Regroupement familial : la proposition de Juppé enfonce des portes ouvertes

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  610  mots
Alain Juppé veut faire en sorte que "la personne qui accueille sa famille justifie, non pas d'allocations chômage, mais du revenu d'un travail".
Le candidat à la primaire Les Républicains veut conditionner le regroupement familial à des revenus issus du travail et non des allocations chômage. Les institutions sont déjà très strictes à ce sujet.

Mauvaise pioche pour Alain Juppé. Répondant aux questions des auditeurs ce mardi au micro de RTL, le candidat à la primaire Les Républicains a été interpellé sur la situation à Calais et en a profité pour développer son programme en matière d'immigration. "Je voudrais élargir le dossier, il faut que la France reprenne le contrôle de ses flux migratoires", a insisté le maire de Bordeaux.

Parmi ses propositions, Alain Juppé veut perfectionner les conditions de validation du regroupement familial, visiblement jugées insuffisantes, de sorte à ce que "la personne qui accueille sa famille justifie, non pas d'allocations chômage, mais du revenu d'un travail". La législation française pose un cadre strict pour ces demandes.

"Le demandeur doit disposer de ressources stables et suffisantes"

Tout étranger non ressortissant de l'Union européenne doit remplir plusieurs conditions pour que sa demande de regroupement familial soit acceptée. Tout d'abord, il doit être en situation régulière en France depuis au moins 18 mois. Ensuite, il doit justifier d'un logement avec une surface suffisante pour accueillir les membres de sa famille. A Paris et certaines communes d'Île-de-France par exemple, une quarantaine de mètres carrés sont requis pour une famille de quatre personnes.

Enfin, la législation prévoit que "le demandeur doit disposer de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille". Il doit justifier sur les 12 derniers mois d'un revenu moyen d'au moins le montant du Smic net, soit 1 139,21 euros mensuel. La provenance de ces ressources n'est pas imposée, elles peuvent résulter d'un travail salarié ou non salarié, de la gestion de patrimoine, etc. En revanche, sont exclues de ce calcul la quasi-totalité des prestations sociales, du RSA aux allocations familiales. Seules les personnes recevant l'allocation adulte handicapé ou l'allocation d'invalidité, bénéficient de dispositions particulières.

"Les personnes au chômage se font régulièrement refuser le regroupement familial"

L'allocation chômage, de son appellation administrative ARE (pour Aide au retour à l'emploi), n'est effectivement pas comptabilisée comme une prestation sociale. Légalement, elle ne fait pas obstacle à une demande de regroupement familial. Cette exception permet aux intérimaires et aux saisonniers, qui connaissent par définition des périodes d'inactivité, d'être rejoints par leurs proches.

Dans les faits, "les personnes au chômage se font régulièrement refuser le regroupement familial", indique Rémy Amsellem, avocat en droit des étrangers et membre du réseau Visalex. Ce dernier a récemment contesté en référé au tribunal administratif de Paris, une décision concernant un ressortissant algérien qui enchaînait les contrats d'intérimaire. "Pour les bénéficiaires de l'ARE, il faut systématiquement passer en force", observe l'avocat.

"Il y a beaucoup de refus des consulats"

De manière général, la validation d'une demande de regroupement familial n'est pas une sinécure. Une fois son dossier constitué, le demandeur le dépose en préfecture. Celle-ci va l'analyser avant de choisir ou non de le transmettre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui-même va décider de le faire suivre au consulat du pays concerné.

Ce dernier aura le mot de la fin, puisqu'il délivre les titres de séjours. "Il y a beaucoup de refus des consulats qui remettent en cause les documents d'état civil (acte de naissance, acte de mariage, etc.)", note Rémy Amsellem.

En 2014, plus de 92 000 titres de séjour ont été délivrés pour motif familial, selon le ministère de l'Intérieur. Quatre titres sur dix concernaient des ressortissants non européens.