Taxation des CDD : le débat va rebondir !

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1043  mots
Une surtaxation des contrats courts sera au cœur des nouvelle négociations sur l'assurance chômage qui vont être relancées. Le Medef de Pierre Gattaz a en effet accepté de rouvrir les négociations.
Le Medef accepte de ré-ouvrir la négociation sur l'assurance chômage. mais il sait que la question d'une surtaxation des contrats courts sera au cœur des discussions.

Et c'est reparti pour un nouvel épisode sur l'assurance chômage. Ce lundi 13 février, les 45 membres du conseil exécutif du Medef ont décidé non sans mal de donner mandat à leur négociateur, Alexandre Saubot, « patron » du pôle social du Medef et, par ailleurs, détail important, président de l'UIMM (patronat de la métallurgie), pour reprendre la négociation avec les syndicats sur une réforme de l'assurance chômage. Les syndicats de salariés, eux, sont demandeurs et se prononceront officiellement mercredi 15 février.

vers une sur-cotisation chômage pour les CDD?

Pour le patronat, le choix était délicat, car s'il acceptait de reprendre les discussions après l'échec de la négociation précédente en juin 2016, il savait que l'idée de surtaxer - majoration de la cotisation patronale d'assurance chômage - les contrats courts serait au cœur des débats. En effet, pour les syndicats c'est « Le » dossier qui permettrait de rétablir les finances dégradées de l'Unedic, l'organisme paritaire qui gère l'assurance chômage. Globalement, l'Unedic affiche un déficit annuel de près de 4 milliards d'euros et traine une dette cumulée de 30 milliards d'euros.

La taxation des contrats courts est une demande récurrente des syndicats depuis près de quinze ans à chaque renégociation de la convention d'assurance chômage. Elle a fini par être partiellement mise en place en 2013. Très concrètement, alors que le taux « normal » de cotisation à l'assurance chômage est globalement de 6,40% (part employeur : 4% et part salarié 2,40%), depuis juillet 2013, une majoration de trois points est applicable sur la part employeur pour les CDD de moins d'un mois, de 1,5 point pour les CDD entre un et 3 mois et de 0,5 point pour les « CDD d'usage ». L'intérim a obtenu d'être exonéré de cette majoration en échange de la création d'un « CDI intérim », ce qui a été fait. Mais, in fine, cette première surtaxation n'a pas eu les résultats escomptés en raison des très nombreux cas d'exonération. Résultat, selon l'Unedic, moins de 100 millions d'euros supplémentaires seraient rentrés dans les caisses de l'assurance chômage et le nombre des contrats courts a continué d'exploser. Ainsi, le nombre de CDD de moins d'un mois est passé de 3,6 millions avant la réforme à 4,1 millions deux ans après la réforme, soit une hausse de plus de 11 %. Et les CDD de moins d'un mois représentent environ 80 % de l'ensemble des CDD.

FO évoque un "bonus-malus"

Aussi, les syndicats proposent diverses solutions. Force Ouvrière imagine un « bonus-malus », avec la fixation d'un taux de recours aux CDD et à l'intérim et la baisse de la cotisation patronale d'assurance chômage en deçà de ce taux, et une augmentation au-delà. Concrètement, la part patronale de cotisation pourrait aller jusqu'à 10% et le taux «normal » de contrats précaires varierait selon la taille de l'entreprise : 20 % pour les entreprises de moins de 10 salariés, 15 % entre 10 et 200 salariés et 11 % au-delà de 200 salariés. La CGT propose aussi un taux de taxation variable selon la taille de l'entreprise qui emploie des contrats courts. Quant à la CFDT et la CFTC, elles avancent une autre idée même si le but recherché est le même. Pour elles, il s'agirait d'instaurer une cotisation d'assurance chômage dégressive sur tous les contrats (CDD et CDI. Concrètement, la cotisation baisserait au fur et à mesure de la progression de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise jusqu'à un taux plancher.

A noter que des économistes préconisent aussi une sorte de « bonus-malus » comme cela se pratique d'ailleurs aux Etats Unis. Ainsi, dans une note publiée sous l'égide du Conseil d'analyse économique, Pierre Cahuc et Corinne Prost avancent l'idée que chaque entreprise devrait disposer d'un compte qui enregistre ses cotisations et les sommes versées aux demandeurs d'emploi provenant de cette entreprise. Le taux de cotisation serait alors modulé selon le solde du compte : il croît lorsque le rapport entre les cotisations et les sommes versées diminue, et inversement.

Pour les auteurs, ce système aurait le mérite de responsabiliser les entreprises en modulant les cotisations patronales à l'assurance chômage en fonction du coût induit par l'entreprise pour l'assurance chômage. En effet, ils constatent que :

« Lorsque les cotisations pour l'assurance chômage ne dépendent que du salaire, les entreprises qui utilisent beaucoup d'emplois courts infligent un coût à l'assurance chômage, parce qu'elles cotisent peu par rapport aux dépenses qu'elles génèrent du fait des indemnités versées à leurs salariés devenus demandeurs d'emploi ».

Un débat très politique

Le débat est donc relancé. Mais il était difficile de connaitre à l'avance la position du Medef, tant il existe des dissensions internes. Si la métallurgie (UIMM), qui utilise peu de CDD préférant recourir à l'intérim, était prête à lâcher un peu de lest pour parvenir à un nouvel accord sur l'assurance chômage, ce n'était pas le cas du Groupement des professions de service (GPS), qui regroupe 25 fédérations patronales (hôtellerie-restauration, banque-assurance services informatiques, etc....) grand pourvoyeur de CDD. Finalement donc, Alexandre Saubot a obtenu son mandat. Mais il n'est pas très clair, à ce stade. En effet, dans un communiqué, si le Medef accepte de reprendre les discussions, il ne veut pas entendre parler d'un "surenchérissement" du coût du travail. Bref, pas question,  à ce stade, de dire que le Medef lâche sur une éventuelle surtaxation des CDD, il faudra attendre l'avancée des négociations.

La question a également, bien entendu, une dimension politique. Devant la menace de nationalisation de l'Unedic avancée par certains candidats à la présidentielle, tel Emmanuel Macron, des syndicats comme la CFDT mais aussi une partie du patronat veulent montrer que les partenaires sociaux sont capables de gérer et de trouver des solutions pour réduire les déficits sans que l'Etat s'en mêle. Mais d'autres franges du patronat ne verraient pas d'un mauvais œil d'être débarrassées du « fardeau » de la gestion de l'Unedic. C'est donc en fait la question du paritarisme à la française qui est posée.