Quel est le bilan économique d'Hollande an III ?

Par Fabien Piliu  |   |  1456  mots
Il reste deux ans à François Hollande pour sortir l'économie française de l'ornière
Trois ans après l'élection de François Hollande à la présidence de la République, l'économie française peine toujours à sortir définitivement de la crise. Malgré un certain nombre de réformes.

Il y a trois ans, les Français élisaient François Hollande, le champion du Parti socialiste, à la présidence de l'Etat. En attendant la fin du quinquennat, quel bilan peut-on tirer de cette période ? L'économie se porte-t-elle mieux ? Si l'on observe le niveau de demandeurs d'emplois, la réponse est clairement non !

Mais le propos doit être nuancé, même si la déception des électeurs de François Hollande peut être forte. Et leurs griefs nombreux.

On peut les comprendre. Comme tous les candidats à l'élection présidentielle, François Hollande a eu la main lourde en termes de promesses. En cas de victoire, les lendemains allaient chanter. L'activité repartirait et le carcan des finances publiques allait se desserrer, tout simplement parce que la France n'aurait plus à se soumettre aux injonctions de Bruxelles. La France allait certes poursuivre le redressement de ses finances publiques, mais à la condition que l'Union européenne mène enfin une politique de relance.

Après le temps de l'espoir vint rapidement celui des désillusions. En 2012, l'activité économique s'effondre, le PIB stagne et le nombre de chômeurs explose. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault alors Premier ministre ayant décidé d'épargner les ménages les plus modestes, ce sont les entreprises qui financent la réduction engagée du déficit public. Elles subissent un choc fiscal évalué à plus de trente milliards d'euros qui vient plomber un tissu productif déjà saigné à blanc par la crise de 2008-2009 et les années de croissance molle qui ont suivi.

Les restructurations et les fermetures de sites animent l'actualité. Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, multiplie les dispositifs comme l'instauration de commissaires régionaux au redressement productif pour sauver les meubles.

Faute avouée...

Un an après son arrivée à l'Elysée, François Hollande confesse son "erreur" de diagnostic. Lors de la campagne, lui et son entourage d'experts ont sous-estimé les dégâts de la crise. Une "erreur" volontaire ou involontaire? Dans le premier cas, cette faute est compréhensible. Peu de candidats pourraient crânement jouer leur chance en proposant du « sang, de la sueur et des larmes ». Dans le second cas, l'erreur est plus grave. Elle signifierait que les conseillers de François Hollande étaient incompétents, ou qu'ils n'ont pas assez travaillé leurs dossiers.

Toujours est-il que les premières mesures fiscales prises par son gouvernement, parce qu'elles étaient inadaptées, ont précipité la chute de l'économie française. A cette erreur se sont ajoutées quelques maladresses, comme la surtaxation des plus-values de cession - qui a conduit à la révolte des Pigeons -, ou la polémique sur le régime de l'autoentrepreneur qui ont durablement détérioré les relations entre le gouvernement et le monde des entreprises sans, pour autant, convaincre les ménages.

Dès novembre 2012, l'exécutif fait en partie machine arrière. Dans la foulée du rapport Gallois est lancé le Pacte national pour la croissance et l'emploi qui sanctuarise certains dispositifs jugés essentiels pour l'activité (ISF PME, dispositif Madelin, crédit impôt recherche...) et crée le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui, austérité oblige, n'entre en vigueur qu'en 2013. Proche de celle menée lors du quinquennat précédent, une politique de l'offre est lancée, que désapprouve l'aile gauche de la majorité. La Banque publique d'investissement, fruit de la fusion d'Oseo, CDC Entreprises et du Fonds stratégique d'investissement, voit le jour avec une force de frappe estimée à 42 milliards d'euros en faveur des entreprises

La reprise est-elle de retour en 2013 ? Le PIB progresse de 0,4% seulement, rendant impossible l'inversion de la courbe du chômage pourtant promise par le chef de l'Etat et son ministre du Travail, Michel Sapin. Tous les dispositifs en vigueur, qui auraient probablement été suffisamment puissants pour favoriser une accélération de l'activité dans un environnement normal, n'ont pas permis de relancer ce qui reste du made in France. Le traumatisme est trop profond.

Valse des ministres à Bercy

A partir de 2013, cette politique de l'offre devient le fil rouge du gouvernement, en dépit de l'instabilité ministérielle. Bercy tangue en effet. François Hollande use trois ministres de l'Economie en trois ans : Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg et Emmanuel Macron.

Après le Pacte pour la croissance, c'est un nouveau Pacte de responsabilité que le chef de l'Etat propose en 2014 aux partenaires sociaux et organisations patronales. En échange d'une quarantaine de milliards d'euros d'allégements de cotisations étalés sur trois ans et à compter de 2015, les entreprises doivent promettre de nouvelles embauches. Là encore, l'aile gauche de la majorité gronde.

En attendant l'entrée en vigueur de ce que les « frondeurs » socialistes considèrent comme de nouveaux cadeaux faits aux entreprises, l'activité ne décolle toujours pas. En 2014, le PIB n'augmente que de 0,4%. Et le chômage continue de progresser. En cause ? L'investissement est en berne, le taux de marge des entreprises ayant touché un plancher inédit depuis 1985 à 29,7% de l'excédent brut d'exploitation selon l'Insee, le commerce extérieur peine et les défaillances se maintiennent à un niveau élevé. Selon le cabinet Altares, elles se sont élevées à 62.586, dépassant le nombre observé en 2012 et tutoyant le record de de 63.700 faillites établi en 2009. L'austérité pèse. Selon les calculs de l'OFCE, l'impulsion négative de cette politique à été de 1,1 point de PIB en 2011, 1,3 point en 2012 et à de 1,6 point en 2013. " Au total, durant les quatre dernières années, la restriction a atteint un niveau inégalé sur les quarante dernières années, soit près de 5 points de PIB. Ces tours de vis budgétaires à partir de 2010 ont exercé des effets d'autant plus récessifs qu'ils ont été appliqués alors que les économies étaient loin d'avoir récupéré de la récession ", explique l'OFCE qui estime à 1,2 point de PIB le choc budgétaire négatif subi par l'économie française.

La prévision de croissance du gouvernement devrait être atteinte

Et en 2015 ? Pour l'instant, le gouvernement vise assez sagement une hausse de 1% du PIB, prévision à laquelle souscrit la plupart des experts. Avec la dépréciation de l'euro face au dollar et le recul très marqué des cours des matières premières, notamment du brut, l'économie française bénéficie d'un environnement conjoncturel favorable. Point positif, la consommation des ménages résiste. Et l'investissement ? Le redressement observé du taux de marge des entreprises laisse-t-il augurer d'une augmentation de la formation brute de capital fixe ?

C'est la nouvelle obsession du gouvernement. En avril, Manuel Valls, le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures pour relancer l'investissement, la principale étant une accélération du suramortissement.

L'investissement peut-il prendre le relais de la consommation ?

Selon l'enquête dévoilée ce mercredi 6 mai par l'Insee, l'investissement augmenterait de 7% cette année ! C'est encourageant. Il ne reste plus qu'à attendre que cette prévision se réalise. Or, les résultats de cette enquête, qui est une photographie à "instant T" du sentiment des chefs d'entreprises, sont très souvent corrigés et le plus souvent à la baisse. Une remontée brutale des cours du brut et/ou une mesure fiscale alourdissant le poids de l'impôt pourraient par exemple mettre à mal cet optimisme.

Un optimisme qui, par ailleurs, interroge. Alors que le taux d'utilisation des capacités de production reste très faible - il s'élève à 81,8% selon l'Insee contre 85% en moyenne sur la période 1994-2007 -, pour quelles raisons les entreprises investissaient massivement, notamment dans le secteur manufacturier et la construction ? Si la consommation résiste, elle est bien loin d'exploser. Par ailleurs, la politique d'austérité menée par le gouvernement a réduit les marges de manœuvre budgétaires des collectivités locales, plongeant, par ricochet, de nombreux secteurs dans de sérieuses difficultés. C'est par exemple le cas du bâtiment et des travaux publics.

L'Union européenne arrive-t-elle à la rescousse ? Dans le compte-rendu du Conseil des ministres du jour, Matignon déclare que la France a " milité depuis 2012 pour faire de l'investissement une priorité en Europe. L'objectif est à présent de mettre en oeuvre au plus vite le plan Juncker de 315 milliards d'euros ". Il faut rappeler que cette somme ne représente que 2,3 du PIB de l'Union européenne... Dans un sursaut de clairvoyance, le gouvernement explique que " l'Union devra ensuite aller plus loin et examiner tous les moyens d'amplifier le plan Juncker ".

Dans ce contexte toujours délicat, les lendemains qui chantent ne sont pas encore pour... demain. Il reste deux ans à François Hollande pour renverser la situation. Le compte à rebours est lancé.