Agriculteurs en colère : avant la réunion avec Attal, la FNSEA appelle à des actions « toute la semaine »

Face à la colère des agriculteurs qui se propage, le Premier ministre Gabriel Attal reçoit ce lundi soir à Matignon le syndicat agricole FNSEA, qui attend des « actes concrets » après le report de « quelques semaines » d'un projet de loi qui doit être étoffé. Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, a annoncé dans la matinée le lancement d'actions d'agriculteurs dans toute la France.
Entre autres revendications, les agriculteurs dénoncent le refus de Bruxelles de prolonger en 2024 la dérogation permettant de mettre en culture les terres en jachère.
Entre autres revendications, les agriculteurs dénoncent le refus de Bruxelles de prolonger en 2024 la dérogation permettant de mettre en culture les terres en jachère. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

[Article publié le lundi 22 janvier 2024 à 07h18 et mis à jour à 10h32]. À un mois du salon de l'Agriculture, qui doit avoir lieu le 24 février, les agriculteurs ne décolèrent pas. Arnaud Rousseau, président du premier syndicat agricole français, la FNSEA, a annoncé ce lundi au micro de France Inter le lancement dans toute la France d'actions d'agriculteurs appelant le gouvernement à entendre leur « ras-le-bol » et leur « colère », avant une réunion avec le Premier ministre. Ils dénoncent des charges financières et des normes environnementales jugées trop lourdes.

« Je peux vous dire que dès aujourd'hui et toute la semaine et aussi longtemps qu'il sera nécessaire, un certain nombre d'actions vont être menées », a déclaré Arnaud Rousseau, alors que plusieurs blocages ont déjà eu lieu en Occitanie.

Ces actions concerneront « chaque département », a-t-il prévenu, précisant que la violence n'était cependant pas la bonne réponse.

Si le gouvernement n'est « pas au rendez-vous » face à la colère des agriculteurs, « on peut être à l'aube d'un gros mouvement agricole », a déclaré séparément lundi matin Arnaud Gaillot, président des Jeunes agriculteurs, alliés de la FNSEA. Depuis jeudi soir, plusieurs dizaines d'exploitants bloquent l'autoroute A64, qui relie Toulouse à Bayonne, à hauteur de Carbonne, en Haute-Garonne. Des agriculteurs ont également bloqué lundi les accès à la centrale nucléaire de Golfech, dans le Tarn-et-Garonne.

Le Premier ministre Gabriel Attal recevra la FNSEA et les Jeunes agriculteurs à 18h00 ce lundi. S'il estimait ne pas avoir été entendu, le syndicat agricole a déjà menacé d'amplifier les actions et de chahuter la visite d'Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture. « Nos agriculteurs ne sont pas des bandits, des pollueurs, des personnes qui torturent les animaux, comme on peut l'entendre parfois », a néanmoins lancé samedi dans le Rhône, en signe d'apaisement, Gabriel Attal.

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La stratégie de verdissement de l'Europe dans le viseur

Il va falloir bien plus que des paroles de soutien pour éteindre le feu tant la profession attend des mesures concrètes. Les syndicats dénoncent la lenteur du gouvernement à mettre en œuvre la simplification administrative promise. « Les agriculteurs qui nous appellent ne savent même plus ce qu'ils ont le droit de faire ou non » et ne se sentent « pas accompagnés comme il faut, face aux défis climatiques, géopolitiques et sanitaires », a déclaré à l'AFP Véronique Le Floc'h, présidente de la Coordination rurale, 2e syndicat agricole.

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Donnant l'exemple des haies, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA a expliqué : « Pourquoi les agriculteurs n'en font pas ? Parce qu'il y a 14 textes réglementaires », alors même que chacun reconnaît les vertus de la haie contre l'érosion, pour la biodiversité etc. Ces contraintes, auxquelles s'ajoutent des indemnisations jugées « trop tardives » pour des filières en crise (viticulture, élevage), ruinent « l'attractivité » dont le secteur a besoin pour renouveler ses chefs d'exploitations vieillissants.

Si la France est la première bénéficiaire de la Politique agricole commune (PAC) avec 9 milliards d'euros d'aides par an, ses exploitants contestent avec énergie la stratégie de verdissement de l'agriculture européenne. Elément central du Pacte vert de l'UE, un projet législatif visant à réduire de moitié d'ici 2030 l'utilisation des produits phytosanitaires chimiques (par rapport à la période 2015-2017), a été rejeté au Parlement européen fin novembre. Mais les agriculteurs, qui se sont réjouis du renouvellement de l'autorisation de l'herbicide controversé glyphosate, redoutent de voir le retour de ce projet et entendent peser avant les élections. Ils dénoncent aussi le refus de Bruxelles de prolonger en 2024 la dérogation permettant la mise en culture les terres en jachère (environ 4% des terres agricoles), alors que « la tension alimentaire provoquée par la guerre en Ukraine se poursuit ».

Un mouvement qui touche toute l'Europe, Royaume-Uni compris

Alors qu'une réunion des ministres de l'Agriculture est prévue en début de semaine, le mouvement s'étend à toute l'Europe, des Pays-Bas à la Roumanie en passant par la Pologne ou l'Allemagne. Les agriculteurs multiplient les actions contre le Green Deal européen. Le Royaume-Uni n'est pas épargné : des producteurs de fruits et légumes vont manifester ce lundi devant le Parlement à Londres pour protester contre les contrats d'achats « injustes » qui les lient aux principales enseignes de la grande distribution.

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Autre « sujets brûlants » : des dossiers techniques portant sur la préservation des prairies et une nouvelle cartographie européenne des tourbières et zones humides qui « impacterait 0,3% de la surface agricole utile dans les pays européens et jusqu'à 29% en France », dont des plaines de Beauce, fustige le représentant des céréaliers, Eric Thirouin. « Pas d'interdiction sans solution », martèle la FNSEA, son mantra pour les pesticides, le partage de l'eau ou le relèvement progressif de la fiscalité sur le gazole non routier (GNR), « négocié en responsabilité » avec Bercy.

Le projet de loi agriculture de nouveau reportée

En France, la profession est aussi échaudée par les reports successifs du projet de loi agriculture, promis il y a plus d'un an par Emmanuel Macron, et finalement moins ambitieux que la « loi d'orientation agricole » initialement annoncée. Dimanche, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a annoncé un nouveau délai.

Le texte, qui devait être présenté mercredi en Conseil des ministres, ne le sera que dans « quelques semaines », avec pour objectif d'être débattu au Parlement « au premier semestre 2024 ». « On n'est plus à une semaine près, mais il faudra des choses très concrètes », a réagi à l'AFP le vice-président de la FNSEA Luc Smessaert. Il réclame notamment « d'arrêter la sur-transposition » des normes européennes et « d'appliquer à 100% » la loi Egalim de 2021, qui vise à protéger la rémunération des agriculteurs.

Le projet de loi que doit présenter le gouvernement entend favoriser le renouvellement des générations en agriculture, une nécessité à l'heure où la population des près de 500.000 chefs d'exploitation vieillit. Il sera complété pour permettre une « simplification » du mille-feuille de réglementations imposées à la profession, a promis dimanche Marc Fesneau. « Une simplification drastique des normes » est nécessaire, a abondé le ministre de l'Économie Bruno Le Maire sur la chaîne TF1. « Nous avons commencé à apporter des réponses », a précisé le ministère de l'Agriculture, se félicitant du budget « historique » - 4 milliards d'euros pour les trois prochaines années dont 1,3 milliard en 2024, dévolu à l'agriculture. « Mais nous allons encore accélérer.»

Les oppositions en soutien de la colère des agriculteurs

Le gouvernement a d'autant intérêt à agir vite qu'à moins de cinq mois des élections européennes, les oppositions politiques courtisent le monde agricole. A commencer par Jordan Bardella, président et tête de liste du Rassemblement national, qui a fustigé samedi depuis la Gironde viticole « l'Europe de Macron qui veut la mort de notre agriculture ».

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Droite comme gauche ont demandé à l'exécutif de ne pas augmenter la taxe sur le gazole non routier. Les exploitants « n'ont pas d'autre choix que d'en utiliser », a relevé dimanche le patron du parti communiste Fabien Roussel. Il faut « renoncer dans l'immédiat à cette mesure » a abondé le chef des députés Les Républicains, Olivier Marleix, apportant « très clairement » son soutien à la mobilisation.

(Avec AFP)

Commentaires 21
à écrit le 22/01/2024 à 17:48
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La direction que prennent les tracteurs, direction de Perpignan, pourquoi pas Béziers.... Ça sent clairement la grosse manipulation électorale à l'approche des Européennes. Par ailleurs, compte tenu des aides françaises aux agriculteurs qui sont s...

à écrit le 22/01/2024 à 16:26
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Pour le pouvoir actuel il vient de se tirer une balle dans le pied (hausse edf& prise en charge frais médicaux etc) le pays vat exploser avant 2027 ,on peut considérer que les extrêmes sont à la porte du pouvoir Les retraités qui le peuvent doivent ...

à écrit le 22/01/2024 à 14:26
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Encore trop de fonctionnaires comme à peu près dans tous les ministères. 1 fonctionnaire pour 10 agriculteurs. Il y a 400 000 agriculteurs et 40 000 fonctionnaires au ministère de l'agriculture. Plus il y a de fonctionnaires, plus ils pondent des nor...

à écrit le 22/01/2024 à 12:08
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Les adhérents de la FNSEA sont prisonniers du modèle qu'ils ont choisi : agriculture et élevage extensifs, équipements surdimensionnés, surendettement, utilisation abusive de produits chimiques. Ils ont empoisonnés les sols, maltraités leurs animaux...

le 22/01/2024 à 16:23
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"Le gouvernement les laisse détruire parce qu'ils votent à droite où à l'extrême droite " Sur le site de la FNSEA : Intentions de vote au 1er tour de 2022: Si le premier tour de l’élection présidentielle se déroulait dimanche prochain, les ag...

à écrit le 22/01/2024 à 11:23
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Eux, ils peuvent bloquer les routes et les autoroutes, déverser du lisier à la préfecture, personne ne leur dira rien....Pour un agriculteur c'est normal. Quand il ne travaillent pas ils appellent çà journée d'action.

à écrit le 22/01/2024 à 11:07
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"à l'heure où la population des près de 500.000 chefs d'exploitation vieillit." Tiens, je croyais qu'ils n'étaient plus que 400.000 pour obtenir 9 milliards annuels jusqu'en 2027 avec la PAC.

à écrit le 22/01/2024 à 10:44
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Voyons les faits froidement: nous avons accumulé trop d'insatisfactions, trop de dysfonctionnements sur le monde agricole. Dans une période où les agriculteurs ne cultivent pas leurs terrains, le mouvement va prendre de l’ampleur, et quand cela se ca...

à écrit le 22/01/2024 à 10:43
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Pour calmer ces braves gens excedes le petit dernier va avoir du mal a appliquer les ordres de son mentor. Ne connaissant rien, ni n'ayant la moindre experience in situ, il va etre fort depourvu. Etre ministre implique d'avoir le cuir dur, etre tre...

à écrit le 22/01/2024 à 10:40
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Des pollueurs...si...un peu quand même .

à écrit le 22/01/2024 à 10:37
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La saignée des finances publiques agro-industrielle. Ils n'ont décidément aucune pudeur. "On veut toujours plus de sous !" Alors qu'ils osnt toujours moins nombreux.

à écrit le 22/01/2024 à 9:57
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Une des raisons : la concurrence destructrice de l'agriculture ukrainienne, qui ne paie plus de droits de douane pour vendre en Europe. Mais ça, on n'en parle pas trop : c'est pas politiquement correct.

à écrit le 22/01/2024 à 9:20
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"le Premier ministre recevra la FNSEA et les Jeunes agriculteurs à 18h00 ce lundi. " Et les autres ? Les cinq principaux syndicats agricoles français (FNSEA, Jeunes agriculteurs, Confédération paysanne, Coordination rurale, Modef).

à écrit le 22/01/2024 à 9:11
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Tout va être dit et son contraire ! La McKronie attendra les ordres de Bruxelles et gagnera du temps en le faisant perdre aux français, comme d'habitude !

à écrit le 22/01/2024 à 8:42
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Voilà le résultat du projet néfaste de l'union européenne dirigée par les socialistes et les écolos depuis 20 ans au profit unique de la Deutsche compagnie et des grands industriels de l'agroalimentaire. Qu'est devenu notre pays qui au sortir de la ...

le 22/01/2024 à 8:49
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Commentaire totalement incohérent vu que situation cauchemardesque pour les paysans c'est certain mais ne datant pas que de Macron. En se concentrant sur lui vous évitez soigneusement de chercher à régler les vrais problèmes de l'agriculture français...

le 22/01/2024 à 10:46
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@MICfra26. Pour ce faire il faudra voter en juin. De preference pour quelqu'un d'honnete. Si, si, ca existe.

le 22/01/2024 à 10:53
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"De preference pour quelqu'un d'honnete" En politique !? LOL ! T'as raison plus c'est gros et plus ça passe ! ^^ A moins que tu pensais à Ruffin peut-être ? Mais c'est pas vraiment ta came si ? Puis il ne va pas se présenter hein, il tient à la vie ...

à écrit le 22/01/2024 à 7:33
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Gavé de PAC nos agriculteurs européens ne veulent pourtant pas assumer leur statut de fonctionnaire, bref ils sont coincés jusqu'aux os par l'obscurantisme agro-industriel, ce parasite systémique, n'ayant d'autres choix que de demander toujours plus ...

le 22/01/2024 à 10:59
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Arrêtez de donner des leçons de morale à ceux qui sont des victimes des gouvernements successifs depuis Mitterrand à nos jours. Qui s'est gavé ?? Les agriculteurs ?? A mourir de rire,les dirigeants européens les commissaires européens les trust de ...

le 22/01/2024 à 15:09
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En effet les agriculteurs ne se gavent jamais mais ils font des manifestations dans laquelle l’État donne 10 aux milliardaires de l'agro-industrie et 1 aux 500000 agriculteurs. Donc oui ils ne se rendent compte de rien mais à un moment faut se réveil...

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