« Peu ambitieux »,« hors de portée » : Fitch étrille les objectifs de réduction du déficit de la France

Par latribune.fr  |   |  893  mots
Fitch doit publier sa nouvelle notation de la France le 26 avril. (Crédits : Brendan McDermid)
Alors que le gouvernement a réaffirmé sa volonté de repasser le déficit public sous les 3% du PIB en 2027, l'agence de notation estime que des mesures budgétaires supplémentaires seraient nécessaires pour atteindre cet objectif. Fitch doit publier sa nouvelle notation le 26 avril.

« Peu ambitieux », « de plus en plus hors de portée »... C'est en ces termes que l'agence de notation Fitch qualifie ce mardi les objectifs de réduction du déficit du gouvernement français.

Dans ce commentaire, Fitch, qui avait abaissé de AA à AA- la note souveraine de la France en avril 2023, rassure cependant. Elle estime ainsi que « toute autre action de notation négative dépendrait d'une nouvelle aggravation importante de l'endettement public, ce que nous considérons comme improbable ». Fitch doit publier sa nouvelle notation de la France le 26 avril.

Lire aussiJusqu'à 80 milliards d'euros d'économies : l'effort à faire pour atteindre 3% de déficit en 2027 avec une croissance faible (OFCE)

Un déficit bien loin des prévisions

Pour rappel, en 2023, le déficit a atteint « 154,0 milliards d'euros, soit 5,5 % du produit intérieur brut (PIB), après 4,8 % en 2022 et 6,6 % en 2021 ». Bien loin de la prévision du gouvernement qui était de 4,9%, compliquant encore l'objectif de désendettement affiché par le ministre français de l'Economie. Ce n'est cependant pas la première fois qu'il excède les 5% : le déficit avait en effet grimpé à 6,4% en 1993, 7,2% en 2009 et même 9% en 2020.

Néanmoins, l'agence de notation précise que, « malgré un déficit plus important que prévu, le ratio de la dette publique a légèrement diminué, passant de 111,9% du PIB en 2022 à 110,6% » l'an dernier, « reflétant une croissance nominale du PIB solide ». Mais pas de quoi crier victoire trop vite. Selon Fitch, ce niveau, « le deuxième plus élevé des Etats souverains de la catégorie AA », devrait encore « augmenter progressivement pour atteindre près de 113% du PIB d'ici à la fin de 2025 ».

Lire aussiDéficit : Gabriel Attal ouvre la porte à une taxation des profits exceptionnels des entreprises

Des objectifs « peu ambitieux »

Et pour revenir dans les clous, le gouvernement a malgré tout réaffirmé sa détermination à repasser sous les 3% de déficit public en 2027, pour se conformer au critère de déficit de l'Union européenne.

L'exécutif a ainsi déjà annoncé 10 milliards de coupes dans les dépenses de l'Etat en 2024 et prévoit 20 milliards d'économies supplémentaires en 2025, en faisant cette fois contribuer à l'effort les administrations de sécurité sociale et les collectivités.

Mais l'agence estime qu'outre les 10 milliards d'euros « d'économies d'urgence » annoncées en février pour 2024, « des mesures budgétaires supplémentaires seraient probablement nécessaires pour respecter les objectifs du gouvernement de 4,4% en 2024 et de ramener le déficit à 2,7% d'ici 2027 ».

Des arguments qui rejoignent ceux de l'agence de notation Moody's quelques jours plus tôt. Aux yeux de l'agence, une telle dégradation du déficit public « rend improbable » la tenue, par le gouvernement, de son objectif de réduction du déficit, « tel qu'il le prévoit dans son plan budgétaire à moyen terme présenté en septembre ». Elle estime également insuffisantes les 10 milliards d'économies supplémentaires en 2024.

De son côté, la Cour des comptes évoque 50 milliards d'économie d'ici la fin du quinquennat pour parvenir à ces 3% de déficit public d'ici 2027. L'OFCE évoque, de son côté, un effort de 70 à 80 milliards d'euros.

Le gouvernement martèle, quant à lui, qu'il veut éviter les hausses d'impôts, malgré les demandes de plus en plus insistantes de certains députés de la majorité. Réforme de l'assurance chômage, taxation des profits exceptionnels des entreprises, taxation des rentes... Le gouvernement étudie différentes pistes pour réduire la facture.

Premières notes fin avril

A tout le moins, il faudra donner des gages avant le couperet des agences de notation : Fitch et Moody's le 26 avril, et surtout S&P le 31 mai. Une dégradation de la note de la France pourrait entraîner une hausse des taux d'intérêt auxquels le gouvernement se refinance sur les marchés et rendre plus difficile la gestion de la dette.

D'autant que Fitch estime que « le déficit se réduira plus lentement que dans les projections de décembre du gouvernement et les nôtres ». En mars, rappelle-t-elle, nous avons relevé nos prévisions de déficit pour 2024 à 5,1% du PIB (au lieu de 4,6%) et celles pour 2025 à 4,4% (au lieu de 4,2%), en prévision de résultats budgétaires plus faibles pour 2023. Fitch a aussi abaissé de 1% à 0,8% sa prévision de croissance du PIB français en 2024, contre 1% anticipé par le gouvernement.

Même son de cloche pour Moody's qui s'attend également à ce que le niveau de la dette publique remonte « lentement » à partir de 2024, exposant le pays à des coûts liés aux intérêts « jamais vus en plus de 20 ans ». Déjà selon le gouvernement, la France devrait dépenser plus de 74 milliards d'euros en 2027 pour rembourser les intérêts de sa dette, contre 38,6 milliards en 2023.

L'agence estime que le dérapage de 2023 « met en évidence les difficultés auxquelles le gouvernement français est confronté dans un contexte de faible croissance économique et d'un environnement politique intérieur difficile ». Pour elle, « la situation politique intérieure reste délicate ». Elle rappelle que le président Emmanuel Macron « ne dispose pas de la majorité absolue au parlement » dans ce quinquennat, et que son gouvernement « a dû s'appuyer sur l'article 49.3 de la Constitution » à de nombreuses reprises pour faire passer sans vote les budgets précédents ou la réforme des retraites l'année dernière.

(Avec AFP)