Retraites complémentaires, l'heure des choix se rapproche

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  977  mots
Patronat et syndicats doivent absolument trouver des solutions pour résorber les déficits des régimes de retraites complémentaires des salariés du privé. (Crédits : Reuters)
Vendredi 20 mars, les organisations patronales et syndicales gestionnaires des régimes de retraites complémentaires Arrco (tous les salariés) et Agirc (cadres) se retrouvent pour tenter de trouver des remèdes financiers aux déficits de ces régimes. Les syndicats ne sont pas opposés à de nouvelles ressources alors que le patronat prône un recul de l'âge auquel on peut percevoir une pension à taux plein.

Vendredi 20 mars, les organisations patronales et syndicales gestionnaires des régimes de retraites complémentaires Arrco (ensemble des salariés du privé) et Agirc (cadres) tiennent une nouvelle réunion pour tenter de trouver des solutions aux graves problèmes financiers que connaissent les deux régimes. On connaît les données du problème. L'Agirc a enregistré un "trou" de 1,24 milliard d'euros en 2013. Et, si rien n'est fait, le régime des cadres pourrait avoir épuisé ses réserves financières dès 2018. Pour l'Arrco, la situation est un peu moins urgente. Le régime a accusé un déficit de 405 millions en 2013 et pourrait ne plus avoir de réserves autour de 2025. Au total, les deux régimes couvrent 18 millions de salariés et 12 millions de retraités, y compris les bénéficiaires d'une pension de réversion.

Syndicats et patronat ont donc débuté en février un round de négociations pour trouver des solutions. Leur idée est de boucler les discussions avant l'été prochain. Des réunions sont donc programmées, à ce stade, les 20 mars, 7 avril et 27 mai.


Le Medef propose un train d'économies touchant au montant des pensions

Vendredi prochain, un nouveau tour de table aura lieu pour connaitre les idées des uns et des autres pour augmenter les ressources et effectuer des économies. Le Medef a déjà livré ses recommandations après avoir fait effectuer des projections financières par les services de l'Arrco et de l'Agirc.

L'organisation patronale propose ainsi différents scénarios pour limiter le montant des pensions de réversion qui représentent 15% des dépenses des régimes complémentaires. Selon les pistes choisies, le taux actuel de pension de réversion (60%) serait maintenue (si le premier du couple à partir à la retraite accepte de ne percevoir de son vivant une retraite complémentaire minorée) ou bien serait abaissé à 50%, 40%, voire 33%. Ce qui permettrait, selon les cas, d'économiser entre 100 millions et 300 millions d'euros d'ici 2020.

Des propositions drastiques jugées inadmissibles pour les syndicats. « Ces suggestions remettraient totalement en cause la solidarité entre les affiliés, explique Philippe Pihet chargé des retraites à Force Ouvrière. « Quand un conjoint décède, le survivant doit continuer de payer le loyer et les impôts, qui ne sont pas divisés par deux. Comment voulez-vous faire si une pension de réversion est diminuée à 33% ? ».

D'autant plus que le Medef a d'autres propositions tout aussi saignantes à mettre sur la table. Toujours pour réaliser des économies, il propose de reculer l'âge auquel un salarié peut toucher sa retraite complémentaire (actuellement de 62 ans), à travers des décotes temporaires et dégressive jusqu'à 67 ans. Par exemple, un retraité toucherait 62% de sa retraite à 62 ans puis 68% à 63 ans, puis 76% à 64 ans et ainsi de suite. Selon les calculs du Medef, si une telle mesure était appliquée dès 2017, elle pourrait rapporter 4,3 milliards d'euros en 2020.

Pour FO, le compte n'y est pas : « Toutes les mesures préconisées par le Medef s'appuient sur des efforts demandés aux seuls salariés explique Philippe Pihet. Nous ne pouvons pas entrer dans cette logique. Les efforts doivent reposer sur tout le monde : entreprises, salariés et retraités. En outre, il manque tout le volet ressources dans les propositions du Medef ».

Hausse des cotisations, gel des pensions.. tout est sur la table

De fait, l'organisation patronale qui ne veut absolument pas entendre parler d'une hausse des cotisations retraites complémentaires est très discrète sur la façon de trouver de nouvelles ressources pour l'Agirc et l'Arrco.

Certes, dans le précédent accord de 2013 sur les retraites complémentaires, le patronat a accepté que le prélèvement des cotisations soit mensualisé à compter du 1er janvier 2016 pour les entreprises de plus de dix salariés. Jusqu'ici, le prélèvement était trimestriel. Ceci aura un effet bénéfique sur la trésorerie des deux régimes. « Mais ce n'est pas suffisant, explique Philippe Pihet. Il s'agit surtout d'un juste rééquilibrage des choses puisque cela fait bien longtemps que la mensualisation des cotisations est la règle pour les salariés ».

A l'inverse, la CGT et Force Ouvrière considèrent qu'une éventuelle hausse des cotisations, notamment Agirc, n'est pas un tabou. La CGT se propose même d'inclure l'intéressement et la participation dans l'assiette des cotisations... mais ceci ne pourrait se faire qu'avec l'approbation des pouvoirs publics car les partenaires sociaux, bien que gestionnaires du régime, n'ont pas la faculté à eux seuls de modifier l'assiette des cotisations.
Toujours au chapitre des ressources, Force Ouvrière, par ailleurs, ne refuserait pas forcément une hausse du taux d'appel (hausse de la cotisation qui n'ouvre pas de nouveaux droits). Quant à la CGT, elle a calculé que si l'on parvenait d'ici 2024 à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, on parviendrait à réduire de 46% le déficit de l'Agirc à l'horizon 2040.


Reste l'épineuse question des pensions. Déjà, depuis 2013, leur évolution est quasi gelée avec la décision de limiter leur revalorisation à un montant équivalent à l'inflation annuelle moins un point... Or, l'inflation n'atteint même plus 1% !

Les syndicats, y compris la CFDT, sont, sans trop le dire pour l'instant, résignés à demander un effort aux retraités mais certainement pas un nouveau gel pur et simple des revalorisations.

Une fois encore, les négociations de vendredi s'annoncent donc difficiles. Des discussions qui se dérouleront sous l'œil attentif du gouvernement très soucieux que les partenaires sociaux trouvent une solution pour réduire les déficits des régimes de retraites complémentaires qui entrent en ligne de compte - à l'instar de l'assurance chômage - dans l'appréciation par la Commission européenne du respect de la trajectoire suivie par la France pour réduire son déficit public.