Réforme du Code du travail : un Français sur deux soutient la contestation

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  953  mots
Selon une enquête exclusive BVA-La Tribune, un Français sur deux soutient la contestation de la réforme du Code du travail. L'instauration possible d'un "CDI de projet" et le plafonnement des indemnités prud'homales sont les mesures les plus décriées.
Une fois de plus la France est coupée en deux. Face à la réforme du Code du travail, 50% des Français, essentiellement ceux les plus fragilisés sur le marché du travail, apportent leur soutien à la contestation, selon une enquête exclusive BVA - La Tribune.

Quel est le ressenti des Français face à la réforme du Code du travail ? Soutiennent-ils la contestation qui s'organise et qui s'est traduite par une première journée d'action, notamment à l'initiative de la CGT, le 12 septembre ? D'autres mouvements sont attendus les 21 et 23 septembre et la CFDT de Laurent Berger n'exclut pas de rejoindre l'action, comme l'a d'ailleurs déjà fait sa fédération des transports.

Une France coupée en deux

Un sondage exclusif BVA-La Tribune apporte quelques éléments de réponse à ces questions et montre, une fois de plus, une France coupée en deux. De fait, 50% des Français approuvent le mouvement de mobilisation contre la réforme gouvernementale du Code du travail contre 48% qui ne l'approuvent pas et 2% qui ne se prononcent pas. La contestation est surtout approuvée par les personnes les plus fragiles sur le marché du travail : 69% des catégories socioprofessionnelles « inférieures » (CSP -), ouvriers et employés ; 60% des personnes dont le niveau d'études est inférieur au Bac ; 54% des femmes et 53% des moins de 35%. A l'inverse, le taux de soutien à la contestation de la réforme est nettement plus faible auprès des populations dont la situation face à l'emploi est davantage assurée : 40% des cadres ; 38% des personnes issues de foyers dont les revenus mensuels sont supérieurs à 3.500 euros ; 36% des plus de 65 ans.

Sans surprise, sur le plan politique, c'est essentiellement dans les rangs de la gauche que l'on soutient la contestation (74%), nettement plus en tout cas qu'à droite (39%). Chez les sympathisants de la France Insoumise, la contestation est quasi unanime (92%) alors que la situation est plus mitigée chez les sympathisants du PS où 51% soutiennent le mouvement contre 47% qui le désapprouvent. A droite, on trouve tout de même 33% des sympathisants du parti Les Républicains pour approuver le mouvement contre la réforme, alors qu'au Front national, ce taux monte à 63%.

58% des Français estiment que la réforme peut favoriser la compétitivité

Globalement, ce niveau de soutien d'un Français sur deux à la contestation est comparable à celui constaté au premier semestre 2016 au moment du projet de loi El Khomri. A cette époque, le taux de soutien au mouvement avait oscillé entre un maximum de 56% en mars-avril, au plus fort de la mobilisation, et un minimum de 45% en juin 2016 une fois la loi adoptée.

Sur le fond, 58% des Français considèrent que la réforme du Code du travail peut permettre d'améliorer la compétitivité de la France. En février 2016, seuls 41% des Français étaient de cet avis face au projet de loi El Khomri, soit 17 points de moins.

De même une forte minorité de 45% des sondés jugent que la réforme actuelle peut permettre de lutter contre le chômage, soit 15 points de plus que lors d'un sondage BVA réalisé en février 2016 au moment de la présentation du projet de loi El Khomri. En revanche, 24% seulement des Français pensent que les ordonnances réformant le Code du travail vont permettre d'améliorer leurs conditions de travail... Il faut dire que ce n'est pas réellement l'objet de ces textes.

Le soutien aux mesures phares de la réforme faiblit

Par ailleurs, 59% des Français se déclarent favorables à une réforme du Code du travail... Reste à savoir quelle réforme ? Alors, certes, il s'agit d'une majorité mais BVA note que les Français sont pour autant plus réservés sur ce point qu'au moment de la loi El Khomri. De fait, en février 2016, 78% des Français estimaient qu'il était important de réformer le Code du travail (enquête BVA pour BCC consulting). Cette volonté affichée de modifier le Code du travail se retrouve essentiellement chez les proches de La République en Marche (89%) et de la droite (70%). Chez les sympathisants socialistes et du Front national, ce taux tombe respectivement à 54% et 49%. El ils ne sont plus que 23% chez la France Insoumise. Reste, encore une fois, à savoir ce que serait une « vraie » réforme du Code du travail pour les Français.

Surtout que le sondage BVA-La Tribune montre que les Français soutiennent moins fortement qu'en juillet les principales mesures prévues par les ordonnances. Ainsi, la possibilité de consultation directe des salariés dans les PME récolte encore 74% d'opinions favorables mais en chute de quatre points. De même, la fusion du comité d'entreprise, des délégués du personnel et du CHSCT est approuvée par 64% mais c'est 5 points de moins qu'en juillet. « Le CDI de projet » n'est lui approuvé que par une minorité (45%, - 1 point), tout comme le plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif (39% de favorables, -4 points).

Peut-être faut-il voir dans ces évolutions, le fait que les Français sont maintenant davantage informés sur le contenu concret de la réforme qu'en juillet dernier quand les textes des ordonnances n'étaient pas encore parus. On va voir dans les semaines qui viennent ce que va devenir la contestation contre la réforme du droit du travail et si elle va agréger d'autres mécontentements. Déjà, les syndicats de la fonction publique ont appelé à une journée de grève le 10 octobre. Si la contestation prend de l'ampleur, il sera intéressant de suivre l'état d'esprit des Français, quelques mois à peine après l'élection d'Emmanuel Macron.

> Lire aussi : Réforme du Code du travail : que contiennent les ordonnances ?

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*Enquête réalisée auprès de 1.048 personnes par téléphone puis par Internet du 14 au 15 septembre.