NKM première victime à droite de la percée du Front National

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1260  mots
NKM, en désaccord avec Nicolas Sarkozy sur la ligne à adopter face au Front National, ne sera plus vice-présidente du parti "Les Républicains".
La victoire étriquée de la droite et la percée du Front National aux régionales commencent déjà à provoquer des remous au sein du parti "Les Républicains". Nathalie Kosciusko-Morizet va quitter la vice-présidente et une clarification de la ligne du parti face aux idées du Front National s'impose.

La vague bleue n'a pas déferlé sur les régionales, tout juste une vaguelette... Avec sept régions gagnées, l'alliance droite-centre, c'est-à-dire « Les Républicains » (LR), UDI-MoDem, a sauvé les meubles. Mais on est très loin du grand chelem rêvé par certains. Surtout, cette victoire étriquée est en grande partie due... à la gauche.

Une victoire étriquée aux régionales

Alors, certes, LR et ses alliés l'emportent en Nord-Pas-de-Calais-Picardie (Grand Nord), en Provence-Alpes-Côte-D'azur (Paca), en Île-de-France, en Normandie, en Rhône-Alpes-Auvergne, dans les Pays de-La-Loire et en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (Grand Est). Mais, il ne faudrait pas oublier que les forces de gauche s'étaient entièrement retirées du Grand Nord et de Paca, facilitant sacrément la tâche aux listes droite-centre.

Ensuite dans deux autres régions, cela s'est joué sur le fil. En Normandie, la liste d'Hervé Morin l'a emporté avec moins de 5.000 voix d'écart sur celle menée par le socialiste Nicolas Mayer-Rossignol. Et en Île-de-France, sur un total de 3,7 millions de votants, Valérie Pécresse a gagné avec 60.000 voix d'écart sur Claude Bartolone.
On le voit, il s'en est fallu de peu pour que l'alliance droite-centre emporte moins de régions. Et beaucoup des ténors du parti n'oublient pas qu'au soir du premier tour, le Front National était en tête dans six des treize régions.

L'heure de la clarification est donc venue pour « Les Républicains » à dix-huit mois de la prochaine échéance électorale - la présidentielle, mais aussi, à moins d'un an de la primaire de droite qui se tiendra fin novembre 2016.
Entre les deux tours, on croyait même que les dagues allaient sortir dès le lendemain du second tour. François Fillon, notamment, reprochant à Nicolas Sarkozy sa politique « barre à droite toute ». Jean-Pierre Raffarin et Nathalie Kosciusko-Morizet, eux, avaient reproché la politique du « Ni-Ni » (Ni retrait ni fusion) du président de LR.

NKM évincée... Sarkozy s'offre un petit répit

Finalement, ce lundi 14 décembre, le bureau politique du parti « Les Républicains » a été plus calme que prévu... si l'on peut dire. Pour dégager en touche, Nicolas Sarkozy a annoncé qu'un conseil national consacré à la ligne idéologique du parti serait convoqué les 13 et 14 février. Il s'accorde ainsi un petit répit alors que certains s'interrogent sur l'opportunité d'avancer avant l'été la primaire prévue en novembre, afin que LR se dote d'un vrai leadership. Pour l'instant cette idée d'avancer la primaire n'a pas été retenue. François Fillon estime par exemple, que le parti doit déjà se mettre en ordre de marche et rédigé un véritable programme « pour être crédible » avant de penser à la présidentielle.
En attendant ce bureau national, Nicolas Sarkozy a également annoncé un remaniement à la tête de la direction du parti pour début janvier qui va coûter son poste à l'actuelle vice-présidente Nathalie-Kosciusko-Morizet, accusée de ne pas respecter les consignes du parti.
Le journal « Le Monde » relate cette passe d'arme entre les deux protagonistes:

"Dimanche soir, après l'annonce des résultats, M.Sarkozy lui avait lancé :

« Tu vois, j'avais raison sur la ligne politique et j'espère que tu vas finir par le comprendre. N'oublie pas que tu dois défendre la ligne majoritaire du parti quand tu vas sur les plateaux télé. »

Sans se démonter, NKM lui avait répondu :

« Si les électeurs avaient appliqué ton"ni-ni"[ni fusion avec le PS, ni retrait face au FN], nos candidats auraient perdu le Nord et PACA. C'est surtout la victoire du rassemblement républicain. »"

Nathalie Kosciusko-Morizet a confirmé son éviction, critiquant au passage cette « vieille idée stalinienne » qui consiste à « évincer au moment où on lance le débat, ceux qui ne sont pas d'accord ».

NKM est donc la première victime chez « Les Républicains » de ces élections régionales très ambiguës pour la droite. Son éviction symbolise le mal être existentiel qui traverse le parti. Faut-il continuer, comme le fait Nicolas Sarkozy, de « draguer » les électeurs Front National, où, à l'inverse, faut-il « bichonner » un électorat plus centriste ?

Quelle tactique pour "Les Républicains" face au FN?

A première vue, la tactique de Nicolas Sarkozy semble la bonne. En Île-de France, les œillades appuyées de Valérie Pécresse vers l'électorat FN ont porté leurs fruits au second tour : Wallerand de Saint-Just, le candidat FN, a perdu 77.000 voix, essentiellement au profit de Valérie Pécresse. Et en Auvergne-Rhône-Alpes, le très droitier Laurent Wauquiez a aussi récupéré des voix du FN.

Nicolas Sarkozy pourra aussi arguer des grandes difficultés rencontrées aux régionales par les listes d'alliance droite-centre qui étaient menées par des centristes de l'UDI. En Bourgogne-Franche-Comté et en Centre-Val-de-Loire, ces listes ont été battues au profit de celles de gauche. Et en Normandie, la victoire d'Hervé Morin (UDI) a été très étriquée. Preuve que les électeurs LR ont du mal à se mobiliser pour les centristes de l'UDI.

François Bayrou candidat à la présidentielle?

Reste que la ligne Sarkozy présente un grand danger pour une élection présidentielle. En imaginant qu'il franchisse avec succès l'obstacle de la primaire - ce qui reste à démontrer -, à trop pencher à droite, il risque de dégarnir son flanc centriste et, de ce fait, d'entraîner une candidature de François Bayrou. Le président du MoDem ne s'en est jamais caché : si Alain Juppé était empêché, il se lancerait alors dans la bataille.

D'ailleurs, un sondage Harris Interactive/M6, réalisé dimanche 13 décembre, montre que si François Bayrou était présent au premier tour de la présidentielle, il réaliserait 12 % des voix, Nicolas Sarkozy 21 % et François Hollande 21 % également. Alors que Marine Le Pen arriverait en tête avec 27% des suffrages (mais celle-ci serait battue dans tous les cas de figure au second tour). Il y a donc un réel danger pour Nicolas Sarkozy qui ne distance pas François Hollande dans la course à la qualification pour le second tour en raison de la présence de François Bayrou.

Nicolas Sarkozy en a conscience. C'est pour cette raison que, dès dimanche soir, il s'est posé en rassembleur de son camp en affirmant : « L'unité et l'union ne peuvent pas être de circonstance mais doivent traduire la volonté déterminée de tous les responsables de l'opposition d'avancer, ensemble, vers les prochaines échéances ».

Le Front National, le parti pivot

Mais, ce faisant, l'ancien président de la République pratique une sorte de grand écart qui ne pourra pas durer. Sa situation est inconfortable. S'il donne des gages à la frange centriste de son camp, alors des électeurs « Les Républicains » partiront vers le Front National, la porosité de cet électorat étant de plus en plus manifeste. Soit il pratique le « à droite toute » et là il perd sur son aile centriste. Pour l'instant, avec l'éviction de NKM, il semble plutôt faire le pari de cette deuxième option.

Mais on y verra plus clair début janvier avec la constitution de la nouvelle équipe dirigeante de son parti. Les grandes manœuvres pour la primaire à droite ont vraiment débuté. Et Marine Le Pen peut se targuer d'une belle victoire. Elle a fait de son parti le pivot de la vie politique française. Elle va avoir l'immense plaisir de constater que tout le personnel politique sera obnubilé par le « danger Front National ».