Nicolas Sarkozy : "le FN, c'est le symptôme, la fièvre, pas le virus"

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1648  mots
Nicolas Sarkozy veut instituer un dispositif "zéro charge" au niveau du Smic et réduire de 57% à 50% du PIB les dépenses publiques
Nicolas Sarkozy, président du parti "Les Républicains" était mercredi 16 décembre l'invité de la "Matinale des travaux publics", un évènement co-organisé par "La Tribune" et la Fédération nationale des travaux publics. Il refuse de considérer les électeurs du FN comme des "anti-républicains". Il défend la nécessité d'un "Schengen 2". Pour relancer l’économie, il plaide pour un choc social sur le marché du travail et fiscal avec la suppression de l'ISF et un dispositif "zéro charge" au niveau du Smic. Le tout financé par une baisse drastique des dépenses publiques.

« Il faut résoudre les problèmes des Français et ne pas se contenter de faire barrage au Front National. Les électeurs du FN, ce sont des gens qui souffrent mais qui ne sont pas anti-républicains ».

Invité ce mercredi 16 décembre aux « Matinales des travaux public », un évènement co-organisé par la Fédération nationale des travaux publics et « La Tribune », Nicolas Sarkozy s'est refusé, une fois de plus, à accabler les électeurs du Front National. Pour lui, « le vote Front National, c'est un symptôme, une fièvre mais ce n'est pas le virus. Il faut se focaliser sur la cause, pas sur les conséquences ».

Les causes du vote Front National

A cet égard, le président des « Républicains » identifie plusieurs causes, immédiates ou davantage structurelles. Il y a d'abord ce qu'il qualifie de « destruction de la Syrie » qui pousse « 10 millions de personnes à marcher vers l'Europe » pour fuir un pays en guerre. Or, si les « Français sont des gens généreux, ils se disent en même temps que l'on ne peut pas accueillir tout ce monde, faute de logements et d'emplois ». Pour lui, le dossier des migrants a créé un véritable « traumatisme » qui explique en partie le vote FN. S'ajoute à cela les attentats du 13 novembre qui ont créé un second traumatisme : « Comment comprendre que des Français se sont fait tuer par une bande de cinglés dont certains sont aussi des Français ? »

L'ancien chef de l'Etat pose alors des questions : « Comment maîtriser l'immigration ? Comment certains jeunes Français ont-ils pu devenir des monstres ? Qu'a fait la France entre les attentats du 7 janvier et ceux du 13 novembre pour la sécurité ?... Rien ».

"Schengen est mort"

Si, dans ce contexte, il approuve la décision de François Hollande d'avoir décrété l'état d'urgence, il demande cependant à son successeur à l'Elysée de préciser ce qui se passera après ? En effet, pour Nicolas Sarkozy:

« Schengen est mort. Que fera-t-on alors pour défendre les frontières ? Entre une Europe passoire et une Europe qui se couvre de barbelés, il y a peut-être la place pour une vision. Il faut un Schengen 2. L'Europe aurait dû avoir une politique d'immigration commune et un même niveau d'allocations sociales pour les demandeurs d'asile afin de ne pas créer des appels d'air vers certains Etats. Pour éviter les migrations, Il faut aussi bâtir un vaste plan d'infrastructure en Afrique où la démographie explose ».

Et quand on lui pose la question du "comment faire" pour lutter contre le terrorisme. Nicolas Sarkozy répond :

« Il faut commencer par nommer l'adversaire, c'est l'Etat islamique. Il faut aussi ne pas avoir peur du mot « sécuritaire ». Sécuritaire, ça signifie que toute personne qui revient du Djihad en France doit être envoyée en prison puis en centre de déradicalisation. Quant à ceux qui ont la double nationalité, française et une autre, il ne doit pas y avoir de retour en France et ils doivent être déchus de la nationalité française. Enfin, il faut considérer que consulter régulièrement un site djihadiste, c'est déjà être djihadiste ».

Deux priorités: la baisse des impôts et la baisse des dépenses publiques

Sur les questions économiques, Nicolas Sarkozy a repris ses antiennes. Pour lui, il y a une double priorité. Il faut d'abord un « choc fiscal » à destination des entreprises et des classes moyennes. Il reproche aux divers gouvernements socialistes d'avoir augmenté les prélèvements « de 48 milliards d'euros ». Nicolas Sarkozy propose donc un contre-choc fiscal compris entre 20 et 30 milliards d'euros, incluant la suppression de l'ISF, une baisse de l'impôt sur le revenu et des baisses de charges....30 milliards, soit grosso modo, le niveau de hausse des impôts décidé dans les dernières années de son quinquennat...

En effet, en 2011, le gouvernement Fillon a mis en place deux plans de rigueur successifs. Il a augmenté ainsi les impôts de 16 milliards d'euros cette année-là, puis de 13 milliards d'euros en 2012, comme le révélait le rapport budgétaire sur l'évolution des prélèvements obligatoires. François Hollande rajoutera 7 milliards d'impôts après son élection. Le total est donc porté à 20 milliards d'euros de hausse d'impôts cette année-là. En réalité, donc, entre 2012 et 2013, les socialistes ont augmenté les prélèvement d'environ 30 milliards d'euros.

Ensuite, il souhaite un « choc des dépenses publiques » avec l'objectif, sur 5 ans, de ramener les dépenses publiques de "57% à 50% du PIB", soit une baisse de 100 milliards d'euros. Pour y parvenir, Nicolas Sarkozy veut renouer avec la politique du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et augmenter la durée du travail de ces mêmes fonctionnaires. Il rétablirait également le délai de carence d'un jour en cas d'absence des fonctionnaires.

"Le pacte de responsabilité est un mensonge"

Intraitable avec la politique menée par son successeur, il estime que « le pacte de responsabilité est un mensonge », étant donné le niveau des prélèvement sociaux et fiscaux pesant encore sur les entreprises. Il regrette que l'on embauche de nouveaux des fonctionnaires, niant toute utilité à « la création de 60.000 postes dans l'Education nationale ». Il estime aussi « qu'on décourage le travail et qu'il y a trop de normes ».

Lui, il ferait de la « diminution du poids des charges » un axe central en instituant une politique de « zéro charge au niveau du Smic »... Ce qui n'est, en fait, déjà pas loin d'être le cas depuis le 1er janvier 2015.

Sur les 35 heures, il a expliqué pourquoi en 2007, il n'a pas voulu mettre la question clairement sur la table :

"Je ne voulais pas de débats idéologiques sur cette affaire qui était devenue un symbole. En plus certaines entreprises s'étaient adaptées, d'autres, au contraire étaient gênées. Le monde de l'entreprise n'était pas uni. J'ai donc choisi de déplafonner, décharger et défiscaliser les heures supplémentaires. Mais les socialistes sont revenus sur cette mesure pour la seule raison que c'était moi qui l'avait instituée".

Certes, mais Nicolas Sarkozy oublie de préciser que la défiscalisation et l'exonération de cotisations patronales sur les heures supplémentaires « coûtaient » quatre milliards d'euros en année pleine au budget de la France.

35 heures: aux entreprises de fixer leurs règles

A l'avenir, sur la durée du travail, l'ancien chef de l'Etat propose d'aller plus loin en « donnant toute la liberté aux entreprises » : soit elles garderaient le dispositif actuel, soit elles pourraient décider, par accord avec les partenaires sociaux ou par référendum d'entreprise, de fixer à leur niveau le seuil de déclenchement des heures supplémentaires ainsi que le taux de majoration.

Etant bien entendu, dans son esprit, que le référendum d'entreprise aurait une force obligatoire et que son résultat ne pourrait pas être remis en cause par les tribunaux.
Il insiste aussi sur le fait que la représentativité des syndicats ne doit « plus être de droit » mais « issue des urnes »... Ce qui est en fait le cas depuis la loi Larcher de 2007, aux termes de laquelle les cinq grandes centrales syndicales historiques doivent faire la preuve de leur représentativité pour présenter des listes au premier tour des élections professionnelles.

Quant au code du travail, Nicolas Sarkozy ne « croit pas à une réforme mais plutôt à une refondation ». Pour lui, le Code du travail devrait simplement mentionner « une cinquantaine » de dispositions de « d'ordre public social » et tout le reste dépendrait d'accords d'entreprise ou de branche.

"Économie numérique et ancienne économie peuvent coexister"

Interrogé sur l'économie numérique et le risque « d'uberisation » de l'économie, il se dit persuadé que la coexistence de « l'ancienne » et de la « nouvelle » économie est possible. Et si l'économie numérique « va dans le bon sens » il faut tout de même se méfier de « l'emballement » car « la rapidité à laquelle ces entreprises avaient atteint un tel niveau de capitalisation boursière m'inquiéte un peu ».

S'exprimant devant des chefs d'entreprise des travaux publics, Nicolas Sarkozy a bien sûr été interpellé sur la chute des investissements des collectivités locales en raison des baisses de dotation de l'Etat. L'ancien président de la République a reconnu que la « situation financière des collectivités locales était dramatique ».

Pour qu'elles retrouvent des marges de manœuvre pour investir, il suggère que chaque collectivité locale puisse jouer sur la masse salariale, en négociant, à leur niveau, le régime des heures supplémentaires applicable et en leur permettant d'embaucher des agents pour une durée limitée à cinq ans.

Nationaliser l'assurance-chômage

Enfin, Nicolas Sarkozy s'est inquiété de la situation de l'assurance chômage « qui aura un déficit de 35 milliards d'euros en 2016, soit une année entière de cotisation ». En réalité, d'après les derniers comptes de l'Unedic, gestionnaire de l'assurance chômage, le régime devrait avoir un endettement cumulé de 25 milliards d'euros fin 2015. Si rien n'est fait, cet endettement monterait en effet à 35 milliards d'euros mais à l'horizon 2018.
En tout état de cause, devant l'ampleur du déficit, Nicolas Sarkozy propose que l'Etat « reprenne en main la gestion de l'assurance chômage [actuellement gérée par les organisations patronales et syndicales], au moins le temps de la remettre à flot ».

Sur le plan strictement politique, Nicolas Sarkozy ne s'est pas aventuré sur le terrain de la primaire à droite, prévue en novembre, ni sur les remous provoqués dans son parti sur sa ligne ni retrait ni fusion de liste durant les élections régionales... Sujet qui a conduit au départ de l'ex numéro 2 des "Républicains", Nathalie Kosciusco-Morizet, lundi. La "ligne" sera abordée lors d'un bureau national en février 2016.