Réindustrialisation de la France  : « Ça va prendre des années » pour le patron de Bpifrance

Par latribune.fr  |   |  900  mots
Bpifrance a recensé 113 inaugurations de sites industriels l'an passé, dont 60 provenant de start-up et 58 de PME et ETI innovantes. (Crédits : © Philippe Wojazer / Reuters)
Dans une interview à BFM Business, le directeur général de Bpifrance s'est dit ce lundi « toujours confiant » sur la réindustrialisation en cours de la France, reconnaissant toutefois que cela « va prendre des années ». Pour y arriver, Nicolas Dufourcq préconise plus de foncier, de capitaux, mais aussi davantage d'ingénieurs et d'intelligence artificielle.

C'est « la mère des batailles » du président Emmanuel Macron : la réindustrialisation de la France. Si les derniers indicateurs montrent que le pays commence à accueillir de nouvelles usines, le poids de l'industrie dans le produit intérieur brut et l'emploi industriel du pays demeurent à des niveaux très inférieurs à celui de l'Allemagne ou de l'Italie. Rien d'étonnant pour Nicolas Dufourcq, le directeur général de la banque publique d'investissement Bpifrance.

« On a toujours été lucides (...), on n'a jamais dit que ça serait facile, ça va prendre des années », a-t-il déclaré ce lundi sur BFM Business, s'affichant néanmoins « toujours confiant ».

Plus d'usines...

Selon lui, depuis 2017, l'industrie a créé « à peu près 100.000 emplois », mais il en faudrait « 600.000 de plus » pour parvenir à l'objectif d'une industrie pesant 12% du PIB après 2035, a-t-il observé. « C'est considérable » et il va « falloir redresser un peu la tendance », a-t-il ajouté. « Là, on est grosso modo à plus 1,5% par an. Il faut qu'on monte à plus 3,5% par an », a-t-il constaté, ce qui signifie « plus d'ouverture d'usines ».

« On ouvre beaucoup d'usines innovantes, a-t-il souligné, (mais) des usines pas innovantes continuent de fermer, l'industrie, c'est comme ça, c'est plastique », a-t-il estimé.

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D'après des données publiées jeudi dernier, Bpifrance a recensé 113 inaugurations de sites industriels l'an passé, dont 60 provenant de start-up et 58 de PME et ETI innovantes. Au total ces créations d'usines ont été à l'origine de la création de 7.600 emplois. Une tendance en forte hausse par rapport à 2022, où 35 sites industriels nouveaux avaient été inaugurés.

... mais surtout « plus de tout »

Pour atteindre cet objectif, Nicolas Dufourcq a indiqué qu'il faut « plus de tout ». À savoir « plus de foncier, plus de jeunes qui deviennent ingénieurs, de filles ingénieures, d'ingénieurs dans l'industrie, parce que deux tiers des ingénieurs ne vont pas dans l'industrie, plus de techniciens sortis des BTS, d'intelligence artificielle, de capitaux », a-t-il énuméré, appelant le monde financier à « aller vers une sorte de prise de risque un peu rugissante à l'américaine sur des nouveaux projets industriels ».

Nicolas Dufourcq s'est en outre félicité de la tenue à Paris du salon Global Industrie, qui a démarré ce lundi 25 mars et doit se clore ce jeudi. Au programme : 500 intervenants et 2.300 exposants présentant 3.000 machines. « Une occasion en or d'incarner les choses », selon le directeur général de Bpifrance. « On ne peut pas avoir une industrie fière d'elle-même si on n'a pas un très grand salon », a-t-il observé, soulignant que les Allemands « ont un salon extraordinaire, à Hanovre, qui est à chaque fois une démonstration de puissance ». La « Hanover Messe » (ou « Foire d'Hanovre ») aura, elle, lieu du 22 au 26 avril prochain.

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Reste que, comme l'a rappelé fin janvier l'Académie des Technologies, la réindustrialisation doit se faire « avec les citoyens ». « Il faut une démarche participative, de l'empathie, de l'écoute pour viser une acceptabilité et transformer les inquiétudes en projets adaptés », a déclaré son président, Patrick Peleta, ex-directeur général délégué de Renault. Selon cet organisme, la France a perdu 3 millions d'emplois industriels en 40 ans entre 1975 et 2014 et se situe aujourd'hui à la 22e place sur 27 en taux d'emploi industriel au sein de l'UE.

Les dossiers Atos, Alstom et Stellantis évoqués

Nicolas Dufourcq s'est par ailleurs exprimé sur plusieurs dossiers. Dont celui sur l'avenir du groupe informatique français Atos, très endetté - 3,65 milliards d'euros d'emprunts et obligations à rembourser ou refinancer d'ici fin 2025 - et dont Bpifrance fait partie des actionnaires. Son directeur général a indiqué que si un acheteur majoritaire de la partie stratégique de l'entreprise « souhaitait avoir Bpifrance en minoritaire, on regarderait ». « Mais la BPI ne peut être majoritaire, ça voudrait dire qu'on nationalise. Ce n'est même pas dans notre statut, dans notre mandat. Donc il faut qu'il y ait quelqu'un en face », a-t-il ajouté.

Concernant Alstom, dont Bpifrance est deuxième actionnaire, il y a « un certain nombre d'équilibres bilantiels qu'il va falloir corriger. Je ne peux pas vous en dire plus parce que c'est une entreprise cotée », a indiqué Nicolas Dufourcq. Pour rappel, le groupe ferroviaire, plombé par des difficultés commerciales et financières, a annoncé à l'automne dernier un plan de réduction des coûts avec notamment la suppression de 1.500 emplois, soit 10% des fonctions commerciales et administratives.

Enfin, alors que Bpifrance est également au capital de Stellantis, Nicolas Dufourcq a démenti que l'Italie « soit oubliée » par le constructeur, comme le gouvernement italien l'estime. Le patron de Stellantis, « Carlos Tavares, fait ce qu'il peut pour construire un groupe mondial en tenant compte des compétitivités relatives des différents pays, je pense qu'on peut dire que la compétitivité italienne n'est pas telle qu'on puisse fabriquer en Italie une entrée de gamme électrique », a-t-il cependant ajouté.

Interrogé quant à la rémunération du patron du groupe, qui pourrait atteindre 36,5 millions d'euros pour 2023, Nicolas Dufourcq a indiqué avoir « toujours dit à Carlos Tavares et à la gouvernance de Stellantis », qu'il « s'abstiendrait sur ces questions de rémunération ». « On est arrivé à des niveaux qui sont effectivement à l'américaine, pour un groupe qui est essentiellement américain, mais qui peuvent en effet ne pas être tout à fait compris en Europe », a-t-il conclu.

(Avec AFP)