Retraites : les opposants marchent de nouveau, le gouvernement avance au pas de charge

Par Bertille Ossey-Woisard, AFP  |   |  762  mots
L'avis du Conseil d'État a donné des arguments aux opposants à la réforme. (Crédits : Reuters)
Ragaillardis par la mise en garde sévère du Conseil d'État concernant le projet de réforme des retraites, les opposants se retrouvent dans la rue, ce mercredi, à l'occasion de la 8e journée de mobilisation interprofessionnelle. Les discussions dans l'Hémicycle doivent quant à elles démarrer le 17 février prochain.

Les syndicats organisent, ce mercredi, la huitième journée nationale interprofessionnelle d'une mobilisation qui marque le pas contre la réforme des retraites, la mise en garde sévère du Conseil d'État n'ayant pas ébranlé la détermination de l'exécutif.

Cette journée de manifestations intervient alors que les deux projets de loi, l'un organique, l'autre ordinaire, ont démarré leur parcours à l'Assemblée nationale après leur adoption vendredi en conseil des ministres. Les discussions dans l'Hémicycle doivent démarrer le 17 février.

Les opposants au texte, qui avaient déjà mobilisé dans la rue vendredi (entre 249.000 personnes selon le ministère de l'Intérieur et 1,3 million selon la CGT) ont été ragaillardis par la publication vendredi d'un avis particulièrement critique du conseil d'État, qui a regretté ne pas avoir eu le temps de "garantir au mieux la sécurité juridique" du projet de réforme. La plus haute juridiction administrative française a critiqué le recours à 29 ordonnances qui font "perdre la visibilité d'ensemble", et a pointé des projections financières "lacunaires".

"Un choix assumé du gouvernement" d'écrire "au fur et à mesure que les concertations aboutissent", a défendu Agnès Buzyn, la ministre de la Santé.

Édouard Philippe, interpellé à plusieurs reprises mardi à l'Assemblée, a de nouveau défendu la réforme et son étude d'impact, "très complète". "Je n'ai jamais pensé que cette réforme serait simple car le sujet est effectivement compliqué", a reconnu le Premier ministre.

Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, pourtant favorable à un système universel des retraites par points, a regretté le "biais" de cette étude qui se base sur un âge d'équilibre à 65 ans. "On demandait des chiffres depuis des mois et des mois. Là, on en a et ils sont très contestables", selon lui.

"Amateurisme"

L'avis du Conseil d'État a donné des arguments aux opposants à la réforme. "Cela fait des mois que l'on dit que le gouvernement s'apprête à faire passer une réforme floue, non fondée et seulement argumentée par le besoin de faire des économies", a réagi lundi dans l'Humanité Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Pour son homologue de Force ouvrière, Yves Veyrier, "le gouvernement ne maîtrise absolument pas son sujet".

Les deux dirigeants mènent la fronde contre la réforme depuis le 5 décembre, avec Solidaires, la FSU et des organisations de jeunesse (Unef, MNL, UNL), à l'origine de cette huitième journée de grèves et manifestations. Cette fois, la CFE-CGC ne s'associe pas à la mobilisation.

Côté politique aussi, les parlementaires de l'opposition montent au créneau. Quatre groupes d'opposition (LR, PS, LFI et PCF) ont demandé une saisine du Conseil constitutionnel au sujet de l'étude d'impact, jugée "incomplète et insincère".

Les députés communistes ont présenté un contre-projet, prévoyant une baisse de l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans. Et des députés LR ont demandé "un nouveau et vrai projet de loi", dénonçant la "précipitation" et l'"amateurisme" du gouvernement.

Quant au Sénat, à majorité de droite, il a demandé la levée de la procédure accélérée.

Des actions prévues jeudi et vendredi

Mais les grèves s'essoufflent, voire s'arrêtent, y compris dans les transports, fers de lance du mouvement. Le trafic RATP et SNCF sera ainsi "quasi normal" mercredi.

Restent notamment les ports et docks, qui appellent à une grève de 24 heures. Et dans le secteur des déchets, la CGT Energie a reconduit jusqu'au 3 février l'arrêt des trois usines d'incinération parisiennes décidé jeudi dernier, obligeant le Syctom, qui traite les déchets de 6 millions de Franciliens, à "gérer au jour le jour" avec d'autres centres le traitement de 6.000 tonnes d'ordures.

Cette nouvelle journée intervient à la veille de l'installation par Édouard Philippe de la conférence de financement, au sein de laquelle les partenaires sociaux doivent réfléchir d'ici fin avril à des moyens pour garantir l'équilibre financier du système de retraites d'ici 2027.

L'intersyndicale se réunit mercredi soir pour décider de la suite du mouvement, mais des actions sont déjà prévues jeudi et vendredi.

De leur côté, les syndicats de pompiers professionnels ont annoncé mardi soir la fin de leur mobilisation après des annonces du ministère de l'Intérieur portant notamment sur le maintien de leur système de retraite.