Mobilité sociale en France : un bilan contrasté

Par Grégoire Normand  |   |  620  mots
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65% des hommes relèvent d'une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur père. C'est une proportion qui n'a pas bougé depuis quarante ans, selon une étude de l'Insee. Pour les femmes, la mobilité sociale a progressé de 12 points par rapport à leur mère (71%).

Selon la dernière édition du portrait social élaboré par l'Insee et publié ce mardi 19 novembre, la mobilité sociale a stagné pour les hommes âgés de 35 ans à 59 ans depuis quarante ans. Près de deux tiers d'entre eux font partie d'une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur père en 2015. Cette proportion est quasiment la même que celle de 1975.

Chez les femmes, les enquêtes menées par l'institut de statistiques montrent des résultats plus positifs. La mobilité sociale des femmes âgées de 35 ans à 59 ans a augmenté de 12 points par rapport à leur mère et sur la même période.

"Par rapport à leur mère, les femmes sont beaucoup plus nombreuses à connaître une ascension sociale plutôt qu'un déclassement. En effet, elles sont bien plus souvent en mobilité ascendante par rapport à leur mère sur la période, et ce, quelle que soit leur origine sociale", note l'organisation.

En dépit de ces résultats plus favorables pour les femmes, les chances de devenir cadre comme leurs parents demeurent toujours moins élevées pour les femmes que pour les hommes. Après l'OCDE en 2018, c'est au tour de l'organisme en charge des statistiques publiques de tirer la sonnette d'alarme.

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Un recul de l'ascension sociale depuis 2003 pour les hommes

Entre 1975 et le milieu des années 1990, l'ascension sociale chez les hommes a connu une augmentation quasiment continue. Elle a par la suite calé et a même reculé depuis 2003. Si les personnes en bas de l'échelle sociale ont pu profiter d'une mobilité marquée, les déclassements dans les catégories supérieures sont devenues plus fréquentes.

Sur les quatre décennies, l'Insee distingue plusieurs périodes. Entre 1975 et 2003, les hommes ayant connu une ascension sociale étaient environ trois fois plus nombreux que ceux ayant connu une trajectoire descendante. En 2015, ils ne sont plus que 1,8 fois plus nombreux. Entre 2003 et 2015, le taux de mobilité ascendante a perdu 3 points pour passer de 31% à 28%. Dans le même temps, le taux de mobilité descendante chez les hommes a été multiplié par deux entre 1977 (7%) et 2015 (15%). Outre des facteurs conjoncturels, les économistes expliquent que ce repli est lié au ralentissement des emplois les plus qualifiés "et des opportunités de progression sociale qu'ils pouvaient offrir".

Des frontières socioprofessionnelles toujours très étanches

Les frontières entre les milieux socioprofessionnels sont encore bien étanches. Si la mobilité sociale a progressé en quarante ans en moyenne, les chances de connaître une progression professionnelle se sont considérablement réduites.

"En 1977, les chances d'être cadres plutôt qu'employés et ouvriers qualifiés étaient 28 fois plus élevées pour les fils de pères cadres que pour les fils de pères employés et ouvriers qualifiés ; pour les femmes comparées à leur mère, elles étaient 35 fois plus élevées. En 2015, ce rapport de chances relatives est tombé à 12 fois pour les hommes et même 8 fois pour les femmes", expliquent les économistes de l'organisme public.

Résultat, la reproduction sociale reste à un niveau très prononcé aussi bien chez les cadres que chez les employés et les ouvriers qualifiés. En quarante ans, la trajectoire des fils de cadres est restée relativement similaire, selon les statistiques rapportées par l'Insee. En 1977, un fils de cadre sur deux est devenu fils de cadre, et cette proportion n'a pas bougé en 2015. Sur la même période, cette reproduction sociale est également très visible chez les employés et ouvriers qualifiés: 43% des enfants d'employés et d'ouvriers qualifiés ont suivi la même trajectoire que leur père.