Les premières pierres des usines de batteries pour voitures électriques sont à peine posées que Xavier Bertrand, le président de la Région Hauts-de-France, veut déjà doubler la mise ! « La décennie 2020-2030 est celle de la transformation, a-t-il déclaré en ouverture de la conférence Transformons la France, organisée par La Tribune à Lille, le 27 novembre. Cela passe en particulier par un pari automobile. Et nous ne nous arrêterons pas à quatre gigafactories comme actuellement, nous passerons à huit dans les années qui viennent. » Après tout, si la région a largement souffert de la désindustrialisation, elle est aussi la première de France en matière de construction automobile...
Dans le cadre de Rev3, la dynamique collective initiée depuis presque dix ans par la Région Hauts-de-France et la Chambre de commerce et d'industrie des Hauts-de-France pour promouvoir une économie durable et décarbonée, les autorités locales ont consenti des efforts financiers substantiels pour attirer des industriels sur les terres nordistes. Avec un succès certain. Ainsi, Automotive Cells Company (ACC), la coentreprise créée par le Groupe PSA et Total, rejoints par Mercedes, pour développer et fabriquer des batteries, a inauguré sa première giga-usine à Billy Berclau/Douvrin, près de Lens, en mai dernier. « Nous avons déjà 450 salariés, et nous en aurons 2 000 en 2030, pour produire 800 000 batteries par an, essentiellement pour Mercedes et Stellantis. L'Europe aura besoin de 9 à 12 millions de batteries par an dans les années à venir, ce qui implique d'implanter environ 25 gigafactories en Europe », indique Matthieu Hubert, secrétaire général d'ACC.
De même, Verkor, une start up grenobloise créée en 2020, a choisi le site de Bourbourg, près de Dunkerque, pour lancer la production de modules et de cellules de batteries électriques. « Nos premières batteries seront pour les Alpines, Renault étant notre partenaire stratégique », précise Sylvain Paineau, cofondateur de Verkor. Opérationnelle en 2025, l'usine devrait équiper un million de voitures électriques d'ici 2030. Enfin, à Douai, le groupe sino-japonais Envision, en partenariat avec Renault, va implanter une usine l'an prochain et prévoit d'équiper 400 000 voitures électriques à horizon 2030, tandis que le Taïwanais ProLogium a choisi le port de Dunkerque pour une gigafactory qui devrait voir le jour en 2026, dans l'objectif d'équiper à terme de 500 000 à 700 000 véhicules électriques par an.
Battery Valley
Au point que déjà, on parle d'une « Battery Valley », avec 20 000 emplois au total à la clé et la création d'un écosystème complet. La Région des Hauts-de-France espère en effet attirer également des sous-traitants en amont et en aval, avec notamment des capacités de recyclage des batteries. A cet égard, les groupes Orano, spécialiste de la valorisation et de la transformation des matières nucléaires, et XTC New Energy, producteur de matériaux de cathodes pour batteries, ont annoncé leur intention de créer deux usines à Dunkerque. Autant d'éléments que ne perd pas de vue Xavier Bertrand, la feuille de route de Rev3 incluant l'économie circulaire.
L'autre défi, la formation
Le rêve des Hauts-de-France est donc bien en passe de se concrétiser. Mais encore faut-il, pour tous ces industriels, qu'ils trouvent les compétences nécessaires à leur déploiement. Et c'est peut-être là le plus grand défi industriel... Si la région est la troisième en France en nombre d'ingénieurs formés dans les 21 écoles établies sur le territoire, il faut sans cesse attirer de nouveaux étudiants, puis s'assurer qu'ils s'y installent pour travailler. « Nous avons encore des difficultés », admet Antoine Macret, directeur de Hauts-de-France Innovation & Développement (HDFID), l'agence qui accompagne les entreprises et les start-up.
Différents dispositifs ont été lancés. Ils vont du tutorat dans les lycées de la région, pour susciter des vocations chez des jeunes issus de la diversité sociale, à des systèmes de mobilité dans les écoles d'ingénieurs, pour offrir un parcours international attrayant, en passant par des appels à projets en matière d'innovation pédagogique. Benoît Robyns, directeur de la recherche par intérim de Junia, une école d'ingénieurs, et vice-président transition énergétique et sociétale de l'Université Catholique de Lille, parie aussi sur l'apprentissage, de plus en plus prisé par les jeunes, à l'inverse des prépas, délaissées, et surtout, sur la co-construction des formations entre établissements d'enseignement et employeurs. « Nous devons travailler davantage ensemble pour nous assurer de l'adéquation des formations par rapport à la demande et éviter les tensions que nous connaissons sur les ingénieurs », confirme Amélie Fenzy, fondatrice et dirigeante de Valeurs & Valeur, un cabinet spécialisé dans le recrutement et la formation.
L'écosystème qui se fait jour en matière de production de batteries pour voitures électriques dans les Hauts-de-France devrait donc avoir son pendant en matière de formation, sous forme, là aussi, d'une nouvelle dynamique collective...
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