PME : des obstacles au recrutement toujours persistants

Par Grégoire Normand  |   |  1037  mots
Pour 77% des PME, l'adéquation entre les attentes respectives de l'entreprise et celles des candidats est difficile à établir. (Crédits : Reuters/Stephane Mahe)
8 entreprises sur 10 ont signalé des difficultés de recrutement selon le dernier baromètre réalisé par Bpifrance et Rexecode. Ce phénomène qui s'amplifie par rapport à 2018, a de fortes répercussions sur l'activité.

Les freins à l'embauche se multiplient. Selon le dernier baromètre réalisé par Bpifrance le Lab et Rexecode, 82% des entreprises ayant eu des projets de recrutement lors des 12 derniers mois ont indiqué des difficultés de recrutement. Cette part est en forte augmentation par rapport aux chiffres communiqués il y a un an (70% à la fin du second trimestre 2018). Ces problèmes pour embaucher demeurent "de loin le principal frein à l'activité cité par les entreprises en forte hausse ce trimestre (pour 57% d'entre elles contre 52% il y a trois mois)" rappellent les auteurs du baromètre. Contacté par La Tribune, Baptiste Thornary, économiste à Bpifrance, déclare :

"Il' y a une inadéquation entre les attentes des employeurs et le profil des candidats. 75% des chefs d'entreprise indiquent qu'ils n'ont pas de candidature. Cela signifie surtout qu'ils n'ont pas de candidature correspondant au profil recherché pour le poste. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces difficultés. Les formations suivies par la population active ne correspondent pas forcément aux compétences recherchées. Sur certains postes très qualifiés, quelques entreprises ne sont pas prêtes à embaucher pour former et intégrer des travailleurs plus jeunes dans leur parcours professionnel."

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L'absence de candidats, première difficulté

Les tensions sur le marché du travail demeurent importantes en France malgré un ralentissement de l'activité. Les résultats du baromètre indiquent que l'absence de candidats représente la première barrière à l'embauche pour 81% des répondants. Viennent ensuite le niveau de qualification (45%), le manque d'expérience (26%) ou l'adaptabilité dans l'entreprise (22%).

A l'opposé, les perspectives de carrière proposées (5%), le manque de notoriété de l'entreprise (6%) ou encore l'organisation (9%) sont bien moins citées par les entrepreneurs. Dans l'ensemble des facteurs évoqués, 27% des entreprises expliquent que ces difficultés proviennent de leur propre société. "L'implantation géographique de l'entreprise prend notamment un peu plus d'ampleur. Ces obstacles liés à l'organisation de l'entreprise restent relativement peu cités par les dirigeants et relèvent sans doute davantage de la perception des candidats", expliquent les auteurs du baromètre. Et ces difficultés ne sont pas sans conséquences :

"Sur les freins à la croissance, ce qui a pris de l'ampleur, ce sont les difficultés de recrutement. Plus que jamais, c'est le frein numéro un cité par les PME. Avec ce ralentissement de la conjoncture, on avait commencé à constater des contraintes de demande ressortir parmi les réponses exprimées dans les précédents baromètres. Les difficultés de recrutement qui sont plutôt des contraintes d'offre progressent dernièrement. Ce phénomène a un vrai impact macroéconomique sur l'activité", ajoute l'économiste.

Face à ces obstacles, une majorité d'entreprises (55%) ont entrepris de modifier les techniques de recrutement ou de fidéliser la main d'oeuvre en place en proposant des avantages monétaires (18%). 26% proposent d'accroître la durée du travail des salariés en place ou de proposer des actions de formation (23%). 21% acceptent également de revoir à la baisse leurs attentes en termes de formation.

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En revanche, les obstacles au recrutement n'incitent pas vraiment les entrepreneurs à investir dans l'automatisation des tâches (13%) et encore moins à mettre en place des solutions de mobilité de la main d'œuvre ou du télétravail (4%). En prévision d'une hausse de l'activité, 30% des entrepreneurs signalent recourir davantage au travail temporaire ou au travail détaché. Le recours à des sous-traitants est également pratiqué par 21% des dirigeants interrogés.

Un volontariat territorial véritablement ambitieux ?

En réponse à ces difficultés, le gouvernement d'Edouard Philippe et Bpifrance ont annoncé ce jeudi 23 mai le lancement d'un volontariat territorial en entreprise (VTE), qui permet à des jeunes diplômés de travailler dans des PME ou ETI industrielles. Inspiré du volontariat international en entreprise, le volontariat territorial en entreprise propose aux étudiants et jeunes diplômés un an d'expérience dans une PME ou une ETI industrielle, implantées notamment dans les "territoires d'industrie".

Le VTE est "une opportunité pour apprendre et prendre des responsabilités pour les jeunes diplômés", a souligné le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, cité dans le communiqué. Face à l'ampleur de la tâche, Philippe Mutricy, directeur des études à l'organisme bancaire indique que "le but du VTE est d'orienter le plus de candidats possible vers les PME et essayer de lutter contre cette absence de qualification ou d'adéquation aux offres. L'objectif est d'avoir signé 100 VTE en septembre 2019, 2.000 l'année prochaine et 5.000 dans cinq ans."

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Des conditions financières légèrement meilleures à prévoir

Au niveau de la trésorerie des PME, les résultats sont en demi-teinte. Durant le premier trimestre, les chefs d'entreprise ont indiqué des tensions pour le troisième trimestre consécutif. "L'indicateur perd 3 points sur le trimestre mais reste quasi stable sur un an (-1 point depuis mars 2017)." L'indice qui mesure le niveau de trésorerie décline de 4 points en un trimestre. Les perspectives sur la trésorerie future baisse aussi très légèrement par rapport à fin décembre 2018. L'économiste Baptiste Thornary précise que "le ralentissement de l'activité en France se concrétise par un léger repli d'indicateurs relatifs à la trésorerie des PME et sur les perspectives d'investissement. Ce constat est toutefois limité.C'est un ralentissement par rapport un niveau qui était élevé sur les dernières années".

Au premier trimestre, les délais de paiement ont augmenté pour les clients pour retrouver leur niveau de 2017. De son côté, "l'indicateur des délais de paiement clients gagne 7 points pour atteindre +10, niveau restant toutefois inférieur à celui enregistré en mars dernier (+19)" explique la banque publique.

Méthode : baromètre réalisé été réalisée entre le 29 avril et le 13 mai 2019, sur la base d'un questionnaire diffusé par voie numérique auprès de près de 1.200 PME des secteurs marchands non agricoles, de 1 à 249 salariés et réalisant moins de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires. Les réponses de 468 PME ont été traitées.