Déficit : Gabriel Attal ouvre la porte à une taxation des profits exceptionnels des entreprises

Le Premier ministre Gabriel Attal a affirmé « ne pas avoir de dogme, ni de tabou » sur une hausse de la fiscalité sur les profits exceptionnels des entreprises. En plein marasme budgétaire, la majorité présidentielle se fissure sur ce dossier brûlant.
Grégoire Normand
Le Premier ministre Gabriel Attal.
Le Premier ministre Gabriel Attal. (Crédits : Reuters)

Le tabou des hausses d'impôt de la Macronie a du plomb dans l'aile. En pleine polémique sur le dérapage des finances publiques, le chef du gouvernement a ouvert la porte à une taxation sur les superprofits. Après une brèche ouverte par la présidente (Renaissance) de l'Assemblée nationale, Yaël Braun Pivet, la semaine dernière, Gabriel Attal a déclaré ce jeudi « ne pas avoir de dogme, ni de tabou sur les profits exceptionnels liés à des situations de crise ».

Lors d'un déplacement dans l'usine L'Oréal de Rambouillet, en compagnie de la ministre du Travail Catherine Vautrin, le Premier ministre a rappelé que « lorsqu'il a fallu taxer les entreprises de l'énergie et du pétrole, parce qu'elles faisaient des profits exceptionnels en même temps que les factures des Français augmentaient, on a fait une taxe exceptionnelle ».

Les annonces de Gabriel Attal pourraient « être une évolution de ligne politique sur ce sujet, si on repart des propos de Bruno Le Maire sur l'absence de superprofits il y a deux ans. A cette époque, ce n'était pas un sujet dans la majorité », juge Quentin Parrinello, conseiller à l'Observatoire européen de la fiscalité.

Devant la presse, Gabriel Attal a pointé du doigt « les groupes financiarisés de laboratoires de biologie médicale qui ont fait des profits exceptionnels grâce aux tests Covid financés par la Sécurité sociale ». Cette annonce intervient en pleine crise des finances publiques, amplifiée par les mauvais chiffres du déficit de 2023 à 5,5% du PIB, contre 4,9% initialement dévoilés mardi dernier. Faute de croissance économique, les recettes ont plongé l'année dernière précipitant le solde des finances publiques dans le rouge.

Lire aussiLe déficit public s'élève à 5,5 % du PIB, Bruno Le Maire maintient son objectif de repasser sous 3% de PIB en 2027

« Des lignes rouges »

Au lendemain de ces annonces fracassantes sur l'assurance-chômage au JT de TF1, le locataire de Matignon a rapidement fixé des lignes rouges. « Notre projet est de soutenir ceux qui travaillent et ceux qui permettent aux Français de travailler, c'est-à-dire les entreprises ». Au Medef, Patrick Martin a immédiatement réagi : « L'une des lignes rouges du Premier Ministre : pas d'augmentation d'impôts sur les entreprises. Parce qu'elles sont parmi les plus taxées au monde et que ce sont elles qui créent les emplois. C'est aussi notre ligne rouge, et nous serons vigilants à ce qu'elle ne soit pas franchie ».

Le chef de l'exécutif a défendu ce jeudi la politique économique de l'offre chère au président Macron en rappelant les baisses de fiscalité évaluées à 50 milliards d'euros sur le dernier quinquennat.

« J'assume que l'on ait baissé l'impôt sur les sociétés de 33% à 25% pour toutes les entreprises et notamment, les petites et moyennes entreprises. C'est comme cela qu'elles peuvent recruter ».

La politique fiscale de Hollande étrillée

Gabriel Attal a aussi étrillé la politique fiscale du quinquennat Hollande, tout en évitant la période où Emmanuel Macron était aux manettes des Finances.

« Ceux qui vous disent : "on va juste taxer les grandes entreprises et les super-riches". On a vu comment cela s'est terminé après. En 2011 et 2014, les impôts sur le revenu ont augmenté, le quotient familial qui est raboté, la TVA qui augmente, l'impôt sur les sociétés qui augmente ».

À l'époque, la grave crise financière de 2008 et la crise des dettes souveraines de 2012 avaient débouché sur des politiques budgétaires plus restrictives et des hausses d'impôts. Ce tour de vis avait particulièrement pénalisé la croissance tricolore. Interrogé sur un possible virage de la France vers l'austérité, le Premier ministre s'est refusé à employer ce terme. « Ce n'est pas notre logique, ce n'est pas notre logiciel », a-t-il insisté.

Bercy inflexible sur la taxation des superprofits et des milliardaires

Sans surprise, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'est montré inflexible sur la taxation des superprofits ou des grandes fortunes en France. Lors d'une réunion avec des journalistes mardi dernier, le locataire de Bercy a affirmé que « taper sur les riches est la solution de facilité ».

En revanche, il a expliqué qu'il allait prolonger la fiscalité exceptionnelle sur les énergéticiens, malgré le faible rendement de cette taxe. « La rente inframarginale n'a rapporté que 300 millions d'euros, soit 10 fois moins que prévu par la commission de régulation de l'énergie. Nous sommes ouverts des propositions. Il est inacceptable que le rendement soit aussi faible que prévu », a poursuivi le ministre.

Même son de cloche du côté de Matignon. « Le Premier ministre est ouvert à une extension du dispositif après discussions avec les parlementaires », précise l'entourage du Premier ministre. S'agissant d'autres entreprises, « il n'y a pas de secteur complémentaire identifié à ce stade, mais pas de refus de principe », précise à La Tribune l'entourage du chef du gouvernement.

« Avoir ce débat maintenant est regrettable, estime Quentin Parrinello.

« Il aurait fallu que cette question soit tranchée il y a deux ans au moment où les énergéticiens faisaient des profits exceptionnels. Surtout qu'il est difficile de faire de la rétroactivité fiscale », poursuit le spécialiste de la fiscalité.

Reste à savoir si derrière la position du Premier ministre, le chef de l'Etat va se positionner en faveur d'une telle fiscalité. En pleine réforme des retraites, Emmanuel Macron avait poussé pour une taxation des rachats d'actions des grandes entreprises. Cette proposition avait finalement terminé aux oubliettes lors des débats budgétaires de l'automne dernier.

Lire aussiContesté sur les retraites, Macron fait diversion en voulant un meilleur partage des profits exceptionnels

Un haut conseil des rémunérations installé rue de Grenelle

Annoncé par l'ancienne Première ministre, Elisabeth Borne, en octobre, le Haut Conseil des rémunérations a tenu sa première réunion ce jeudi.

« Le Haut Conseil permettra de faire des diagnostics et des propositions sur les liens entre productivité, création de valeur et salaires », a expliqué la ministre du Travail Catherine Vautrin, rue de Grenelle.

A l'issue de cette première rencontre, la ministre a promis que « tous les sujets pourront être discutés, sans tabou ». Au programme, « la désmicardisation du travail, les négociations salariales, l'égalité salariale, les effets du temps partiel ». Le Premier ministre a profité de son déplacement pour rappeler son cap sur le travail : « Notre objectif est de travailler tous, gagner plus, travailler mieux ». Une ligne de conduite aux accents sarkozystes.

Grégoire Normand
Commentaires 34
à écrit le 02/04/2024 à 13:35
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Avant de vouloir faire les poches des riches ...et des pauvres ne serait il pas temps de regarder chaque dépense et de l'évaluer. Surtaxer les riches c'est l'assurance qu'ils iront ailleurs, surtaxer les pauvres et vous allez avoir un épisode "gilets...

à écrit le 29/03/2024 à 20:59
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Entre 2003 et 2013, en France, les plus modestes ont gagné en moyenne 2.3 % de pouvoir d’achat alors que sur la même période, les 10 % les plus riches ont vu leurs revenus augmenter vingt fois plus (42.4 % de hausse). En terme de patrimoine, l’ensemb...

à écrit le 29/03/2024 à 20:59
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Entre 2003 et 2013, en France, les plus modestes ont gagné en moyenne 2.3 % de pouvoir d’achat alors que sur la même période, les 10 % les plus riches ont vu leurs revenus augmenter vingt fois plus (42.4 % de hausse). En terme de patrimoine, l’ensemb...

le 29/03/2024 à 22:19
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Les salariés ont reçu une légère augmentation mais quand on prend en compte les augmentation des produits, edf, loyer et autre leur pouvoir d'achat à fortement diminué. C'est quoi les 2.3% que vous parlez c'est l'augmentation des salaires que vous p...

le 30/03/2024 à 13:18
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@Aaa. Oui, je parle de l'augmentation des revenus du travail (salaires) + 2.3%. Votre intervention est légitime sur le "pouvoir d'achat", merci pour cet apport.

à écrit le 29/03/2024 à 14:18
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Soyons concrets : qui a beaucoup de cash en ce moment : les compagnies pétrolières, le big pharma, et les affaires de luxe. Les autres : Meta, Google, Microsoft, sont hors de portée, ce qui est bien dommage.

le 30/03/2024 à 10:02
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Soyons concrets : que ce soient de simples profits ou des super profits, qui passe en premier avant les actionnaires voire l’intéressement du personnel : c’est l’Etat qui ponctionne 25% des bénéfices réalisés. Ensuite surtaxer ces profits relève de ...

à écrit le 29/03/2024 à 11:40
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si nos flibustiers du moment commencent par montrer l exemple avant de passer le relais avant la fin du second mandat pour être crédible

à écrit le 29/03/2024 à 10:44
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Il peu aussi rajouter les grands superprofits des cadres dirigeants des jeux olympiques. A ce niveaux ce ne sont plus des revenus mais de l’accaparement.. Si tous ces bénévoles savaient...

à écrit le 29/03/2024 à 9:11
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Toute augmentation d''impôts sans baisse préalable du nombre des élus, réduction du millefeuilles et baisse des rémunérations des membres du gouvernement, est une prédation du clergé politique sur le tiers-état travailleur et entreprenant. Il ne faud...

à écrit le 29/03/2024 à 7:32
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j' ai 4 enfants : les deux les plus diplômés, ingénieur et avocat, sont à l' étranger , les deux autres dans ... la Fonction Publique française

le 29/03/2024 à 8:30
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la fuite continue et ont accorde aux entreprises étrangère des reduction fiscale que l'on refuse aux Français voir des exonérations ce pouvoir accorde aux entreprises francaises de délocaliser leur siege social pour réduire les impôts ou est la l...

à écrit le 29/03/2024 à 7:30
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Et bla bla bla et bla bla bla...

à écrit le 29/03/2024 à 7:23
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Macron a baissé l'impôt sur les sociétés , fallait pas.

à écrit le 29/03/2024 à 6:59
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Je préférerai voir les superprofits des energeticiens sur les factures répercutées sur les factures des particuliers et des entreprises ce serait plus intelligent pour améliorer la situation piteuse de l’année 2024

à écrit le 29/03/2024 à 4:19
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Rien ne vous sera epargne avec la micronnie.

à écrit le 28/03/2024 à 23:16
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des économies à court terme. ! mais pour sauver l agriculture. ?

à écrit le 28/03/2024 à 23:05
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Comme disait Clemenceau il y a 120 ans : «  vous voulez enterrer un sujet ? Créer une commission ou un conseil.. » C eSt maintenant si ils s d inquiètent ? C est trop tard les profiteurs vont placer leur argent ailleurs et que la consommation rec...

à écrit le 28/03/2024 à 20:23
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Oh ! ils placent des lignes rouges, ils se prennent pour poutine ?

à écrit le 28/03/2024 à 20:06
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Taxer les entreprises qui donnent des petites part variable et intéressement aux employés et d'immenses aux patrons serait pas une mauvaise idée. Après tout le pib est produit par ceux qu'on paye le moins. Et qui ont des intéressement et par variable...

à écrit le 28/03/2024 à 20:02
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Sans illusion, il ne risque pas de taper sur les commanditaires de la McKronie mais sur ceux qui ne pourront se défendre ! ;-)

le 28/03/2024 à 20:07
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Ca c'est sur que notre Robin des bois des riches ne taxera pas ceux qui finance son partis et ruine notre pays...

à écrit le 28/03/2024 à 19:42
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Qu'il réduise d'abord les dépenses en commençant par les subventions aux véhicules électriques, et qu'il annule les lois qui nous coûtent trop cher en nous obligeant à tout changer sans qu'on en ait les moyens...

le 28/03/2024 à 22:32
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@Britannicus: La suppression des subventions pourraient commencer par l'allègement des charges sociales mais ce serait une catastrophe pour l'emploi car nous avons toujours un problème de coût du travail.

à écrit le 28/03/2024 à 18:37
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bref, il veut que CASINO lui envoie sont SUPERPROFIT negatif, tout comme ATOS, ca sera bienvenu!!! le jeunot devrait aller apprendre a gerer une entreprise, lire un bilan, calculer des ratios, voire les adequations, parce que dans un an, apres des SU...

le 28/03/2024 à 19:06
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Il ne faudrait donc ne rien faire ? ou augmenter l'IRPP ?

le 28/03/2024 à 19:59
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Dans le cas de Sanofi, ils touchent toujours plus d'argent du Crédit Impôt Recherche alors que depuis la création de cette niche, ils ont divisé pas deux le nombre de leurs chercheurs, c'est bien ça le capitalisme "à la française", allez vous étonner...

le 28/03/2024 à 22:16
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Tout à fait. Il faut commencer par baisser les rémuneratiions des membres di gouvernement de 30% et après on pourra baisser de 10% les prestations sociales. Mais le travail et le risque sont déjà surtaxés en France.

le 29/03/2024 à 14:13
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@AdieuBCE : si on baisse le salaire des gouvernants, il y a le risque que les candidats soient encore plus nuls que les actuels, ce qu'il se passe avec les offres d'emploi non pourvue où il y a des candidats, mais des candidats au niveau du salaire p...

à écrit le 28/03/2024 à 18:36
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"C'est comme cela qu'elles peuvent recruter" Au regard de l'explosion du taux de pauvreté en France sous le régime MacRon, il semble que le travail n'est désormais plus un ascenseur mais plutôt un tombeau social après s'être fait renversé en tou...

à écrit le 28/03/2024 à 18:06
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Et si on s'occupait d'abord de faire un audit sérieux des finances publiques puis de réduire très sérieusement le train de vie de l'état ? (Une piste : reduire le nombre de chargés de mission/développement/affaires machine à café.J'en connais tout pl...

le 28/03/2024 à 18:35
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Le gouvernement a déjà publié un tableau exposant la répartition des dépenses et il suffit pour tout comprendre : les deux tiers des dépenses servent à entretenir l'électorat retraité de Macron et à maintenir artificiellement en vie des canards boi...

à écrit le 28/03/2024 à 17:45
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« les groupes financiarisés de laboratoires de biologie médicale qui ont fait des profits exceptionnels grâce aux tests Covid financés par la Sécurité sociale » : Quand on disait ca en 2021, on se faisait traiter de complotiste antivax

le 28/03/2024 à 20:59
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@Charlie. Tout à fait 👍👏

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