Pour remplacer le gaz russe, Emmanuel Macron tente de se rabibocher avec Alger

POLITISCOPE. Dans le cadre de sa diplomatie du gaz, la nouvelle visite d'Emmanuel Macron en Algérie marquera-t-elle un nouveau départ dans la relation avec la France ? Après les ratés des premiers voyages, l'élection d'un nouveau président aurait pu en offrir l'espoir, avec à la clef plus de coopération économique. Mais après la polémique sur la « rente mémorielle » et celle sur l'existence d'une nation algérienne, la réconciliation reste de façade. Le président Tebboune doit d'ailleurs partir prochainement en visite officielle à Moscou et à Pékin.
Marc Endeweld
(Crédits : Reuters)

Jusqu'à présent, l'Algérie n'avait guère porté chance à Emmanuel Macron ! Et ce n'est pas faute d'essayer ! Dès sa campagne présidentielle de 2017, le futur président avait ainsi tenu à établir une relation forte avec ce géant de la Méditerranée et de l'Afrique. À l'époque, le candidat Macron s'était même déplacé avec toute une partie de son staff durant deux jours à Alger, multipliant les prises de contact, notamment avec les oligarques algériens, pourtant symboles d'un « système » à bout de souffle. Comme à son habitude, il avait alors fait de nombreuses promesses.

Malheureusement, lors de ce voyage à Alger, les couacs se multiplient. Par exemple, le candidat se recueille sur la tombe de Roger Hanin, héros de la série télévisée « Navarro ». Il fleurit alors la sépulture du comédien, ce qui ne se fait pas dans la tradition juive, s'y rend sans prévenir les proches du défunt, et encore mieux, se retrouve accompagné d'une personne se revendiquant comme faisant partie de la famille ce qui n'était pas le cas... Un épisode révélateur du manque d'expérience du futur président et de son équipe...

On s'en souvient encore, Emmanuel Macron avait aussi créé lors de ce déplacement une énorme polémique en France en expliquant à un journaliste de la télévision algérienne que la colonisation française avait été un « crime contre l'humanité ». Ces paroles avaient suscité un tollé en France, notamment chez les Pieds Noirs. Mais surtout, la principale imprudence que commet à l'époque le candidat Macron, c'est de se lier avec l'ensemble des vieux réseaux du pouvoir politique et économique algérien, ceux-là même qui seront contestés par le peuple algérien lors de la révolution du Hirak au printemps 2019. Du jour au lendemain, plusieurs connaissances d'Emmanuel Macron vont se retrouver en prison. Et ces liens vont peser ensuite bien lourds dans les relations entre les deux États.

Fin 2019, l'élection d'un nouveau président, Abdelmadjid Tebboune, aurait pu être l'occasion d'un nouveau départ pour Emmanuel Macron en Algérie. À l'inverse, les relations vont se dégrader encore un peu plus. Début 2020, un projet de voyage du président français à Alger est reporté. À l'automne 2021, les tensions aboutissent à un point de quasi non retour, à quelques mois de la présidentielle française. Lors d'une rencontre avec des jeunes algériens et franco algériens à l'Elysée et un journaliste du Monde, le président use d'un langage peu diplomatique : il dénonce alors l'utilisation d'une « rente mémorielle » par les autorités algériennes, assure que l'histoire officielle de l'Algérie est « totalement réécrite », et ose se demander s'il existait une nation algérienne avant la colonisation française, tout en rappelant que l'Algérie avait été aussi colonisée par les Turcs...

Ces propos chocs provoquent immédiatement un tollé en Algérie. Et ils tombent au plus mal : deux jours plus tôt, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait annoncé que la France allait réduire de moitié l'octroi des visas pour l'Algérie et le Maroc, et l'Algérie avait déjà, en réaction, rappelé son ambassadeur en France. Résultat, l'Algérie décide d'interdire le survol du pays aux avions militaires français qui participent à l'opération Barkhane au Sahel. Dans les jours qui suivent, la tension monte encore d'un cran. Alger multiplie les « cartes postales » inamicales à l'égard du président français. Mais après une assez longue période de latence, la situation revient peu à peu à la normale, notamment après un voyage éclair à Alger de Jean-Yves Le Drian, alors ministre des Affaires étrangères, début décembre 2021, « pour amorcer la réconciliation franco-algérienne », selon un conseiller élyséen.

Huit mois plus tard, la visite d'Emmanuel Macron en Algérie est donc placée sous le signe de la jeunesse et de l'innovation. Comme à son habitude, le président français va profiter de son voyage pour rencontrer de jeunes entrepreneurs algériens mais aussi des artistes. Ce sera aussi l'occasion pour Emmanuel Macron de rencontrer la nouvelle organisation patronale en Algérie, le Crea (le conseil du renouveau économique algérien), présidé par Kamel Moula, qui rassemble des entreprises privées et publiques et souhaite rompre avec l'affairisme des dernières années du président Bouteflika. Voilà pour la « communication ».

L'Elysée préfère minimiser l'aspect business du voyage. Pas question pour le château de laisser entendre que la France tente de se rabibocher avec l'Algérie pour cause de guerre en Ukraine et de crise énergétique. Pas question non plus de laisser entrevoir la signature de gros contrats alors les espoirs de Paris dans ce domaine sont minces au vu du niveau de la « relation bilatérale » depuis plusieurs années. « Les relations sont vidées de tout contenu probant et convainquant. Elles se limitent à la sécurité, au Sahel, à la question migratoire, à la "mémoire" », tacle un bon connaisseur des relations entre Algérie et France.

Dans la délégation française, on trouve toutefois des poids lourds. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire est accompagné de Rémy Rioux de l'Agence Française de Développement et Nicolas Dufourq de la BPI. Les grands patrons Xavier Niel et Rodolphe Saadé (CMA CGM), tous deux proches d'Emmanuel Macron, sont également du voyage, ainsi que Catherine MacGregor, la directrice générale d'Engie qui vient de signer un nouveau contrat avec la Sonatrach, la société d'hydrocarbure algérienne, ou le haut cadre d'Ardian, François Touazi, très proche d'Emmanuel Macron. À noter également, la présence notable d'Arnaud Montebourg, devenu, depuis 2018, le président de l'association France Algérie. Selon plusieurs sources, on assiste en coulisses à un rapprochement de l'ancien ministre du Redressement productif avec Emmanuel Macron. Un soupçon d'union nationale dans l'équipe France ?

C'est que pour la France, l'urgence est là. Alors que les forces françaises se sont retirées du Mali et que la Russie pousse ses pions partout en Afrique, son influence décroit à vitesse grand V sur tout le continent. Au Maghreb, la France n'a pas que des difficultés avec Alger, les relations entre Emmanuel Macron et le roi du Maroc, Mohammed VI, sont devenues « exécrables », selon plusieurs observateurs. Une situation périlleuse alors que la France cherche à diversifier ses approvisionnements énergétiques depuis la guerre en Ukraine, et en particulier en gaz. Les Algériens l'ont bien compris et se laissent courtiser, mais pas à n'importe quelles conditions.

À l'image de la Turquie, l'Algérie maintient une diplomatie efficace et surtout tous azimuts. Entre son armée qui dispose des liens forts avec la Russie, ses excellentes relations avec les pétroliers américains, ses entrées en Iran et en Turquie, ses ressources minières, notamment en métaux rares, et son ouverture à la Chine, le pays sait largement se débrouiller économiquement sans la France. Selon nos informations, le président Tebboune doit d'ailleurs partir prochainement en visite à Moscou et à Pékin.

Dans ce contexte, la partie pour Emmanuel Macron est loin d'être gagnée. Si TotalEnergies a également signé un nouveau contrat de gaz en juillet dernier, la concurrence reste rude entre pays européens. L'Italie, qui dispose d'un gazoduc direct avec l'Algérie, a ainsi signé un contrat de gaz géant au printemps dernier, sans concertation avec ses voisins du « vieux continent ». En cette fin d'été, alors que l'opinion publique française craint désormais l'arrivée de l'hiver, la France tente ainsi de se placer dans cette voie italienne vis-à-vis de l'Algérie. « Macron essaye de se placer en sauveur de l'Europe sur le dossier du gaz », ironise un franco algérien proche du cabinet Tebboune. L'Elysée espère profiter des très mauvaises relations que le pays entretient avec l'Espagne depuis plusieurs mois. L'Espagne qui, comme l'Italie, dispose également d'un gazoduc direct avec les ressources du Sahara.

Reste que l'Algérie ne pourra pas résoudre l'équation européenne d'approvisionnement en gaz. Si ses ressources restent très bon marché par rapport au gaz de schiste américain, le fameux « gaz de la liberté », poussé par Biden après avoir été poussé par Trump, les sous investissements de ces dernières années dans la filière algérienne du pétrole et du gaz l'empêche d'augmenter largement sa production face à l'urgence européenne. Et il faudra encore un peu de temps avant que le projet d'un gazoduc entre Lagos et Alger voit le jour. Cette voie transsaharienne, permettrait alors à l'Europe de pouvoir puiser, via les gazoducs algériens, dans les nouveaux gisements de gaz au large du Nigéria, qui jusqu'à présent est obligé d'exporter en GNL. Une chose est sûre : il est bel et bien fini le temps où les Européens pouvaient imposer leurs vues au continent africain. Que les occidentaux le veuillent ou non, assisterait on l'établissement d'un ordre international plus juste, malgré la montée des tensions entre super puissances ?


Marc Endeweld.

Marc Endeweld
Commentaires 16
à écrit le 27/08/2022 à 19:18
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La france et l'algérie sont culturellement et génétquement lié; l'algérie fait partie de notre histoire et réciproque.

à écrit le 27/08/2022 à 19:05
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Trop généreux ces algériens indépendants qui offrent le cercueil ET la valise aux français de l'hexagone dont nombre d'entre eux se sont exilés à l'étranger...

à écrit le 27/08/2022 à 7:48
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Il faut arrêter de faire des cadeaux à ce pays qui maintient son régime que par le dénigrement du notre

le 27/08/2022 à 10:17
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Vous avez décidé d'évoluer un jour ?

à écrit le 26/08/2022 à 19:49
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Pour compléter l'article, les italiens avec M Dragui ont effectué une visite officielle le mois dernier en Algérie et signé des accords de fourniture de gaz pour remplacer le gaz russe. Sachant que le volume de production de gaz n'est pas extensible,...

le 27/08/2022 à 11:11
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@jean Luc Les réseaux de gaz et d'électricité sont interconnectes en Europe. Un peu moins denses pour le gaz et le gaz se déplace moins vite que les électrons. Ce qui donne quand même la possibilité pour un pays excédentaire en gaz de l'expédier da...

à écrit le 26/08/2022 à 18:43
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Wow, l'Algérie va faire avaler des couleuvres à la france grâce aux décisions sans nom sur le gaz russe... tous les innocents déséquilibrés sans papiers miltrecidivistes qu'il est impossible de virer car ca indigne la gauche tolérante vont rester et ...

à écrit le 26/08/2022 à 17:28
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On pourrait peut-être faire comme la Russie : reprendre notre territoire. Le peuple algérien serait certainement très heureux d'intégrer l'europe et d'adhérer à ses grandes valeurs. Avant de sauver l'Ukraine, sauvons l’Algérie.

à écrit le 26/08/2022 à 16:57
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A un prix très supérieur. Macron est un fossoyeur de la France pour complaire aux Américains, dont il a toujours été une homme lige. (Alstom, Mc Kinsey, obsessions anti-russes et antichinoises, aventures en Afrique, promotion de la "culture" woke et ...

le 26/08/2022 à 17:49
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"Macron est un fossoyeur de la France pour complaire aux Américains" Macron est un Young leader (French-American Foundation ) comme la plupart des membres de son gouvernent comme Olivier Véran ou son ex par exemple,il est la pour privilégier les i...

le 27/08/2022 à 7:52
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c'est un banquier qui se moque de la france et des francais qu'il insulte au quotidien pour quoi faire 4 ou 5 fois des dialogue sur l'hopital sur la securite ou tout autre sujet quand ces idees son rejeté voir son histoire avec les ecolos pour torp...

à écrit le 26/08/2022 à 16:27
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Avec McKron, tout est cousue de fils blancs parce que destiné aux médias pour sa com! Donc! Rien d'anticiper et toujours a la remorque!!

le 26/08/2022 à 17:01
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vous voulez dire rapetasser ) sont ils encore crédibles ?

à écrit le 26/08/2022 à 15:45
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Tu vas voir qu'il va faire un deal avec l'Algérie, on vous prends plus d'immigrés, si vous nous fournissez du gaz. Il en est capable

à écrit le 26/08/2022 à 15:25
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Bonjour, Ils est de l'intérêt immédiate de vendre du gaz a la france...mais s'ils ne ke souhaitent pas nous acheterons ailleurs...

à écrit le 26/08/2022 à 14:31
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C'est un non sens , mais on va finir acheter de l'énergie fossile à des pays du moyen orient qui ont doublé leurs achats de fuel russe pour le remettre sur le marché. La naive UE aura vraiment tout perdu en suivant les ordres de l'Oncle Sam.

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