« Méga-bassines » : Marc Fesneau veut accélérer la construction de ces réserves d'eau controversées

Par latribune.fr  |   |  665  mots
La méga-bassine de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, a été le théâtre de violents affrontements en octobre 2022 puis mars 2023 entre les opposants à cette installation et les forces de l'ordre. (Crédits : Reuters)
En pleine colère agricole, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a affiché ce lundi sa volonté d'accélérer les constructions de réserves d'eau, réclamées par les agriculteurs. Elles sont en revanche contestées par d'autres citoyens, qui les qualifient de « méga-bassines », car elles pompent les nappes phréatiques.

Parmi les revendications des agriculteurs - qui mènent depuis quelques jours des actions partout en France, bloquant notamment des axes routiers, pour exprimer leur « ras-le-bol » et leur « colère » - se trouve la construction de réserves d'eau supplémentaires pour faire face au dérèglement climatique. En visite en Vendée ce lundi sur une infrastructure de ce type, le territoire en comptant depuis des années, le ministre de l'Agriculture a réaffirmé que le gouvernement allait s'employer à accélérer leur création.

Parmi les axes d'action : réduire les délais. « Les délais d'instruction d'un certain nombre de procédures (...) sont beaucoup trop longs (...) », a-t-il reconnu. Le ministre a ainsi évoqué qu'une loi de simplification des procédures administratives pour les agriculteurs pourrait arriver au printemps. « La simplification c'est un sujet sérieux », a-t-il appuyé devant des journalistes.

En outre, un pacte pour favoriser le renouvellement des générations en agriculture, présenté mi-décembre, prévoit notamment d'accorder une « présomption d'urgence » en cas de contentieux permettant de juger ces dossiers plus rapidement.

Des réserves qui font débat

Mais ces installations sont loin de faire consensus. Elles sont qualifiées de « réserves de substitution » par leurs promoteurs afin d'irriguer les cultures en été, mais de « méga-bassines » par leurs détracteurs, car remplies par pompage dans les nappes phréatiques. Les opposants dénoncent un « accaparement » de l'eau par les gros producteurs, au profit de l'agro-industrie et pour l'exportation, qui perpétue un modèle remis en cause par le réchauffement climatique. Les agriculteurs, de leur côté, les voient comme une assurance-récolte indispensable à leur survie face aux sécheresses à répétition.

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Un conflit d'usage de l'eau illustré par les violences de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Après de premiers épisodes en octobre 2022, la manifestation de mars 2023 avait dégénéré rapidement en affrontements avec les gendarmes, faisant de nombreux blessés. Deux manifestants avaient passé plusieurs semaines dans le coma. Si la Ligue des Droits de l'Homme a dénoncé un « usage disproportionné » des armes (grenades lacrymogènes, LBD) par les forces de l'ordre, une commission d'enquête parlementaire a en revanche conclu mi-novembre à la « responsabilité écrasante » des trois mouvements qui avaient appelé à manifester, en dépit d'interdictions préfectorales. Trois militants anti-bassines ont d'ailleurs été condamnés la semaine dernière à des peines comprises entre 6 et 12 mois d'emprisonnement avec sursis pour l'organisation de manifestations interdites.

Ce qui n'empêche pas les opposants de vouloir poursuivre leur combat. Une prochaine mobilisation contre les « bassines » est en effet d'ores et déjà annoncée en juillet prochain dans le Poitou, juste avant les Jeux olympiques de Paris.

20 millions dans les tuyaux

Marc Fesneau a aussi annoncé le lancement, qui était néanmoins déjà dans les tuyaux, d'un « fonds hydraulique ». Déclinaison du « Plan eau » présenté début 2023 par le gouvernement et prévu dans la loi de finance 2024, il doit permettre d'aider les agriculteurs à investir dans des projets de stockage d'eau, de réutilisation des eaux usées dans les champs ou de modernisation des systèmes hydrauliques. Ce fonds doit donner la priorité aux « projets vertueux : engagement agroécologiques, réduction de la consommation d'eau, évolution des pratiques culturales, etc », a indiqué le ministère. Il doit être abondé de 20 millions d'euros « dès 2024 », selon son cabinet.

« Les économies d'eau doivent être réalisées à l'hectare dans le domaine agricole, en investissant notamment dans du matériel d'irrigation le plus efficient possible et/ou en faisant évoluer des assolements », selon une note de l'administration.

L'objectif est d'irriguer davantage de surface à consommation constante en eau. L'agriculture en France est aujourd'hui à l'origine de 58% de la consommation nationale d'eau pour irriguer les cultures ou abreuver les bêtes.

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(Avec AFP)