Le chef de l'Etat veut redonner un nouveau souffle à son second quinquennat. À quelques mois des élections européennes, Emmanuel Macron multiplie les coups de pression. Après avoir enjoint les ministres de réduire l'écart avec le Rassemblement national (RN), le président de la République a dévoilé une feuille de route particulièrement volumineuse pour les hauts fonctionnaires dans les mois à venir.
Pressé par l'accélération du calendrier électoral, le chef de l'Etat veut éviter une déroute au Parlement européen en juin prochain. Mais les récents sondages montrent que les candidats de la majorité sont en perte de vitesse. Conviés à une grande convention dans le 7eme arrondissement de Paris ce mardi 12 mars, plus de 700 fonctionnaires sont venus écouter les longs discours du chef de l'Etat et du premier ministre Gabriel Attal. « Nous rentrons dans une zone de plus grande turbulence. Nous l'avons encore vu ces derniers mois. C'est pourquoi il nous faut, si je puis dire, redoubler d'efforts », a tonné Emmanuel Macron dans un discours inspiré du monde de l'entreprise. Adoptant un ton managérial, le chef de l'Etat a donné les directives prioritaires et des objectifs aux « cadres dirigeants » de l'Etat dans une prise de parole de près d'une heure.
Plein emploi : l'objectif de Macron s'éloigne
Parmi les grands chantiers évoqués figurent en premier lieu « le plein emploi » et « la réindustrialisation ». « C'est le premier [chantier] parce que si on ne crée pas de richesse, on ne peut pas la distribuer », a affirmé Macron. Frappée par l'inflation et la hausse des taux, l'économie française peine à retrouver le rythme des créations d'emplois de 2021 et 2022. Durant ces années post-covid, la croissance des créations d'emplois a souvent été plus rapide que la croissance du produit intérieur brut (PIB). Mais la fin des aides du « quoi qu'il en coûte » et la remontée des faillites ont changé la donne.
Le prolongement de la politique monétaire restrictive de la BCE au cours du premier semestre risque encore d'asphyxier les entreprises sur le Vieux continent. La plupart des instituts de prévision tablent désormais sur une hausse du chômage en 2024 après une précédente remontée en 2023.
Sur le dossier de la réindustrialisation, les derniers indicateurs montrent que la France commence de nouveau à accueillir des usines. Il reste que le poids de l'industrie dans le produit intérieur brut (PIB) et l'emploi industriel demeurent à des niveaux très inférieurs à celui de l'Allemagne ou de l'Italie. Pour Emmanuel Macron, l'enjeu de réindustrialiser est à la fois économique et politique. De nouvelles hécatombes dans le tissu industriel d'ici à l'été pourraient de nouveau alimenter la colère dans les régions. Et cette exaspération pourrait se traduire dans les urnes.
Emmanuel Macron promet « une accélération » de la simplification
Le chef de l'Etat et le Premier ministre ont mis l'accent sur la simplification des démarches administratives lors de leurs interventions. « Il faut chercher en permanence à simplifier, simplifier, simplifier », a répété Gabriel Attal. Annoncé au printemps prochain, un comité interministériel de transformation publique (CITP) doit se réunir pour faire des propositions de simplification.
Emmanuel Macron a également beaucoup insisté sur la déconcentration des services de l'Etat. « Il faut mener la déconcentration à son terme : je ne vous lâcherai pas », a prévenu le président. « La bonne maille est le département. Le préfet doit être le pilote de l'ensemble des services publics de l'Etat au niveau départemental car il faut de la simplicité de commandement », a-t-il poursuivi.
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Une nouvelle réforme de la fonction publique avant la fin de l'année
Lors de son allocution, Emmanuel Macron est revenu sur la future réforme de la fonction publique qui « doit arriver avant la fin de l'année ». « La réforme a d'abord concerné la haute fonction publique avec la création de l'INSP (Institut national du service public, ex-ENA), la fin du classement de sortie, la fusion des corps », a rappelé le locataire de l'Elysée. L'objectif de la réforme sera « le décloisonnement, la mobilité, les compétences des métiers », a-t-il énuméré. Le gouvernement veut également faciliter les rémunérations au mérite sur le modèle du secteur privé.
Cette proposition a suscité de vives oppositions des syndicats de fonctionnaires attachés au traitement indiciaire de leur rémunération. FO-Fonction publique a par exemple exprimé « son refus de toute notion de rémunération liée au métier et au mérite ». En outre, les centrales syndicales redoutent déjà les conséquences des 10 milliards de coupes budgétaires actées par décret au mois de février. Sur cette enveloppe, 5 milliards d'euros concernent directement les ministères.
Macron compte toujours sur les conseils nationaux de la refondation (CNR)
Critiqué pour sa pratique verticale du pouvoir, Emmanuel Macron a affirmé qu'il fallait « inverser la pyramide ». « Avec un maître mot, pour moi c'est le plus important, faire confiance à ceux qui sont au plus près du terrain », a déclaré le quadragénaire.
Reprenant son idée du conseil national de la refondation (CNR), Emmanuel Macron a promis de rendre ces instances systématiques dans le domaine de la santé ou de l'éducation. « Ce n'est pas une perte de temps le CNR, et je parle devant le Haut-Commissaire au Plan (François Bayrou) qui a la responsabilité de la coordination nationale, c'est un gain d'efficacité et de sens ». Malgré les critiques et le départ précipité de l'ancien rapporteur des CNR David Djaïz, Emmanuel Macron veut poursuivre cette pratique dans les années à venir. Un choix qui risque de susciter des doutes dans les administrations.
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