
Elisabeth Borne joue-t-elle à la roulette russe avec la sécurité de la France ? Les arbitrages de Matignon vont fortement irriter les armées et les industriels de l'armement. Ce sont également des arbitrages qui sont en complet décalage avec le contexte actuel de crises et de tensions à l'international. Ce sont en outre des arbitrages de Matignon qui décrédibilisent la vision ambitieuse portée par Emmanuel Macron. Enfin, ils ne montrent pas aux alliés et partenaires de la France la volonté de réarmer les armées au bon niveau. « Ces 413 milliards ne permettent pas de dessiner à eux seuls le nouveau visage de nos armées pour le siècle qui commence mais ils amorcent un investissement inédit, un changement profond qui sera ensuite irréversible », avait estimé le 20 janvier Emmanuel Macron. La mèche a donc fait long feu...
Selon des sources concordantes, la Première ministre Élisabeth Borne a donc rendu fin février des arbitrages financiers concernant les annuités budgétaires de la future loi de programmation militaire (LPM), qui court sur sept ans (2024-2030). Des arbitrages envoyés dans la foulée à l'Élysée, qui n'a pas, semble-t-il, exprimé son point de vue. Et le moins qu'on puisse dire c'est qu'Élisabeth Borne, qui n'était déjà pas favorable à la trajectoire de la LPM arbitrée par le président à 413 milliards d'euros, a quelque peu saboté la stratégie de remontée en puissance des armées concoctée difficilement par son ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Contacté par La Tribune, Matignon n'a pas donné suite à nos sollicitations.
Une hausse de 3 milliards par an jusqu'en 2027 ?
Selon ces mêmes sources, Élisabeth Borne a tranché en faveur d'une hausse de trois milliards d'euros par an jusqu'en 2027. L'actuelle LPM prévoyait une augmentation de trois milliards d'euros en 2024 et 2025. Le budget des armées s'élève à 43,9 milliards d'euros en 2023. Si le budget du ministère des Armées augmente de trois milliards d'euros sur la période 2024-2027 (quatre ans), il atteindra seulement 55,9 milliards d'euros. Un montant qui n'atteindra pas encore l'annuité moyenne de la future LPM, qui s'établit à 57,1 milliards d'euros par an (400 milliards sur sept ans, hors recettes extra-budgétaires). Avec les recettes extra-budgétaires, la moyenne des annuités de la LPM devrait s'élever à 59 milliards d'euros.
Les armées travailleraient actuellement sur cet échéancier budgétaire pour bâtir les besoins capacitaires des armées et les priorités politiques dans le cadre de la future LPM. D'autres sources avancent que la hausse ne serait que de deux milliards d'euros par an en 2024 et 2025 mais ce n'est pas la tendance. Quoi qu'il en soit, c'est trop peu. Car cette hausse devra absorber les programmes déjà lancés mais aussi les programmes nouveaux dont celui Service national universel (SNU), qui va coûter très cher au budget des armées. Sans oublier l'inflation. Résultat, la majeure partie de l'effort de défense serait reportée après 2027. Soit au mieux à la toute fin du quinquennat d'Emmanuel Macron, soit après. Des sources contactées par La Tribune assurent que la marche budgétaire de 2027 ou de 2028 s'élèverait alors à 5,5 milliards d'euros.
Au prochain chef de l'État de tenir les engagements d'Emmanuel Macron. La ficelle est pour le moins grossière. Pour autant, les armées pourraient trouver un allié, qui pourrait remettre l'église au centre du village. Un rôle taillé sur mesure pour le Sénat et son président Christian Cambon et un de ses franc-tireurs Cédric Perrin. Car on voit mal le gouvernement dégainer le 49.3 pour faire passer une loi telle que la LPM.
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