Présenté le 30 mars par Emmanuel Macron, le « Plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau » du gouvernement exige une réduction de la consommation de l'ensemble des secteurs économiques de 10% par rapport à 2019 avant 2030. L'agriculture, responsable de 58% de l'utilisation totale d'eau douce, joue un rôle essentiel dans l'atteinte de cet objectif, qui constitue à son tour le premier chantier de la planification écologique voulue par l'exécutif. Et ce, alors même qu'à cause du réchauffement climatique la production agricole risque de nécessiter davantage d'irrigation.
La mise en oeuvre du volet agricole du « plan eau » est donc sensible, et le gouvernement montre sa volonté de l'aborder de façon concertée. Mardi 7 novembre, elle a fait l'objet d'une réunion de travail « inédite » entre le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (Masa), Marc Fesneau, la secrétaire d'Etat chargée de la Biodiversité, Sarah El Hairy, les directeurs des six Agences de l'eau et l'ensemble des présidents des Comités de bassin.
Un « 0% agricole »
Comme déjà précisé par Marc Fesneau au moment même de la présentation du « plan eau », l'objectif fixé à l'agriculture reste inférieur à celui des autres secteurs. Il s'agit en effet de moins consommer dans les territoires qui le peuvent pour pouvoir en irriguer d'autres qui ne l'étaient pas jusqu'à présent : un « 0% agricole » justifié au nom de la « souveraineté alimentaire », explique le ministère de l'Agriculture.
La déclinaison territoriale de cet objectif global, qui revient aux Comités de bassins et aux Agences de l'eau, sera forcément évolutive et concertée, et demande parfois une acculturation des acteurs locaux, ajoute le Masa. Chaque comité de bassin est ainsi en train de voter sa stratégie de territorialisation du « plan eau », en prenant comme hypothèse une réduction de la consommation locale de 10%. Mais la répartition des efforts entre catégories d'usagers dépendra des spécificités territoriales, précise le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. La « traduction concrète jusqu'au dernier kilomètre » doit passer, selon le « plan eau », par des Projets des territoires pour la gestion de l'eau (PTGE) ou des Schémas d'aménagement de la gestion de l'eau (SAGE) adoptés au niveau de chaque sous-bassin, rappelle le ministère de la Transition écologique.
Un « fonds hydraulique » pour faciliter les investissements
Quant aux moyens de cette « sobriété à l'hectare », aucune mesure concrète n'a pu encore être concertée, admet le gouvernement. Mais elle passera tant par une modernisation des systèmes d'irrigation que par une évolution des pratiques culturales, admet le ministère de l'Agriculture.
L'exécutif mise notamment sur la création rapide d'un « fonds hydraulique » abondé à hauteur de 30 millions d'euros, piloté par le Masa, afin de faciliter les investissements des agriculteurs dans une variété de projets au service d'une utilisation plus efficiente de l'eau (amélioration de l'efficacité des réseaux de distribution, optimisation du partage de l'eau entre activités, aide à la création, à l'agrandissement, à la réhabilitation et à la modernisation d'ouvrages, réutilisation de l'eau etc.). Il attend le feu vert de Bruxelles. Il compte également sur les Chambres d'agriculture pour un changement d'échelle des expérimentations techniques déjà en cours sur les territoires, note le ministère de la Transition écologique.
La redevance irrigation plafonnée
Le plan eau apporte 475 millions d'euros supplémentaires par an aux agences de l'eau, provenant exclusivement des redevances payées par les usagers, a rappelé le ministère de la Transition écologique. Dans leur intégralité, ils seront disponibles en 2025, ajoute-t-il.
L'agriculture y participera pour 10%. 37 millions viendront notamment de la redevance de pollution diffuse, payée par les utilisateurs de produits phytosanitaires et augmentée. 10 millions viendront de la redevance irrigation. Le ministère de l'Agriculture a, à ce propos, déclaré que ces 10 millions sont non seulement « un objectif », mais aussi « un plafond », en soulignant qu'« il n'y a en France que 58.000 irrigants ». Dans les régions nécessitant davantage d'eau, les prélèvements fiscaux doivent rester économiquement supportables, alerte le Masa, pour qui « une augmentation de 250%-300% de la redevance irrigation ne serait pas acceptable ».
Les retenues d'eau, un outil parmi d'autres
Quant aux retenues d'eau, celles illégales seront démontées, promet le ministère de l'Agriculture, en assurant que les décisions de justice seront appliquées. Celles autorisées, en revanche, seront maintenues, lorsqu'elles sont estimées utiles au niveau territorial. Il ne s'agira toutefois que d'« un outil parmi d'autres » pour répondre au défi de la raréfaction de la ressource, au même titre que l'efficience et l'adaptation des pratiques culturales, promet le gouvernement.
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