Régionales : les paris restent ouverts

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1865  mots
Au soir du premier tour, le FN était en tête dans six régions et notamment dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, où Marine Le Pen affrontera au deuxième tour le candidat Les Républicains Xavier Bertrand, soutenu par le retrait du candidat PS.
Si les régions Grand Nord et Provence-Alpes-Cote-d'Azur ont focalisé les esprits, dans d'autres régions la situation est pourtant aussi confuse. Au final, le FN n'est pas certain de présider une région et la gauche et la droite sont au coude à coude pour le nombre de régions "gagnables".

Bien malin qui pourrait prétendre connaître la couleur politique des treize régions métropolitaines et de l'Assemblée de Corse dimanche prochain. Le second tour des élections régionales va en effet donner lieu à deux duels, dix triangulaires et... une quadrangulaire en Corse.

La situation particulière en Nord-Pas-de-Calais Picardie (Grand Nord) et en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), avec les candidatures de membres de la famille Le Pen qui ont réalisé de très hauts scores, a quelque peu éclipsé les duels dans les autres régions. Pourtant, dans certaines régions, les résultats vont être très serrés. Et, à l'arrivée, gauche et droite ont chacune la possibilité de l'emporter dans cinq à huit régions. Explications.

Deux duels directs entre la droite et le FN


Dans le Grand Nord, après le retrait de la liste PS menée par Pierre de Saintignon arrivée troisième au soir du premier tour, restent donc en lice deux listes : celle du Front National menée par Marine Le Pen (40,64% des suffrages au premier tour) et celle emmenée par Xavier Bertrand (« Les Républicains"-UDI-MoDem) qui a obtenu 25% dimanche dernier. Le PS ayant appelé à voter en faveur de Xavier Bertrand, tout va donc dépendre de la qualité du report des voix. S'il est optimum, la liste droite/centre devrait alors l'emporter sur celle du Front National. Un sondage TNS- Sofres donne la liste de droite en tête avec 53% des suffrages, contre 47% pour le FN. Un autre sondage BVA pour Nord Eclair-l'Union, paru vendredi 11 décembre, donne exactement les mêmes résultats et souligne que le report des voix de gauche vers la liste de Xavier Bertrand serait bon.. Dans un tel cas de figure, le FN ne pourra pas prendre la présidence de la région certes, mais il aura de très nombreux élus. En revanche, fait historique, le PS n'aura plus aucun élu au conseil régional de la région.


En Paca, c'est un peu le même cas de figure. La liste PS menée par Christophe Castaner, arrivée troisième à l'issue du premier tour, s'est retirée. Pour faire barrage au Front National, le PS appelle a voté pour la liste droite-centre de Christian Estrosi qui a totalisé 26% des voix. Loin derrière la liste FN de Marion Marechal-Le Pen qui a viré en tête avec 40,55% des suffrages. Là aussi, si la liste de Christian Estrosi bénéficie d'un bon transfert des voix de gauche, elle devrait passer en tête devant celle du FN qui dispose de peu de réserves. Un sondage TNS-Sofres, donne la liste droite-centre de Christian Estrosi en tête dimanche prochain avec 54%, la liste FN récoltant 47%. Un autre sondage BVA pour La Provence, Var Matin et Nice Matin, paru ce vendredi 11 décembre, pronostique un résultat plus serré avec 51% pour la liste de Christian Estrosi et 49% pour celle de Marion Marechal Le Pen.


En Alsace-Champagne -Ardenne-Lorraine, (Grand Est), la situation est assez confuse. Il y aura une triangulaire, du fait du refus de Jean-Pierre Masseret (PS) de se retirer, malgré les injonctions des instances dirigeantes du PS - qui lui a retiré son investiture - et alors que sa liste est arrivée en troisième position (16,11%) au soir du premier tour. Or, dans cette région, la liste Front National, pilotée par le vice-président de ce parti, Florian Philippot, a viré en tête avec plus de 36% des suffrages. La liste centre-droit menée par Philippe Richert est arrivée deuxième (25,83%). Le suspens est donc entier. Le résultat de cette triangulaire va dépendre de l'importance des transferts de voix de la liste Masseret vers la liste Richert. Si, le mouvement est faible, alors le FN gagnera la région.

En Bourgogne-Franche-Comté, région dont on ne parle pas beaucoup, la situation est pourtant aussi assez confuse. Dans une triangulaire, la liste PS de Marie-Guite Dufay (22,99 %) sera opposée à celle du FN menée par Sophie Montel, arrivée en tête (31,48 % des voix), et à celle de François Sauvadet (UDI-"Les Républicains" ; 24 %). Mais c'est la liste PS qui bénéficie en théorie des plus grosses réserves de voix, grâce aux scores réalisés au premier tour par le Front de gauche (4,62 %) et les écologistes d'EE-LV (3,91 %). Ces deux listes, éliminées du second tour, ont appelé leurs électeurs à se reporter sur le PS. La gauche possède donc une réelle chance de garder la région mais ce n'est pas fait.

Suspens en Auvergne-Rhône-Alpes et en Ile-de-France

En Auvergne-Rhône-Alpes aussi le suspens demeure. La liste droite-centre de Laurent Wauquiez est arrivée en tête (31,73%), devant celle du FN de Christophe Boudot (25,52%). La liste PS de Jean-Jack Queyranne est arrivée en troisième position (23,93%). Mais un accord de fusion a été trouvé avec les listes EE-LV et Parti communiste qui totalisaient 12%. In fine, donc, potentiellement, là aussi, la gauche pourrait gagner... sur le fil.

En Ile-de-France, c'est également très serré. Claude Bartolone (PS, 25,9%) se retrouve au second tour à la tête d'une liste d'union de la gauche, après la fusion avec la liste EE-LV (8,03%) et Front de gauche (6,63%). Valérie Pécresse, avec sa liste d'union droite-gauche, a réalisé 30,51% au premier tour. Quant au Front national de Wallerand de Saint Just, avec ses 18,41%, il se maintient aussi au second tour. In fine, donc, les listes Pécresse et Bartolone sont au coude à coude. Les sondages ont beaucoup de mal à les départager tant l'écart est faible. Une enquête Elabe accorde 41,5 % à la gauche et 41% à la liste droite-centre. Mais un autre sondage Odoxa donne 42% à Pécresse et 40% à Bartolone. Pour ce dernier, tout va se jouer sur la qualité des reports de voix des listes EE-LV et Front de Gauche et la mobilisation des très nombreux abstentionnistes du premier tour.

Dans Les pays de la Loire, région également très discrète, a priori, la liste de la droite et du centre, menée par le sénateur (LR) Bruno Retailleau (33,49 %), devrait l'emporter à la faveur d'une nouvelle triangulaire. La liste PS de Christophe Clergeau (25,75%) a fusionné avec celle d'EE-LV (7,82%). Quant à la liste FN de Pascal Gannat, elle a obtenu 21,35% au premier tour.

En Centre-Val de Loire, la gauche devrait pouvoir garder la région même si le PS est arrivé troisième avec 24,31 % des voix au premier tour. Mais le total des voix de gauche atteint 37,2 %. Or, il y a eu un accord de fusion entre le PS et EE-LV et le Front de Gauche soutient cette liste. Pour sa part, le FN a obtenu 30,49 % des suffrages au premier tour et la liste d'alliance droite-centre, menée par Philippe Vigier, a totalisé 26,25 % des suffrages exprimés.

En Bretagne, il ne devrait pas y avoir de suspens. La liste PS menée par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est arrivée largement en tête avec près de 35 % des voix. Il devrait en être de même au second tour même si un accord de fusion n'a pas été trouvé avec EE-LV (6,7%). La liste droite-centre de Marc Le Fur a obtenu 23,46 % des voix et celle de Gilles Pennelle (FN), 18,17%.

En Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, la « méga » région grande comme l'Autriche, le président PS sortant Alain Rousset est bien placé pour conserver la présidence. Sa liste est arrivée en tête du premier tour avec 30,39 % des voix et un accord de fusion a été trouvé avec la liste EE-LV (5,6 %). Cette liste sera opposée à la liste de droite-centre de la protégée d'Alain Juppé, Virginie Calmels (27,19 %) et à la liste FN de Jacques Colombier (23,23 %).
S'il est élu, Alain Rousset tentera également de conserver sa place de président de l'Association des régions de France qui sera remis en jeu fin janvier 2016.

En Languedoc-Roussillon-Midi- Pyrénées. Carole Delga (PS-PRG) et Gérard Onesta (EELV-FDG) ont conclu un accord de fusion. Carole Delga était arrivée deuxième avec 24,4 % des voix, la liste EELV et du Front de gauche a obtenu 10,26 % et celle du dissident socialiste Philippe Saurel 5 %, contre 31,83 % pour le FN conduit par Louis Aliot et 18,84 % pour la droite. Le candidat des Républicains, le politologue Dominique Reynié, arrivé en troisième position avec 18,84 % des voix, a décidé de se maintenir. La région devrait pouvoir rester à gauche.

En Normandie, la situation est aussi très tendue avec trois blocs en présence pesant quasiment le même poids. La liste droite-centre de l'ancien ministre de la Défense UDI Hervé Morin, (27,91 %) a viré en tête d'un cheveu devant celle du FN, avec à sa tête le secrétaire général de cette formation Nicolas Bay (27,71 %). Ces deux listes seront opposées à celle conduite par le PS Nicolas Mayer-Rossignol (23,52 % au premier tour) qui a fusionné avec les listes, EE-LV (6,14 %) et Front de gauche (7,04 %). Sur le papier donc, la liste de gauche détient un avantage pour garder la région. Mais un sondage BVA pour Paris Normandie, paru ce vendredi 11 décembre, met les listes de droite et de gauche à égalité avec 36% des suffrages pour chacune. La liste FN récolterait 28%.

Enfin, en Corse l'originalité prime avec une quadrangulaire. le Front National mené par Christophe Canioni (10,58%) fera face à la liste née de la fusion entre la liste divers gauche de Paul Giacobbi, arrivée en tête (18,42 %), et la liste Front de gauche de Dominique Bucchini (5,56 %). Face à eux, les deux listes nationalistes menées par Gilles Simeoni (17,62 %) et Jean-Guy Talamoni (7,72 %) ont aussi fusionné. Il en va de même pour les deux listes de droite menées par José Rossi (« Les Républicains », 13,17 %) et celle de Camille de Rocca Serra (« Rassembler pour la Corse », 12,70 %). Nationalistes et droite sont donc au coude à coude.

Pas de raz de marée à droite

Au total donc, le Front national peut espérer gagner entre une et trois régions, même si ce dernier score paraît très difficile à atteindre. Il peut aussi n'en gagner aucune...

Quant à l'alliance droite-centre : elle peut espérer gagner entre cinq et huit régions... dont deux (Grand Nord et Paca) grâce au retrait total du PS au second tour. Moins la droite gagnera de régions plus la stratégie du président de LR, Nicolas Sarkozy, sera contestée dès la semaine prochaine par les ténors du parti qui ont préféré attendre le lendemain du scrutin pour faire part de leur mécontentement. Il faut dire que la droite n'était en tête que dans 4 régions au soir du premier tour... Loin du raz de marée espéré.

Enfin, la gauche devrait au minimum conserver trois régions... et pourrait en garder jusqu'à six, voire plus. Ce qui serait un quasi miracle, vu le contexte. Mais, surtout, si, Claude Bartolone parvient, à l'arrachée, à conserver l'Ile-de-France, il y aura un « effet loupe » que le PS pourra exploiter... Tout comme il mettra en avance son « sacrifice » pour barrer le FN dans les régions Grand Nord et Paca.