
Ce lundi, les votes des députés n'étaient pas assez nombreux pour adopter les motions de censure et permettre à l'Assemblée nationale de renverser le gouvernement. Le gouvernement a toutefois retenu son souffle, tant la censure a été évitée de justesse. A peine 9 voix d'écart pour celle déposée par le groupe transpartisan mené par Charles de Courson. Le projet de réforme des retraites portant l'âge de départ de 62 à 64 ans est donc officiellement adopté par le Parlement.
Dans la rue, mais aussi l'opinion, la contestation contre ce texte n'en reste pas moins très forte encore. Les raffineries sont bloquées, des grèves dans les services publics sont annoncées. Dans ce contexte tendu, que peut désormais faire Emmanuel Macron pour reprendre la main et redonner du souffle à son quinquennat sans être empêché ?
Retirer la réforme
Laurent Berger, le leader de la CFDT, devenu chef de file de la mobilisation sociale, ne voit qu'une solution pour sortir de l'impasse. Et il le demande solennellement au locataire de l'Elysée : « pour retrouver l'apaisement dans le pays, ne promulguez pas la loi ». Sa requête a toutefois toutes les chances de rester lettre morte : « On n'a pas traversé tout ça, pris des coups, pour retirer notre projet », répond, agacé, un ministre de premier plan.
Le gouvernement d'ailleurs le répète : cette réforme est indispensable pour remettre le régime des retraites par répartition à l'équilibre. C'est d'ailleurs l'argument avancé ce week-end par Emmanuel Macron qui a fait savoir qu'il souhaitait que « la réforme puisse aller au bout de son cheminement démocratique dans le respect de tous ».
Reste que du côté de l'intersyndicale, la détermination semble tout aussi forte : « On n'a pas organisé autant de manifestations, d'actions, les salariés n'ont pas perdu des jours de salaire, pour lâcher maintenant », plaide un membre de la CGT. Et d'ajouter : « Regardez notre mobilisation n'est pas vaine, puisque le président n'a pas eu de majorité. Les députés nous ont entendus. » Pour continuer à maintenir la pression, l'intersyndicale appelle d'ailleurs à une nouvelle journée d'action ce jeudi 23 mars.
Passer à autre chose
Après avoir dégainé le 49.3, et les motions de censure désormais derrière lui, Emmanuel Macron veut tourner vite la page des retraites.
L'exécutif prépare une loi sur le Travail, intitulée "Plein emploi", avec laquelle il a pour ambition de renouer le fil avec les syndicats. Aurore Bergé, la présidente du groupe Renaissance, l'a d'ailleurs dit en séance, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, autour des motions de censure, ce lundi. « D'autres chantiers sont à venir. L'ambition de la majorité est aussi de préparer un texte sur le grand âge. »
Seul hic, après un conflit si dur, pas sûr que les centrales acceptent de venir siéger autour de la table pour évoquer les conditions de travail, etc. Laurent Berger, pourtant sensible à cette question, a d'ores et déjà prévenu : « On ne va pas faire comme si de rien était, de faire 'reset' comme sur un ordinateur » Bref, il faudra sûrement un sas de décompression de quelques semaines avant de renouer le dialogue.
Après les Gilets jaunes, en 2019, Emmanuel Macron avait mis en place le grand débat. « Aujourd'hui, il lui faudra être inventif pour proposer une autre voie », veut croire un proche.
Vers un remaniement ?
De la même façon, politiquement, l'épisode va laisser des traces. Au sein de sa majorité mais aussi avec ses alliés, les fractures promettent d'être importantes. Comment dans ces conditions, continuer à gouverner et faire adopter des lois aussi polémiques que celle sur l'immigration ou la réforme des institutions ? N'y a-t-il pas un risque, comme l'a souligné Mathilde Panot, la présidente du groupe Nupes à l'Assemblée, que « son quinquennat soit, après ce 49.3, à l'arrêt »?
Emmanuel Macron a toujours la liberté de remanier. La Constitution lui en offre la possibilité. Alors qu'Elisabeth Borne a échoué à trouver une majorité, le président peut, en effet, envisager de changer de Premier ministre. Mais, en termes de symbole, ce serait difficile à porter alors qu'Elisabeth Borne est seulement la deuxième femme à diriger le gouvernement. Et que la première, Edith Cresson, qui l'a précédée il y a une trentaine d'années n'est restée qu'une dizaine de mois. Ce serait bis répétita.
Par ailleurs, la colère des opposants à la réforme ne se cristallise pas tant sur la personnalité d'Elisabeth Borne que sur celle d'Emmanuel Macron.
Enfin, la question sera de savoir par qui la remplacer. « Pour obtenir une vraie majorité et espérer pouvoir continuer à gouverner, il est obligé de se tourner vers la droite », décrypte un visiteur du soir. Gérald Darmanin ? Bruno Le Maire ? Les options ne sont pas si nombreuses pour tenter de rétablir le dialogue avec les Républicains.
Une dissolution
Enfin, la dissolution reste une option. Le président l'aurait mentionnée à plusieurs reprises en coulisses. Elle reste toutefois extrêmement risquée. Car selon les projections sur les intentions de vote montrent que la majorité perdrait probablement encore des sièges. Et surtout, le RN pourrait remporter la mise. Cela signifierait une cohabitation...
De la crise sociale, la France basculerait alors dans une violente crise de régime.
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