Contribution exceptionnelle, réindustrialisation, ordre républicain : ce que promet Macron après la réforme des retraites

Par Coline Vazquez  |   |  1303  mots
Le chef de l'État prenait la parole ce mercredi à 13H00, en direct à l'Elysée, répondant aux questions des journalistes Marie-Sophie Lacarrau de TF1 et Julian Bugier de France 2. (Crédits : Capture d'écran)
Dans un climat social explosif émaillé par des manifestations désormais quotidiennes contre la réforme des retraites et des mouvements de grève qui perdurent, notamment dans les raffineries et dépôts pétroliers, Emmanuel Macron prenait la parole, ce mercredi, dans une interview au journal de 13 heures.

« Ce texte va poursuivre son chemin démocratique ». C'est ce qu'a d'emblée affirmé Emmanuel Macron, ce mercredi devant les journalistes Marie-Sophie Lacarrau de TF1 et Julian Bugier de France 2. « Il faut maintenant attendre que le Conseil constitutionnel se prononce », a-t-il néanmoins admis. Mais « il faut que la réforme entre en vigueur avant la fin de l'année », a-t-il affirmé. L'entrée en vigueur était initialement prévue pour le 1er septembre.

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C'est au journal de 13 heures des chaînes France 2 et TF1 que le président de la République a décidé de prendre la parole sous le format d'une interview menée depuis l'Elysée en direct. L'objectif : réaffirmer une énième fois la nécessité de mener à bien la réforme des retraites.

«  Ça ne me fait pas plaisir de faire cette réforme »

« Est-ce que vous pensez que ça me fait plaisir de faire cette réforme ? Non !», a asséné Emmanuel Macron, ajoutant le faire « en responsabilité par le sens de l'intérêt général ». « J'aurais voulu ne pas la faire », a-t-il insisté, estimant que « cette réforme, c'est une nécessité pour le pays ». « S'il faut endosser l'impopularité, je l'endosserai ».

Seul regret pour le chef de l'Etat : « que nous n'ayons pas réussi à partager la nécessité de faire cette réforme ». Mais « je pense qu'il y a une volonté de passer à autre chose chez certains et de ne pas partager cette contrainte », a-t-il rétorqué, ciblant les organisations syndicales s'opposant à la réforme. Pour elles, « le projet », « c'est le déficit », a-t-il reproché. « Qu'est-ce que c'est le déficit?, a-t-il interrogé Ça veut dire, de fait, que vous choisissez de faire payer vos enfants parce que, aujourd'hui, vous refusez de décider avec clarté et courage ».

De quoi justifier, selon le gouvernement, l'emploi de l'article 49.3 pour faire adopter la réforme le 16 mars dernier. Un choix qui n'a pas manqué de renforcer la colère des manifestants et grévistes. Depuis cette date, les rassemblements se multiplient chaque soir notamment au sein de la capitale et une journée de mobilisation interprofessionnelle est, de nouveau, organisée jeudi par les syndicats. Du côté des grèves, elles se poursuivent dans les transports, la RATP ayant annoncé un trafic « très perturbé » dans les transports franciliens. De même, une grève reconductible des éboueurs est toujours à l'oeuvre dans plusieurs villes dont Paris. En outre, environ 12% des stations-service de France sont à court d'essence ou de gazole et 6% à sec, des mouvements de débrayage affectant l'activité de raffineries et de dépôts.

Face à cette mobilisation, Emmanuel Macron avait répondu, mardi, que « la foule, quelle qu'elle soit, n'a pas de légitimité face au peuple souverain qui s'exprime à travers ses élus ». Des propos sur lesquels il est revenu ce mercredi en rappelant l'existence du droit à manifester et en assurant que « des manifestations organisées, c'est légitime ». « Mais à côté de ça, quand des groupes utilisent l'extrême violence pour agresser des élus de la République chaque semaine, quand ils utilisent la violence sans règle, alors là, ce n'est plus la même chose », a-t-il dénoncé. Et d'ajouter que, « les blocages, il faut pouvoir les bloquer quand ils empêchent l'activité normale. C'est pour ça que j'ai demandé au gouvernement de négocier au maximum et quand cela n'aboutit pas, de réquisitionner ». Au sujet même de ses propos tenus la veille, sans se dédire, le chef de l'Etat a simplement indiqué : « ce sont des propos qui clarifient ».

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Une « contribution exceptionnelle » des grandes entreprises

Mais face à la fronde sociale, Emmanuel Macron a également promis des actions, assurant avoir entendu la colère des manifestants. Il a ainsi présenté l'idée d'une nouvelle taxe pour les grandes entreprises, véritable serpent de mer depuis l'explosion de l'inflation pour les foyers.

« Je vais demander au gouvernement de travailler à une contribution exceptionnelle concernant les profits exceptionnels », a expliqué le chef de l'Etat, pour que « les travailleurs puissent profiter » de cet argent, ciblant notamment « les entreprises qui rachètent leurs propres actions ».

« Il y a quand même un peu un cynisme à l'œuvre, quand on a des grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu'ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions », a ainsi dénoncé le chef de l'Etat, exigeant de « davantage redistribuer aux salariés ».

Mais il ne s'agira pas d'une taxe sur les superprofits, a-t-il assuré, rappelant que « nous l'avons déjà fait en taxant les superprofits des énergéticiens » alors montrés du doigt en pleine flambée des prix de l'énergie pour les Français.

Autre mesure qui devait voir le jour : le gouvernement devra réfléchir à des « aides au retour à l'emploi », pour renforcer les « droits et les devoirs », en particulier des bénéficiaires du RSA (revenu de solidarité active). Enfin, concernant « les métiers difficiles »« ce n'est pas 62 ou 64 ans le problème, mais à 54, 55 ans. Le vrai problème, c'est celui de l'usure professionnelle et des fins de carrière ». Un enjeu que le chef de l'Etat veut « prendre à bras-le-corps » et réengager des discussions avec les partenaires sociaux à ce sujet. Des partenaires sociaux avec qui il  entend également entamer de nouveaux échanges concernant « toutes les branches qui continuent à payer en dessous du minimum légal ».

« Nous n'avons pas le droit à l'immobilisme »

Mais surtout, Emmanuel Macron a tenu à rassurer quant à sa capacité à continuer à réformer le pays durant le reste de son quinquennat. « Nous n'avons pas le droit à l'arrêt ou à l'immobilisme, » a-t-il affirmé. Il a d'ailleurs indiqué que « plusieurs textes » concernant l'immigration, plutôt qu'une seule loi, « arriveront dans les prochaines semaines ».

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« Nous allons continuer à avancer à marches forcées », a-t-il martelé, insistant sur la nécessité de la réindustrialisation. Et de déplorer que « pendant des années nous avons habitué le pays à ne plus produire ou du moins beaucoup moins ». Emmanuel Macron veut ainsi garder le cap sur « le plein emploi et la réindustrialisation, c'est la France de 2030 ». Et « il faut gagner la bataille de l'industrie décarbonnée ».

Deuxième cap affiché par le président : « l'ordre républicain » avec « 200 brigades de gendarmerie, plus de juges, plus de greffiers » ainsi qu'« une loi de programmation militaire qui va arriver ».

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Enfin, troisième priorité : « les progrès pour mieux vivre : l'école, la santé, l'écologie ». Je veux qu'à la rentrée prochaine on puisse remplacer du jour pour le lendemain un professeur absent, a-t-il souhaité. Mais aussi « donner un médecin traitant à celles et ceux qui sont en affection longue durée ou âgés et dans des déserts médicaux ».

Dernière priorité affichée par Emmanuel Macron, la volonté de mettre en place « un plan eau », « dès les prochaines semaines ». « On doit gagner la bataille pour la sobriété en matière d'eau », a-t-il simplement déclaré à ce sujet.

Elisabeth Borne « a ma confiance »

Pour cela, le président continuera de compter sur sa Première ministre à qui il a renouvelé sa confiance, ce mercredi.« Elle a ma confiance pour conduire cette équipe gouvernementale », a-t-il souligné, en précisant lui avoir demandé « de bâtir un programme législatif, un programme de gouvernement (...) pour avoir à la fois moins de textes de loi, des textes plus courts, plus clairs, pour aussi changer les choses pour nos compatriotes de manière plus tangible »".

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