CETA : la stratégie à haut risque du gouvernement Attal avant les Européennes

Le ministre du Commerce extérieur Franck Riester compte bien sur le retour du CETA à l'Assemblée nationale en mai prochain pour défendre le libre-échange. Mais cette stratégie poussée par Emmanuel Macron et la tête de liste (Renaissance) aux Européennes Valérie Hayer pourrait bien se retourner contre la majorité.
Grégoire Normand
Le Premier ministre Gabriel Attal et Franck Riester à Coulommiers le 23 mars dernier.
Le Premier ministre Gabriel Attal et Franck Riester à Coulommiers le 23 mars dernier. (Crédits : Reuters)

Le gouvernement de Gabriel Attal revient à la charge sur les accords de libre-échange. Après le rejet du CETA par le Sénat la semaine dernière, l'exécutif compte bien sur l'Assemblée nationale pour faire passer l'accord entre le Canada et l'Union européenne.

À Bercy ce lundi 25 mars, les ministres Franck Riester (Commerce extérieur) et Marc Fesneau (Agriculture) ont défendu coûte que coûte l'accord controversé lors d'une journée d'échanges sur l'accès aux marchés et la promotion de l'export.« La ratification du CETA a été rejetée au Sénat. Le projet de loi va néanmoins continuer son cheminement à l'Assemblée nationale [...]  On a encore un travail à faire sur les chiffres de la mise en œuvre partielle de cet accord. Il faut montrer l'impact de l'accord sur l'économie », a déclaré Franck Riester revenu au ministère de l'Europe et des affaires étrangères en janvier dernier lors du dernier remaniement, après un précédent passage entre 2020 et 2022.

Dans la majorité, la tête de liste Valérie Hayer est également montée au front ce lundi 25 mars à l'antenne de FranceInfoDénonçant une « posture démagogique » de « la part de l'extrême gauche et de la droite française », Valérie Hayer a jugé qu'un rejet serait « dévastateur pour nos agriculteurs français et pour le signal qui serait envoyé à nos partenaires européens ». À la sortie du Conseil européen la semaine dernière, Emmanuel Macron a également plaidé en faveur de cet accord, citant ses bénéfices pour les secteurs français du « lait », « fromage » ou « vin ».

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Une stratégie à haut risque avant les Européennes

Mis sur pause pendant plusieurs années, le traité de libre-échange entre l'Europe et le Canada est revenu en force à l'agenda du Sénat. A l'initiative des élus communistes, une coalition des sénateurs de droite et de gauche avait mis au vote au Sénat le texte pour ratification que le gouvernement n'avait jamais inscrit à l'agenda. Mais le rejet par la Chambre haute est un camouflet pour l'exécutif à quelques mois des élections européennes qui auront lieu entre le 6 et le 9 juin. Le retour à l'Assemblée nationale de ce texte constitue un sérieux risque pour la majorité. En effet,  le groupe communiste a prévu de soumettre le texte de ratification le 30 mai prochain au Palais Bourbon.

Faute de majorité absolue à l'Assemblée nationale, le gouvernement pourrait une nouvelle fois subir un revers.

«Le risque politique principal lié au retour du CETA est qu'il renforce la mobilisation et le vote sanction des oppositions lors des élections européennes. Ce traité va aujourd'hui à l'encontre des attentes de Français devenus majoritairement favorables à ce que l'Europe aille vers plus de protectionnisme (56%, +12 points en comparaison à 2019) et 59% pensent que les accords commerciaux conclus par l'UE avec d'autres parties du monde constituent un danger pour les entreprises européennes qui feront face à une concurrence accrue sur les prix », explique à La Tribune, Erwan Lestrohan, directeur Conseil chez l'institut de sondages Odoxa.

En mauvaise position dans les enquêtes d'opinion, la majorité présidentielle se fait distancer par la tête de liste du RN Jordan Bardella. Au dernier pointage de l'enquête Elabe pour La Tribune, la liste de Valérie Hayer était à 17% (+0,5%) dans les intentions de vote contre 29,5%  pour le meneur du Rassemblement national.

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Le position du gouvernement sur le CETA pourrait alimenter le vote sanction

En affirmant clairement cette position en faveur du CETA, le gouvernement prend le risque d'alimenter les mécontentements. « Alors que le CETA et le Mercosur étaient plutôt sous les radars de l'opinion (1 Français sur 2 n'en avait pas entendu parler), le retour au premier plan du traité dans un contexte de souhait de protectionnisme renforcé et de soutien massif à des agriculteurs considérés comme "maltraités par l'UE", les discussions à venir pourraient renforcer la mobilisation des contestataires », explique Erwan Lestrohan.

Sur l'ensemble des personnes interrogées et qui en ont entendu parler,  « 7 personnes sur 10 souhaitent en tenir compte dans leur choix de vote et c'est notamment chez les plus opposés, Insoumis et sympathisants RN, que ce souhait est le plus fort, signe d'un sujet susceptible de mobiliser en priorité négativement et de susciter un vote sanction à l'égard de la majorité présidentielle », ajoute le sondeur.

Plus globalement, le vote à l'encontre de la mondialisation gagne du terrain en France. Dans une étude à paraître le 27 mars prochain, les économistes du CEPII (centre d'études, d'informations et de prospectives internationales) ont passé au scalpel les ressorts du vote français contre la mondialisation depuis 1981. Résultat, « une part de cette progression est imputable à l'accroissement de la concurrence induite par la hausse des importations de biens », soulignent les chercheurs. Reste à savoir si le gouvernement va entendre ce message.

Grégoire Normand
Commentaires 5
à écrit le 25/03/2024 à 20:31
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Tout de même, nous faisons mine de nous étonner, de nous scandaliser...Mais relisons les mémoires de Jean Monnet, "père fondateur", comme on dit un sanglot dans la voix. Tout y est, tout ce que nous voyons aujourd'hui : il faut "attaquer les souverai...

à écrit le 25/03/2024 à 19:12
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"Il faut montrer l'impact de l'accord sur l'économie " Les impacts ont toujours été négatifs on voit pas pourquoi ça irait mieux avec ce méga contrat là. Retroussez vous les manches et cherchez autre chose.

à écrit le 25/03/2024 à 17:44
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Ce qui nous fait appauvrir et perdre dans le jeu du commerce mondial n'est pas la globalisation (Allemagne et Italie s'en sortent bien) mais notre système social qui pénalise le travail qualifié avec des cotisations et des impôts démesurés et qui con...

le 25/03/2024 à 19:10
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"une gigantesque subvention au producteurs étrangers au dépens des producteurs installés en France" Donc c'est bien la faute à la globalisation et ça craint le ceta... ^^

le 26/03/2024 à 9:32
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Ce qui nous fait perdre comme vous dites, ce sont bien les charges sociales comme vous dites... MAIS uniquement parce que nous avons fait le choix de la concurrence mondialisée et sans garde fou démocratique sur la gestion de ce qui entre et sort de ...

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