur le marché obligataire. L'encours de dette des collectivités est ainsi en hausse de 4,9 % sur un an à 178 milliards d'euros. L'endettement joue donc un rôle de pansement à court terme, mais si cette tendance se prolongeait -moins de ressources propres et plus de dette - la solvabilité de certaines collectivités locales pourrait être durement affectée.

« Nous entrons dans une phase de crise de solvabilité pour certaines collectivités qui voient leur capacité de remboursement s'éroder fortement », expliquait dès octobre 2015  Serge Bayard, président du conseil d'administration de La Banque Postale collectivités locales. Des milliers de communes subissent une dégradation progressive de leur ratio d'endettement : 18 % d'entre elles ont désormais une capacité de désendettement supérieure à 10 ans, dont 12 % supérieure à 15 ans. Ces profils sont considérés comme très risqués par les banquiers, et ce sont souvent des villes moyennes qui sont concernées. Celles-ci misaient en effet beaucoup sur les soutiens financiers des départements que ceux-ci ont été contraints de retirer, faute de moyens

A ce sujet, François Baroin alerte encore, estimant que le degré d'endettement de certaine communes devient critique et "que plusieurs centaines de communes sont déjà passées sous la tutelle de l'Etat"...

Avec une telle dramatisation de la part des associations d'élus locaux, on voit mal comment François Hollande pourrait échapper à un geste lors du Congrès des maires...