Quand le ministre du travail envoie aux oubliettes les fondements... du droit du travail

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  507  mots
Niant toute la construction du droit du travail, le ministre du travail,estime que le contrat de travail n'entraîne pas forcément un lien de subordination entre le salarié et l'employeur. ...
Devant le Sénat, François Rebsamen a déclaré que "le contrat de travail n'impose pas toujours un rapport de subordination entre employeur et salarié".... Or, le lien de subordination est l'un des éléments constitutifs du contrat de travail...

Quelle mouche a donc piqué le ministre du Travail François Rebsamen?  En une malheureuse petite phrase il vient de jeter aux oubliettes les fondements de l'existence même d'un... droit du travail. Il s'est, sans nul doute, laissé emporter par sa fougue.

Quels sont les faits ? Le 11 mars au Sénat, lors de son audition par la commission spéciale «Croissance, activité et égalité des chances économiques », créée pour examiner le projet de loi Macron, le ministre a déclaré :

« Le contrat de travail n'impose pas toujours un rapport de subordination entre employeur et salarié: il est signé par deux personnes libres qui s'engagent mutuellement. Dans les situations de plein emploi, c'est même l'employeur qui recherche les salariés... ».

Au mieux, le ministre a commis une maladresse - ce n'est pas la première de sa part, si l'on se souvient de ses propos sur le contrôle des chômeurs - au pis, il nie l'existence même de l'un des principes de base qui justifie la création d'un droit du travail spécifique et différencié du droit civil où les deux parties contractantes sont là, en effet, censés être à égalité. Autrement dit, s'il existe un droit spécifique du travail, c'est précisément parce que ce lien de subordination différencie le contrat de travail du droit commun.

A maintes reprises, la jurisprudence de la Cour de cassation est venue définir ce que l'on entendait parle lien de subordination. Par exemple :

« Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ». (chambre sociale de la Cour de cassation 13 novembre 1996).

Le lien de subordination est l'un des éléments constitutifs du contrat de travail

Il convient aussi de rappeler au ministre... du Travail que du point de vue de la doctrine française, les trois éléments constitutifs du contrat de travail sont: la prestation de travail, la rémunération, et le lien de subordination juridique. Par définition, voire par essence, le salarié n'est pas à égalité avec son employeur, même le plus haut cadre dirigeant. On en prendra pour preuve que l'employeur peut mettre fin à tout moment, via le licenciement, à sa relation contractuelle avec le salarié.

Quant à l'argument de la « situation du plein emploi », utilisé par François Rebsamen, il ne tient pas. Il s'agit plutôt du principe du « rapport de force ». S'il y a rareté de la main d'œuvre, l'employeur qui veut recruter devra proposer en effet un meilleur salaire et accorder plus d'avantages qu'un éventuel concurrent. Mais une fois le contrat signé, le salarié se trouvera dans un lien de subordination par rapport à son employeur. C'est intrinsèque à la notion de contrat de travail.