Niches fiscales : vers des économies a minima

Par Guillaume du Payrat  |   |  865  mots
Selon Olivia Grégoire, parlementaire et porte-parole LREM, les réductions sur les niches fiscales des entreprises ne devraient finalement s'élever qu'à 1,5 milliards d'euros. Le reste des baisses d'impôts annoncées par Emmanuel Macron serait financé par la baisse des dépenses publiques et la hausse du temps de travail. (Crédits : CHRISTIAN HARTMANN)
Les économies sur les niches fiscales des entreprises ne devraient finalement représenter qu'une part minoritaire du financement des mesures annoncées par Emmanuel Macron le 25 avril. Sur les 5 milliards de baisses d'impôt sur le revenu, la réduction des niches ne devrait contribuer qu'à hauteur de 1,5 milliard d'euros, selon un entretien accordé par la députée et porte-parole LREM, Olivia Grégoire, au JDD le 5 mai.

Les niches fiscales sont décidément un sujet difficile pour ce gouvernement. Souvent tenté de couper dans cet amas d'avantages fiscaux de plus de 100 milliards d'euros en cumulé, il a régulièrement été obligé de faire marche arrière ces derniers mois. Dernier exemple en date, le financement des mesures annoncées par Emmanuel Macron le 25 avril, en réponse aux "Gilets jaunes". A l'origine, les 5 milliards d'euros de réduction d'impôt sur le revenu auraient dû être compensés "surtout" par une réduction des niches fiscales des employeurs, comme l'annonçait Edouard Philippe le 29 avril.

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Ce choix de se concentrer sur les avantages fiscaux des entreprises, en préservant ceux des ménages, a vite été posé comme condition par l'aile droite de la majorité parlementaire. Les députés tenaient à préserver le crédit d'impôt pour l'emploi à domicile, qui aurait pu se retrouver dans le viseur du gouvernement.

Mais cette augmentation de la pression fiscale sur les entreprises ne lasse pas d'être embarrassante, pour un gouvernement qui entendait privilégier la politique de l'offre. D'où une révision très rapide de l'effort demandé au secteur privé. Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, tempérait dès mercredi 1er mai en évoquant une "contribution", plutôt qu'un financement intégral des baisses d'impôt par des baisses de niches fiscales. Ce qu'est venue confirmer Olivia Grégoire, députée et porte-parole LREM dans un entretien au JDD paru le 5 mai, en annonçant que l'objectif d'économies se situerait plutôt autour de 1,5 milliard d'euros.

Périmètre incertain

Au vu des niches fiscales exemptées de cette "contribution", la composition des économies envisagées paraît d'ailleurs assez incertaine. Les deux niches principales, l'ex-crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE, 20 milliards) et le crédit d'impôt recherche (CIR, 6,3 milliards), sont écartées d'emblée, comme les taux réduits de TVA (notamment pour la restauration). La réduction d'impôt sur le gazole non routier (GNR, 1 milliard), chasse-gardée du BTP et qui semblait un temps dans le viseur, devrait finalement être épargnée. Le cas de l'exonération de taxe sur le kérosène intérieur (500 millions d'euros), qui concerne les compagnies aériennes, est moins assuré, même s'il ne revenait pas dans les propos des élus.

Plutôt qu'une niche emblématique, c'est plutôt la suppression d'une série de petites niches qui semble être à l'ordre du jour. Olivia Grégoire évoque ainsi les "11 [qui] représentent moins de 15 millions d'euros chacune, et au moins 21 [qui] ne peuvent même pas être chiffrées tant elles sont faibles". Les autres domaines potentiellement touchés incluent les niches "qui encouragent la cession et la reprise d'entreprises", le secteur de la culture, ou celui "du capital-risque ou de l'innovation".

Encore 3,5 milliards d'euros à trouver

Si le chiffre de 1,5 milliard de réductions des niches fiscales se confirme, seul 30% du coût de la baisse d'impôt sur le revenu annoncée par Emmanuel Macron serait compensée par un financement qui devait initialement en couvrir la quasi-totalité. Et cela, sans même parler du reste des mesures présentées par le chef de l'Etat le 25 avril, dont le coût pourrait avoisiner les 2 milliards. Interrogée sur les pistes additionnelles du gouvernement, Olivia Grégoire cite la baisse des dépenses publiques, notamment sur les autorités indépendantes, et "l'incitation à travailler plus sans changer l'âge légal de départ à la retraite".

Mais l'argumentation peine à convaincre : la maîtrise du budget des autorités administratives était déjà évoquée lors du quinquennat précédent, mais les économies promises ont eu du mal à se concrétiser. A moins que Bercy ne retienne finalement l'hypothèse d'un coup de rabot diffus, sans avoir à remettre en cause l'intégralité de tel ou tel programme. Cette solution, qui marquerait tout de même la relative impuissance du gouvernement à prendre des décisions fortes en matière budgétaire, serait de plus en plus évoquée.

Quant à l'augmentation du temps de travail, nouvelle solution du gouvernement pour générer des recettes sans augmenter les impôts, elle devrait déjà contribuer au financement de la dépendance, et de la revalorisation des petites retraites. Auquel s'ajouterait donc le financement la baisse de l'impôt sur le revenu ? L'équation semble difficile.

Et ceci, alors même que les 10 milliards d'euros de mesures annoncées en décembre ne sont pas encore clairement financées. Là encore, c'était sur les niches fiscales que l'effort de financement devait reposer, mais le gouvernement s'est retrouvé incapable de décider laquelle viser. En comptant la remise en cause de plusieurs mesures d'économies, comme la réduction du nombre de fonctionnaires, la trajectoire budgétaire annoncée par le gouvernement pourrait vite se révéler inatteignable. Et devrait vite mettre la majorité face à des choix difficiles. Les derniers arbitrages devraient être rendus en juin, avant le débat fiscal à l'automne.