Plein emploi, réindustrialisation : Macron presse les hauts fonctionnaires de redoubler d'efforts

Emmanuel Macron a sommé les hauts fonctionnaires d'accélérer « la simplification des démarches administratives, réduire la paperasse, et diminuer le nombre de contrôles ». Dans un discours managérial inspiré du monde de l'entreprise, le chef de l'Etat a voulu redonner du souffle à son quinquennat. Mais le coup de frein de l'économie et la hausse brutale du chômage pourraient compromettre les ambitions de la majorité aux prochaines élections européennes.
Grégoire Normand
Emmanuel Macron a tenu un discours de près d'une heure devant 700 cadres dirigeants de l'État réunis en présentiel à Paris ou en visioconférence.
Emmanuel Macron a tenu un discours de près d'une heure devant 700 cadres dirigeants de l'État réunis en présentiel à Paris ou en visioconférence. (Crédits : Reuters)

Le chef de l'Etat veut redonner un nouveau souffle à son second quinquennat. À quelques mois des élections européennes, Emmanuel Macron multiplie les coups de pression. Après avoir enjoint les ministres de réduire l'écart avec le Rassemblement national (RN), le président de la République a dévoilé une feuille de route particulièrement volumineuse pour les hauts fonctionnaires dans les mois à venir.

Pressé par l'accélération du calendrier électoral, le chef de l'Etat veut éviter une déroute au Parlement européen en juin prochain. Mais les récents sondages montrent que les candidats de la majorité sont en perte de vitesse. Conviés à une grande convention dans le 7eme arrondissement de Paris ce mardi 12 mars, plus de 700 fonctionnaires sont venus écouter les longs discours du chef de l'Etat et du premier ministre Gabriel Attal. « Nous rentrons dans une zone de plus grande turbulence. Nous l'avons encore vu ces derniers mois. C'est pourquoi il nous faut, si je puis dire, redoubler d'efforts », a tonné Emmanuel Macron dans un discours inspiré du monde de l'entreprise. Adoptant un ton managérial, le chef de l'Etat a donné les directives prioritaires et des objectifs aux « cadres dirigeants » de l'Etat dans une prise de parole de près d'une heure.

Plein emploi : l'objectif de Macron s'éloigne

Parmi les grands chantiers évoqués figurent en premier lieu « le plein emploi » et « la réindustrialisation ». « C'est le premier [chantier] parce que si on ne crée pas de richesse, on ne peut pas la distribuer », a affirmé Macron. Frappée par l'inflation et la hausse des taux, l'économie française peine à retrouver le rythme des créations d'emplois de 2021 et 2022. Durant ces années post-covid, la croissance des créations d'emplois a souvent été plus rapide que la croissance du produit intérieur brut (PIB). Mais la fin des aides du « quoi qu'il en coûte » et la remontée des faillites ont changé la donne.

Le prolongement de la politique monétaire restrictive de la BCE au cours du premier semestre risque encore d'asphyxier les entreprises sur le Vieux continent. La plupart des instituts de prévision tablent désormais sur une hausse du chômage en 2024 après une précédente remontée en 2023.

Sur le dossier de la réindustrialisation, les derniers indicateurs montrent que la France commence de nouveau à accueillir des usines. Il reste que le poids de l'industrie dans le produit intérieur brut (PIB) et l'emploi industriel demeurent à des niveaux très inférieurs à celui de l'Allemagne ou de l'Italie. Pour Emmanuel Macron, l'enjeu de réindustrialiser est à la fois économique et politique. De nouvelles hécatombes dans le tissu industriel d'ici à l'été pourraient de nouveau alimenter la colère dans les régions. Et cette exaspération pourrait se traduire dans les urnes.

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Emmanuel Macron promet « une accélération » de la simplification

Le chef de l'Etat et le Premier ministre ont mis l'accent sur la simplification des démarches administratives lors de leurs interventions. « Il faut chercher en permanence à simplifier, simplifier, simplifier », a répété Gabriel Attal. Annoncé au printemps prochain, un comité interministériel de transformation publique (CITP) doit se réunir pour faire des propositions de simplification.

Emmanuel Macron a également beaucoup insisté sur la déconcentration des services de l'Etat. « Il faut mener la déconcentration à son terme : je ne vous lâcherai pas », a prévenu le président. « La bonne maille est le département. Le préfet doit être le pilote de l'ensemble des services publics de l'Etat au niveau départemental car il faut de la simplicité de commandement », a-t-il poursuivi.

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Une nouvelle réforme de la fonction publique avant la fin de l'année

Lors de son allocution, Emmanuel Macron est revenu sur la future réforme de la fonction publique qui « doit arriver avant la fin de l'année »« La réforme a d'abord concerné la haute fonction publique avec la création de l'INSP (Institut national du service public, ex-ENA), la fin du classement de sortie, la fusion des corps », a rappelé le locataire de l'ElyséeL'objectif de la réforme sera « le décloisonnement, la mobilité, les compétences des métiers », a-t-il énuméré. Le gouvernement veut également faciliter les rémunérations au mérite sur le modèle du secteur privé.

Cette proposition a suscité de vives oppositions des syndicats de fonctionnaires attachés au traitement indiciaire de leur rémunération. FO-Fonction publique a par exemple exprimé « son refus de toute notion de rémunération liée au métier et au mérite ». En outre, les centrales syndicales redoutent déjà les conséquences des 10 milliards de coupes budgétaires actées par décret au mois de février. Sur cette enveloppe, 5 milliards d'euros concernent directement les ministères.

Lire aussiAprès les 10 milliards d'euros d'économies en 2024, Bercy vise « au moins » 20 milliards de plus en 2025

Macron compte toujours sur les conseils nationaux de la refondation (CNR)

Critiqué pour sa pratique verticale du pouvoir, Emmanuel Macron a affirmé qu'il fallait « inverser la pyramide »« Avec un maître mot, pour moi c'est le plus important, faire confiance à ceux qui sont au plus près du terrain », a déclaré le quadragénaire.

Reprenant son idée du conseil national de la refondation (CNR), Emmanuel Macron a promis de rendre ces instances systématiques dans le domaine de la santé ou de l'éducation. « Ce n'est pas une perte de temps le CNR, et je parle devant le Haut-Commissaire au Plan (François Bayrou) qui a la responsabilité de la coordination nationale, c'est un gain d'efficacité et de sens ». Malgré les critiques et le départ précipité de l'ancien rapporteur des CNR David Djaïz, Emmanuel Macron veut poursuivre cette pratique dans les années à venir. Un choix qui risque de susciter des doutes dans les administrations.

Lire aussiÀ Bercy, le Conseil national de la refondation encore loin des promesses de Macron

Grégoire Normand
Commentaires 12
à écrit le 13/03/2024 à 12:49
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"réduire la paperasse, et diminuer le nombre de contrôles" voire ne plus rien contrôler du tout ! Il faut que les règles soient plus claires, donc compréhensibles pour éviter que les contrôles ne soient là pour dénicher la faille de mal-compréhensio...

à écrit le 13/03/2024 à 11:43
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La réduction du millefeuille administratif en France est une des propositions majeures relevées dans le cadre de la grande consultation "Ma France 2022". A quand la mise en œuvre de cette réforme avec la suppression des départements et la fusion des ...

à écrit le 13/03/2024 à 9:13
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La culture d'entreprise bouffe la stratégie au petit déjeuner. Et c'est pareil pour l'Etat. Trop gros, trop lourd, trop corseté, trop administré.

à écrit le 13/03/2024 à 8:31
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C'est bien de s'automotiver mais pensez à tout ces GES que vous gaspillez en bavardages inutiles.

à écrit le 13/03/2024 à 8:19
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comme son papa Hollande, c'est un expert en incantations schizophrene......il va exiger des hauts fonctionnaires plein de lois normes et impots pour faire de la souverainete et decreter de l'emploi...la realite, c'est que votre pays n'interesse plus ...

à écrit le 12/03/2024 à 21:30
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Un Haut Fonctionnaire sait-il ce que c'est que l'industrie? On l'apprend, à Sciences Po? Sinon, pour un Haut Fonctionnaire, ce n'est qu'une donnée statistique.

le 13/03/2024 à 8:35
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Il y a des chances qu'ils y connaissent un peu plus en industrie que les charlots d'école de commerce qu'on trouve trop souvent à la tête des entreprises françaises et qui mentent comme des politiciens...

à écrit le 12/03/2024 à 21:25
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Changer la vision de la haute fonction publique en commençant par BERCY, replacer l’état sur les fonctions régalienne et privatiser tout le reste, qui peut le faire ?

le 13/03/2024 à 12:42
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"et privatiser tout le reste" ça l'est déjà partiellement, les cabinets de conseil, c'est privé, souvent ils gèrent les problèmes informatiques de l'Etat (clé en main), l'Etat n'est pas informaticien (comme des robinetiers chez EDF, y en a encore ? N...

le 13/03/2024 à 12:44
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"et privatiser tout le reste" ça l'est déjà partiellement, les cabinets de conseil, c'est privé, souvent ils gèrent les problèmes informatiques de l'Etat (clé en main), l'Etat n'est pas informaticien (comme des robinetiers chez EDF, y en a encore ? N...

à écrit le 12/03/2024 à 19:40
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Est ce bien réaliste de demander à des fonctionnaires de simplifier alors même que leur fonction , ce pourquoi ils ont été formés est de créer des normes et de produire des circulaires et leurs notes explicatives avec les sanctions qui vont avec pou...

le 12/03/2024 à 22:23
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Sans oublier le privé car Hollande avait voulu rendre facultative je ne sais plus quelle démarche pour les TPE, tout de suite le syndicat des commissaires aux comptes avait mis 5000 emplois dans la balance...

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