
Sophie Binet, la nouvelle secrétaire générale de la CGT, a eu droit à ses applaudissements. Dans le carré de tête de la manifestation parisienne, celle qui a succédé à Philippe Martinez a pris place, tout sourire, aux côtés de Laurent Berger de la CFDT et des autres organisations. Pour montrer que la division que certains attendent n'était pas à l'ordre du jour.
Essoufflement et lassitude
Néanmoins, pour cette onzième journée de mobilisation ce jeudi 6 avril, le mouvement s'est essoufflé. Les grévistes étaient moins nombreux - à peine 8 % dans l'enseignement primaire-, les défilés moins fournis avec 400.000 personnes à Paris selon la CGT (57.000 selon la préfecture), soit moins que les journées d'action précédentes. Signe que les Français n'arrivent plus à suivre financièrement - les débrayages coûtent cher- , mais aussi qu'ils se lassent.
Surtout, la mobilisation a été une nouvelle fois émaillée de heurts et d'incidents. À Lyon, des boutiques ont été vandalisées. À Paris, le restaurant La Rotonde, où Emmanuel Macron avait fêté sa qualification pour le second tour de la présidentielle en 2017, a été, de nouveau, pris pour cible par des manifestants, notamment des black blocs. Les forces de l'ordre ont dû intervenir pour éteindre un départ d'incendies.
Dans ce contexte tendu, les leaders syndicaux cherchent comment redonner un coup de fouet à la contestation, sans qu'elle ne dégénère. Pas simple alors que le calendrier est une nouvelle fois percuté par les vacances scolaires de Printemps. Et que la rencontre qui s'est tenue la veille à Matignon n'a rien donné. Chacun est resté campé sur ses positions.
Une nouvelle journée d'action
Pour en décider, l'intersyndicale s'est réunie ce jeudi soir, comme elle le fait traditionnellement depuis 3 mois, après chaque journée d'action contre la réforme. Cette fois, c'est au siège de Force ouvrière que les discussions se tenaient. Une nouvelle date de mobilisation a ainsi été actée, jeudi 13 avril, veille du rendu de l'avis du Conseil constitutionnel sur la réforme. Cette nouvelle journée est, selon les syndicats, une façon de maintenir la pression sur le gouvernement.
Reste à savoir si la décision du Conseil constitutionnel changera vraiment la donne, surtout si l'institution des Sages ne retire que quelques dispositions du texte ? La CGT continuera probablement à vouloir se mobiliser, Sophie Binet pariant sur un scénario comme le CPE, le contrat première embauche. En revanche, que fera la CFDT, d'ordinaire si légitimiste ? Un débat pourrait intervenir au sein de l'intersyndicale sur la conduite à suivre.
De son côté, Emmanuel Macron a néanmoins laissé entendre, via son entourage, qu'il pourrait recevoir l'intersyndicale, mais seulement après le rendu du Conseil constitutionnel. Une rencontre qui risque d'avoir des allures de ring de boxe tant l'animosité entre Laurent Berger, devenu le leader de la contestation, et le chef de l'Etat est élevée. Hier encore, le président et le syndicaliste se répondaient par médias interposés, alors même qu'Emmanuel Macron est en déplacement en Chine.
Rendez vous pris le 1er mai
En attendant, les syndicats regardent surtout vers la mobilisation du 1er mai, journée nationale des travailleurs. Habituellement, la CFDT organise ses événements de son côté, quand la CGT manifeste de l'autre. Cette année, tous les chefs de file de l'intersyndicale pourraient défiler ensemble, ce qui serait un symbole fort...Et une première depuis 2009. Ce 1er mai devrait s'organiser dans une ville moyenne, pour rappeler l'implication des territoires dans ce mouvement.
Le RIP
Un espoir, enfin, traverse aussi l'intersyndicale : que le Conseil constitutionnel valide la demande de Référendum d'Initiative Partagée, le RIP. Dans ce cas, à charge pour les centrales de réunir les signatures nécessaires ( 5 millions) en quelques mois. Mais, ce RIP prendrait du temps, avec le risque que les Français passent à autre chose, et finalement se rangent derrière l'adoption du texte, dont près de 80 % se disent néanmoins toujours opposés.