La mobilisation s'essouffle avant le verdict du Conseil constitutionnel

Par latribune.fr  |   |  1301  mots
« Il est clair que la CFDT ne fera pas des manifestations pendant six mois », a déclaré Laurent Berger, le patron du syndicat ce mercredi. (Crédits : Pascal Rossignol / Reuters)
Ce jeudi se tenait la douzième journée d'action contre la réforme des retraites avec une participation en baisse. Une ultime démonstration de force des opposants avant le verdict du Conseil constitutionnel, qui doit décider si le texte est conforme ou non à la Constitution. Quelle que soit la décision des Sages, la mobilisation devrait par la suite changer de forme, ont déjà fait savoir certains syndicats.

[Article publié le jeudi 13 avril 2023 à 09h16 et mis à jour à 16h47]

Pour la douzième fois depuis le 19 janvier, les opposants à la réforme des retraites sont descendus manifester dans la rue ce jeudi 13 avril. Selon le ministère de l'Intérieur, 380.000 manifestants ont défilé en France, dont 42.000 à Paris contre 570.000, dont 57.000 dans la capitale, le 6 avril. C'est la deuxième plus faible mobilisation depuis le début du mouvement après celle du 11 mars (368.000) alors que le plus haut a été atteint le 7 mars avec 1,28 million de manifestants.

La nouvelle secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a de son côté revendiqué « plus d'1,5 million de manifestants », dont 400.000 à Paris, contre deux millions la semaine dernière. « Contrairement à ce qu'espère le gouvernement, le mouvement est loin d'être fini » a-t-elle estimé.

A Toulouse, la police a dénombré 9.000 participants et la CGT 70.000, chiffres les plus faibles depuis le 11 mars, point bas du mouvement social entamé mi-janvier. Dans l'ouest, bastion de la contestation, ils étaient ainsi 10.000 à Nantes selon la police, 25.000 d'après les organisateurs, dans les deux cas au plus bas depuis le 11 mars - date de la plus faible mobilisation au niveau national à ce jour.

Même son de cloche à Rennes, où 6.500 à 15.000 personnes ont défilé, à Rouen (4.500 à 9.000) et au Havre (entre 3.800 et 20.000), où les jauges ont rarement été si basses. La tendance se vérifiait aussi dans le centre, à Orléans (2.700 à 6.000) ou Clermont-Ferrand (6.000 à 10.000) et au sud, de Bayonne (3.000 à 7.000) à Nice (2.700 à 15.000) en passant par Montpellier (5.000 à 10.000).

Pour le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, le combat syndical est « loin d'être terminé », se projetant vers de « grandes manifestations populaires le 1er mai ».

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La CFDT plaide toujours pour un « délai de décence »

« Contrairement à ce qu'espère le gouvernement, le mouvement est loin d'être fini », a renchéri à ses côtés la numéro un de la CGT Sophie Binet. « Le Conseil constitutionnel va statuer demain, nous comptons sur la sagesse des juges (...) pour ne pas valider cette loi en l'état et après ce sera la responsabilité du président de la République », a-t-elle poursuivi.

Sur la rencontre avec le chef de l'Etat, Laurent Berger a plaidé pour un « délai de décence », notant qu'il y a d'autres voies de sortie, comme le recours à l'article 10 pour permettre de proposer au Parlement une nouvelle délibération. « On va d'abord lui laisser les 15 jours de réflexion pour demander une nouvelle délibération ou décider de ne pas appliquer la loi », a abondé Frédéric Souillot (FO).

Environ 5% du personnel de l'Education nationale était en grève ce jeudi dans les académies qui ne sont pas en vacances, a indiqué le ministère de l'Education en fin de matinée. Pour les seuls enseignants, le ministère a recensé 4,13% de grévistes dans le premier degré (écoles maternelles et élémentaires) et 5,19% dans le secondaire (collèges et lycées).

Perturbations moindre ce jeudi

Côté transports, la SNCF prévoit des perturbations un peu plus faibles que la semaine dernière, avec 3 TER sur 5 et 4 TGV sur 5, mais seulement 1 train Intercités sur 5. En région parisienne, le trafic du métro et des RER devrait être légèrement perturbé, selon la RATP. Le trafic sera quant à lui normal pour les bus et tramways.

Dans les airs, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) demande aux compagnies aériennes de renoncer à 20% de leurs vols dans les aéroports de Nantes, Bordeaux et Toulouse.

Dans l'énergie, des reprises du travail et des levées de blocage ont eu lieu dans les raffineries bloquées par le conflit depuis une semaine, mais de nouveaux appels à la grève ont été lancés pour ce jeudi.

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Du côté des déchets, la CGT de la filière déchets et assainissement de Paris a appelé à un nouvel appel à la grève reconductible à partir de ce jeudi. Un « acte 2 » de la mobilisation des éboueurs qui, en mars, avait particulièrement été suivie avec jusqu'à 10.000 tonnes de déchets ménagers restées sur la chaussée.

« Ce n'est pas le dernier jour de mobilisation, on va se revoir encore beaucoup », a asséné en tout début de journée la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, depuis l'incinérateur d'Ivry-sur-Seine, près de Paris, à nouveau bloqué.

Les universités restent un point chaud de la mobilisation. Mercredi matin, plus d'une douzaine de sites universitaires à Paris ont été bloqués par des protestataires.

Les décisions du Conseil constitutionnel plus qu'attendues

L'exécutif et les opposants à la réforme attendent les décisions du Conseil constitutionnel, prévues vendredi en fin de journée. L'institution doit décider si la réforme est conforme ou non à la Constitution. Les Sages ont plusieurs options devant eux : la censure totale ou partielle de la réforme, un feu vert à la procédure d'un référendum d'initiative partagée (RIP), chère à la gauche.

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Partisans comme opposants au texte s'attendent pour la plupart à ce qu'au moins quelques mesures soient retoquées, comme l'index seniors. Le rejet de mesures de ce type serait un moindre mal pour l'exécutif, pour qui l'essentiel est que soit validé juridiquement le cœur du texte : le recul de l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, qui cristallise et fédère la contestation.

Depuis Amsterdam, où il est en visite, Emmanuel Macron a promis aux syndicats ce mercredi un « échange qui permettra d'engager la suite et de tenir compte » du verdict du Conseil. « Le pays doit continuer d'avancer », a affirmé le chef de l'État. « J'engagerai, pour tout ce qui les concerne, les partenaires sociaux à pouvoir revenir - je sais que la période gardera encore les traces des désaccords du moment - mais je le ferai avec l'esprit de concorde et la volonté d'engager la suite, quelle que soit la décision » des Sages.

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Le patron de la CFDT, Laurent Berger, suggère qu'en cas de censure partielle, le président de la République utilise l'article 10 de la Constitution pour permettre de proposer au Parlement une nouvelle délibération.

Mue à venir de la mobilisation

Est-ce qu'une validation complète du texte par le Conseil constitutionnel signerait la fin du mouvement de contestation ? « On le décidera ensemble », avec l'intersyndicale, a fait savoir Laurent Berger. Et de préciser : « Mais il est clair que la CFDT ne fera pas des manifestations pendant six mois ».

Un avis partagé par le premier syndicat de l'enseignement, comme l'a expliqué le secrétaire général de la FSU ce mercredi. « De grosses journées d'action comme demain (ndlr : aujourd'hui), ça va devenir compliqué. On va entrer dans un rythme différent », a précisé Benoit Teste. « Si la loi est validée, ainsi que le référendum d'initiative populaire, on pourra s'engager sur une campagne, continuer la mobilisation sous des formes adaptées ».

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Parmi les hypothèses envisagées par les états-majors syndicaux pour la suite du mouvement, des manifestations unitaires pour le 1er mai, voire une vaste manifestation à Paris, qui rassemblerait les opposants de toute la France. L'intersyndicale doit en tout cas se réunir ce jeudi soir hors de la présence de la presse, selon des sources concordantes, pour préparer sa réaction aux décisions du Conseil constitutionnel.

(Avec AFP)