Projet de loi dialogue social : le patronat tire ses dernières cartouches

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  681  mots
Pour Bernard Morvan, président de la Fédération nationale de l'Habillement: "les futures commissions paritaires régionales ne sont pas utiles, il revient à la branche professionnelle d'assurer le dialogue social"
Le projet de loi sur le dialogue social revient le 20 juillet devant le Sénat. Les organisations patronales ont rédigé des amendements tentant à limiter le rôle des futures commissions paritaires régionales compétentes pour assurer une fonction de "médiation" dans les TPE de moins de 10 salariés.

Le projet de loi sur la modernisation du dialogue social est en passe lui aussi, à l'instar de la loi Macron sur la croissance, de terminer son parcours parlementaire. Le temps presse. La Session extraordinaire du Parlement se termine en effet le 24 juillet. Ensuite, Sénateurs et députés ne siègeront plus avant octobre.

Il faut donc aller vite. Le projet de loi sur le dialogue social, porté par le ministre du Travail François Rebsamen, va revenir en seconde lecture le 20 juillet devant le Sénat. Et le patronat est à la manoeuvre pour essayer d'en modifier les contours, tant plusieurs dispositions ne lui conviennent pas.

Le patronat vent debout contre les futures commissions paritaires régionales

CGPME et Medef sont notamment vent debout contre la création des commissions paritaires régionales (composées pour une moitié de représentants de salariés et pour l'autre de représentants des employeurs) destinées à assurer le dialogue social dans les entreprises de moins de dix salariés où, actuellement, il n'existe aucune forme de représentation du personnel. Du moins formellement. Car, et c'est son grand argument, pour la CGPME, il n'y a pas besoin d'instituer de formalisme dans des entités si petites où le dialogue social y est "naturel".

Au départ, ces commissions devaient avoir un simple rôle de « conseil » et ne devaient pas pouvoir entrer dans les entreprises. Mais un amendement qui a fait hurler la CGPME, le Medef et l'UPA a été adopté par l'Assemblée nationale. Il permet à ces commissions de « visiter » une entreprise où il y a un problème pour assurer une « médiation », à la condition que l'employeur ait donné son accord. La CGPME voit là une première étape vers la possibilité pour les syndicats de s'implanter dans les PME.  Bernard Morvan, le président de la Fédération nationale de l'Habillement (adhérente de la CGPME), qui regroupe 55.000 magasins de centre ville, ne décolère pas:

"Depuis les mesures qui sont venues organiser la mesure d'audience syndicale, il revient à la branche d'assumer le dialogue social, via les commissions paritaires de branche. Ces nouvelles commission régionales n'ont rien à faire ici. Elle seront composées de gens extérieurs à nos métiers et qui ne connaitront pas forcément les spécificités de notre secteur".

Le Medef n'est pas en reste. Pour lui, ces commissions paritaires au rôle trop "flou" "sont une nouvelle source de nuisance pour les petites et moyennes entreprises et représentent un véritable risque de "vitrification" du dialogue social".

Medef et CGPME déploient donc un important travail de lobbying, via la rédaction d'amendements clé en main, pour que les sénateurs modifient le texte.

Des amendements clés en main

Ainsi Bernard Morvan a envoyé à plusieurs sénateurs socialistes et du parti "Les Républicains" des amendements tendant à limiter le rôle des futures commissions paritaires régionales. Il explique:

"Puisque ces commissions régionales vont avoir la possibilité de faire de la médiation, notamment sur l'interprétation de dispositions conventionnelles, nous demandons qu'avant leur intervention dans telle ou telle entreprise, elles saisissent au préalable les commissions paritaires de branche, pour éviter qu'elles ne donnent des conseils erronés. En outre, nous demandons aussi que les commissions paritaires de branche puissent valider une décision prise par les commissions régionales. Nous avons rédigé des amendements dans ce sens et nous espérons leur adoption".

D'autres organisations professionnelles effectuent des démarche similaires. Mais le temps est compté car les derniers amendements doivent être déposés au plus tard le 17 juillet.

Pour la petite histoire, il est amusant de constater que si Medef, CGPME et UPA font quasi front commun sur cette question de représentation du personnel dans les TPE, en revanche, ces mêmes organisations se déchirent sur les règles fixant la représentativité des organisations patronales également abordées dans ce même projet de loi. Le Medef tentant de garder sa suprématie avec la complicité objective du gouvernement.