Revalorisation : les médecins libéraux appellent à la grève durant la trêve des confiseurs

Par latribune.fr  |   |  1268  mots
Des médecins libéraux devraient encore se mettre en grève entre le 26 décembre et le 2 janvier (Crédits : Reuters)
Plusieurs collectifs dont « Médecins pour demain » appellent les médecins libéraux à faire grève et ne pas recevoir de patients entre ce lundi 26 décembre et le lundi 2 janvier, dans le but d’obtenir une revalorisation des tarifs de leurs consultations de 25 à 50 euros. Un manque de médecins potentiel, pendant les fêtes, qui augmente la pression sur les hôpitaux déjà mis à mal suite à la crise du Covid-19.

Y'aura-t-il des médecins après noël? C'est la question que pose le nouvel appel à la grève lancé ce lundi matin par plusieurs collectifs de professionnels de santé. Nombre de médecins libéraux devraient fermer leurs cabinets entre le lundi 26 décembre et le lundi 2 janvier, juste après le réveillon du nouvel an.

Les collectifs de médecins réclament un doublement du tarif de consultation de base qui passerait alors de 25 à 50 euros. Une revalorisation des revenus des professionnels libéraux qui devrait, d'après les collectifs interrogés, créer un « choc d'attractivité » vers une médecine de ville en manque criant d'effectifs. D'après eux, les jeunes soignants ne seraient plus attirés par la médecine généraliste faute de revenus suffisants et d'une trop forte quantité de tâches administratives.

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A l'origine de ce mouvement social, la proposition du gouvernement d'autoriser les infirmières en pratique avancée (IPA) à prescrire des soins pour lutter contre le manque de médecins. Les libéraux s'inquiètent aussi pour leur liberté d'installation, remise en question par des propositions de loi sur les déserts médicaux. « C'est l'ultime cri d'alarme des médecins libéraux devant l'effondrement du système de sante dans sa globalité », a déclaré Noëlle Cariclet Porte-parole de « Médecins pour demain », ce lundi sur franceinfo. Cette psychiatre francilienne a déploré que les praticiens soient « contraints de fermer leurs cabinets pour se faire entendre ».

« Médecins pour demain », l'un des collectifs les plus présents dans cette campagne de mobilisation s'est fait connaître en organisant une vague de retraits de professionnels libéraux massive les 1er et 2 décembre. Lors de cette première grève, l'activité des médecins généralistes avait baissé de 30% selon l'Assurance maladie. Suite au succès de ce premier appel, le collectif avait alors annoncé une nouvelle grève entre Noël et le jour de l'an, appel qu'il a maintenu depuis, avec le soutien de certains syndicats (UFML, FMF, SML, Jeunes Médecins).

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Situation critique pour les hôpitaux

Une grève importante, qui tombe mal pour le système médical français. « Cela me semble une très mauvaise période pour ne pas répondre présent face aux besoins de soins de la population », a fait valoir la directrice générale de l'Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France, Amélie Verdier. « On n'est pas au bord de la saturation, nous sommes totalement saturés », a alerté vendredi sur BFMTV l'urgentiste parisien Patrick Pelloux. « Du jamais vu » selon lui, même au plus fort de la crise du Covid-19. Le système hospitalier fait en effet face à une triple menace. La diffusion à haut niveau du coronavirus mais aussi une épidémie de bronchiolite aiguë chez les nourrissons et de grippe particulièrement forte chez les personnes âgées, en plein hiver.

Résultat, dans de nombreux centres de santé, partout en France, la situation est très tendue. « On ne voit que les patients graves », indique à l'AFP Emmanuelle Seris, cheffe des urgences du centre hospitalier de Sarreguemines en Moselle. « La situation n'est plus tenable, elle est dangereuse pour les patients et pour les soignants », ajoute cette déléguée Grand Est du syndicat d'urgentistes Amuf. Sapeur-pompier à Strasbourg, Cédric Hatzenberger évoque l'attente interminable des malades dans les véhicules de secours avant qu'ils puissent être admis aux urgences. « Depuis les vacances de la Toussaint, c'est une véritable catastrophe (...) On peut aisément être à deux ou trois heures d'attente sur le parking des urgences, et c'est arrivé que ça aille jusqu'à cinq heures », résume ce syndicaliste FO.

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Les responsables du système médical tente de convaincre les médecins de revenir au travail. Amélie Verdier a lancé « un appel solennel aux libéraux, au secteur privé pour qu'il y ait une mobilisation de tous pour soulager les hôpitaux ». De son côté, le ministre de la Santé, François Braun, parle d'une « espèce d'union sacrée ». L'ancien urgentiste n'a pas caché son inquiétude, prédisant une situation « encore plus compliquée la semaine prochaine (et) un cap extrêmement difficile à passer ».

Mais ces appels n'ont pas fait renoncer « Médecins pour demain ». La mobilisation « sera un peu moindre, ne nous voilons pas la face, mais malgré tout conséquente », a prédit la fondatrice de « Médecins pour demain », Christelle Audigier, qui se projette déjà vers la manifestation nationale prévue à Paris le 5 janvier.

Néanmoins, plusieurs des principaux syndicats (MG France, la CSMF et Avenir Spé) n'appellent pas à fermer les cabinets durant les fêtes. Ils estiment que les négociations avec l'Assurance maladie, faisant suite aux grèves, ont déjà produit des « avancées ». Si nécessaire, les ARS pourront procéder à des réquisitions de grévistes. L'un des meneurs du mouvement, Jérôme Marty (UFML), temporise: « Si la demande est forte en raison de la circulation virale, nous prendrons quelques patients ».

A noter, cette grève tombe en plein milieu de négociations avec l'Assurance maladie, en vue d'un accord pour les cinq prochaines années avec la profession. Certains en profitent pour faire monter les enchères, comme l'UFML qui a estimé lundi dans un communiqué que « l'investissement doit être à la hauteur du besoin », soit « 6 à 10 milliards par an ».

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Les syndicats et le gouvernement à la recherche de solutions

Face à cette grève et aux tensions dans le secteur hospitalier en général, Marc Noizet, à la tête du syndicat Samu-Urgences de France, appelle l'Etat « à déclencher une réponse nationale exceptionnelle, de type "plan blanc" », à l'échelle de l'Hexagone. Un tel dispositif imposerait des mesures d'organisation drastiques, avec notamment un report de congés. En Île-de-France, la patronne de l'ARS écarte pour le moment un tel plan, relevant que « les établissements de santé ont souhaité que les soignants puissent prendre des congés bien mérités ».

Une autre solution a été proposée par cette dernière. Les samedis matins des 24 et 31 décembre seront rémunérés comme des « permanences de soin ambulatoire » (PDSA) pour favoriser la prise de gardes en médecine de ville. Face à des permanences mieux rémunérées, des centaines d'étudiants en santé devraient venir renforcer les services hospitaliers. En outre, des solutions ont été trouvées pour des patients précaires ou âgés ne nécessitant plus d'hospitalisation, afin de libérer des lits, selon l'ARS.

Au-delà de décisions conjoncturelles, des mesures de long terme sont attendues. Un collectif de plus de 5.000 médecins, soignants et agents hospitaliers a notamment exigé cette semaine un horaire défini et un ratio maximal de patients par infirmière. Autrement dit, les professionnels appellent le gouvernement à embaucher « environ 100.000 infirmières » sur trois ans pour désengorger les hôpitaux.

François Braun a redit jeudi soir qu'il reverrait « dès janvier (l'offre de soins), territoire par territoire », sur la base des travaux du Conseil national de la refondation (CNR). Il a promis de « prendre à bras le corps le système de santé pour le réformer ».

(Avec AFP)