Réforme du Code du travail : le "contrat de projet" existe déjà... en partie

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  873  mots
La future réforme du Code du travail prévoira sans doute l'instauration d'un "CDI de projet" très flexible. Cela reviendrait à ouvrir aux autres secteurs l'actuel "contrat de chantier" qui existe dans le BTP.
La réforme du code du travail prévoira peut-être l'instauration d'un "CDI de projet", une vieille demande patronale. Il existe déjà actuellement un "CDI de chantier" réservé au BTP et un "CDD de mission". Ce dernier, bien que vivement réclamé par le Medef, ne rencontre pas un grand succès auprès des patrons.

C'est mercredi 28 juin que le gouvernement examinera le projet de loi d'habilitation autorisant l'exécutif à recourir aux ordonnances pour réformer le Code du travail. Selon un document révélé par le quotidien "Le Monde" et dont "La Tribune" a également obtenu copie, ce texte relativement court comprendrait 9 articles, dont l'un relatif à l'instauration d'un « contrat à durée indéterminée de projet », une très vieille revendication patronale... Un "CDI de projet" se définit comme un contrat de travail dont l'issue survient automatiquement quand la mission, précisée à la signature du contrat, est accomplie. Pour l'entreprise, un tel contrat a le mérite de la souplesse, car il n'a en fait de CDI que le nom puisqu'un terme au contrat est préalablement déterminé...

Il y a fort à parier qu'à l'instar du plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif, l'instauration d'un tel CDI de projet, si le gouvernement persiste, va cristalliser l'opposition des syndicats qui vont hurler à la généralisation de la précarité.

Dans le BTP, le "contrat de chantier" existe déjà...

Quant au gouvernement, il aura beau jeu de rappeler que ce type de contrat existe déjà. Edouard Philippe, le Premier ministre, a d'ailleurs déjà commencé la semaine dernière sur BFMTV-RMC en avançant que  « ça existe déjà dans le bâtiment, ça s'appelle un contrat de chantier ».

De fait, parmi la trentaine de types contrats de travail qui existent en France, figure le "contrat à durée indéterminée de chantier" réservé au secteur du BTP. L'intérêt pour les entreprises de ce secteur d'y recourir est multiple. D'abord, il s'agit d'un CDI - même si cela est théoriquement contestable - ce qui signifie que l'employeur n'a pas à motiver sa conclusion, à la différence d'un CDD qui obéit à certains motifs de recours. Ensuite, ce contrat permet à une entreprise qui décroche un gros chantier de pouvoir se séparer « simplement » d'un salarié à l'issue de ce chantier si elle n'a pas la possibilité de le garder aux effectif. Le CDI de chantier n'a pas de terme précis (à la différence du CDD) et il peut être rompu en cours de chantier en cas de motif réel et sérieux, alors que le CDD, lui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut pas être rompu quelle que soit sa durée.

Dès la fin des années 1990, le CNPF (l'ancêtre du Medef) rêvait d'étendre ce contrat de chantier à d'autres secteurs, parlant d'un « contrat de mission » dont le motif réel et sérieux de rupture serait la fin de la mission. L'idée a régulièrement rejailli depuis, déclenchant à chaque fois un tollé. Pierre Gattaz, sous le gouvernement de Manuel Valls, a encore une fois évoqué ce CDI de mission, c'était même, selon lui, l'un des moyens pour parvenir à créer 1 million d'emplois... Manuel Valls y était sensible mais François Hollande avait fermé la porte.

... et le "CDD de mission" est prévu par le Code du travail

Il faut dire qu'un contrat très similaire existe déjà dans le... Code du travail - en l'occurrence pas aussi rigide que le disent certains - et il ne rencontre pas un succès phénoménal. Il s'agit du "contrat à durée déterminée à objet défini", plus couramment appelé "CDD de mission". D'abord créé à titre expérimental en 2008 par le gouvernement de François Fillon, le CDD de projet a été pérennisé par une loi de décembre 2014. Il permet à des entreprises d'embaucher des ingénieurs et cadres pour une mission précise comprise entre 18 mois minimum et 36 mois au maximum. Il peut être rompu de façon anticipée à la date anniversaire (18 ou 24 mois après sa conclusion) s'il existe un motif « réel et sérieux ». A l'issue du contrat, qui ne peut pas être renouvelé, le salarié percevra une prime de précarité égale à 10% de l'ensemble des sommes perçues durant la durée du contrat. Ce type de contrat peut être institué à la condition expresse qu'un accord de branche ou d'entreprise le prévoie.

Fortement réclamé par le Medef mais boudé par les entreprises

Or, alors que le Medef réclame toujours et encore davantage de flexibilité, curieusement, ce contrat n'a pas rencontré le succès attendu. Seule une trentaine de branches ont conclu un tel accord selon des données du ministère du Travail. Peut-être les patrons le trouvent-ils encore « trop rigide », puisqu'à la différence d'un éventuel CDI de projet, il donne droit, à son issue, au versement de la prime de précarité et, surtout, il est difficile à rompre en cours d'exécution. En outre, comme il s'agit d'un CDD, l'entreprise doit théoriquement justifier la raison pour laquelle elle y a recours.

Autant de verrous qui pourraient sauter donc si le "CDI de projet" était institué. La flexibilité serait alors quasi-totale... La CGT évoque déjà dans un communiqué la « fin du CDI pour tous ». En fait, on pourrait assister à la naissance d'un contrat hybride, mélangeant les règles du CDI et du CDD, ce que certains appellent le contrat unique.