« Taxe lapin » : comment le gouvernement veut sanctionner les rendez-vous médicaux non honorés

Par Margot Ruault  |   |  1102  mots
Le gouvernement a décidé de s'attaquer aux patients qui n'honorent pas leurs rendez-vous médicaux et ne préviennent pas à l'avance. (Crédits : DR)
Le gouvernement s'attele aux poseurs de lapins, ces patients qui n'honorent pas leur rendez-vous et ne préviennent pas les médecins à l'avance. Mais concrètement, de quoi aura l'air cette « taxe lapin » annoncée ce week-end par Gabriel Attal ?

La chasse aux poseurs de « lapins » est ouverte. Le gouvernement a décidé de s'attaquer aux patients qui n'honorent pas leurs rendez-vous médicaux et ne préviennent pas à l'avance. Un fléau qui ferait perdre près de 27 millions de consultations chaque année, d'après l'Ordre des médecins.

« On ne peut plus se le permettre », a notamment déclaré le Premier ministre dans un entretien paru dans plusieurs titres de presse régionale ce week-end. Gabriel Attal indique vouloir taxer ces poseurs de lapins d'une pénalité de cinq euros pour chaque rendez-vous raté, afin de permettre aux Français de trouver plus facilement un rendez-vous dans les meilleurs délais. Il espère ainsi récupérer 15 à 20 millions de créneaux médicaux. Par ailleurs, cette taxe, que le ministre souhaite mettre en place via un texte de loi, s'inscrit dans un panel de mesures plus larges annoncé samedi pour pallier à la crise du système de soins de ville et à son désengorgement.

Ce n'est pas la première fois que l'exécutif planche sur une telle proposition. Mi-novembre, le Sénat avait déjà adopté ce principe de pénaliser les patients qui ne se rendaient pas à leur rendez-vous. Et Gabriel Attal avait, qui plus est, annoncé sa volonté de mettre en place cette taxe lors de sa déclaration de politique générale.

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Comment va se matérialiser cette taxe ?

Le gouvernement souhaite que cette « taxe lapin » soit mise en place à partir du 1er janvier 2025, notamment sur les plateformes de rendez-vous tels que Doctolib. Un patient qui n'est pas allé à son rendez-vous et qui n'a pas prévenu moins de 24 heures à l'avance devra donc sortir cinq euros de sa poche.

Concrètement, « les patients laisseront leurs coordonnées bancaires en passant par les plateformes », a indiqué ce matin au micro de Franceinfo, Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention. Ce sera ensuite aux médecins de signaler le lapin, le cas échéant. Et ce sera donc à sa libre volonté de percevoir ou non les cinq euros. « L'objectif n'est pas de générer de nouveaux revenus mais de faire respecter les rendez-vous », tempère le ministre.

« Les médecins se plaignent de 2 voire 3 lapins par jour. On peut annuler un rendez-vous mais ne pas l'honorer c'est bloquer l'accès à quelqu'un qui en aurait besoin », achève-t-il.

Et pour les patients et médecins qui n'utilisent pas de plateformes comme Doctolib ? S'ils le souhaitent, les médecins pourront demander les coordonnées bancaires aux patients qui téléphonent pour des rendez-vous et les secrétaires pourront les enregistrer, précise le ministre.

« De nombreux médecins ont des secrétariats qui appellent pour confirmer les rendez-vous », complète de son côté au micro de RTL Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, « si la personne a confirmé son rendez-vous, le médecin pourra toujours lui redemander cinq euros quand il le reverra ». Une fois encore, c'est au médecin de décider ou non s'il souhaite collecter ces cinq euros en cas de lapin. « La santé a un coût [...] c'est dommage d'en arriver là mais cela procède de la nécessité de responsabiliser chacun », conclut-elle.

Concernant certaines exceptions, comme les patients qui bénéficient de la complémentaire santé solidaire ou CMU et qui ne payent donc pas lors de leur passage chez le médecin, le gouvernement doit encore dessiner les contours de l'application de la règle, et délimiter qui est concerné ou non, énonce Frédéric Valletoux.

« Le principe est posé, le calendrier est posé, maintenant nous allons travailler avec les syndicats de médecins, les associations de patients et les plateformes », spécifie-t-il.

La plateforme Doctolib ouverte pour lutter contre les lapins

A l'heure actuelle, les patients peuvent annuler jusqu'à quatre heures avant leur rendez-vous sur Doctolib. Un chiffre qui peut varier selon les spécialistes. Ainsi, il descend à deux heures pour les ophtalmologues, gynécologues, dentistes ou encore cardiologues et à une heure pour les médecins généralistes, pédiatres, dermatologues, ORL et radiologues. En février 2023, la part de « pas venu, pas prévenu », comme les appelle la plateforme était de 4,5% pour les médecins spécialistes et allait même jusqu'à 6,2% pour les dentistes. Pour certains spécialistes, les annulations qui avaient lieu moins de 48 heures avant le rendez-vous étaient difficiles à remplacer. Ainsi, le taux de remplacement n'était que de 25% pour les psychologues mais allait jusqu'à 76% pour les généralistes et pédiatres.

Doctolib a indiqué avoir découvert les annonces de Gabriel Attal hier dans la presse. « Nous n'avons pour l'heure pas d'information sur leurs implémentations », a commenté la plateforme. Cette dernière rappelle que depuis 10 ans elle met en place différentes mesures pour lutter contre ces « rendez-vous non honorés ». Elle se dit ainsi « à la disposition des soignants, des patients et des pouvoirs publics pour travailler sur tout nouveau dispositif permettant d'améliorer l'accès aux soins ». Elle indique néanmoins l'importance que ce projet n'entrave pas « l'accès à la prise de rendez-vous pour les personnes déjà éloignées du système de soins », comme celles ne possédant pas de cartes bancaires ou celles en situation d'illectronisme.

Clivage sur la taxe

Néanmoins, les acteurs du secteur ne sont pas tous satisfaits de cette mesure. « Il faut regarder les causes plutôt que de culpabiliser et sanctionner les personnes qui n'avertissent pas de leur non-venue à des rendez-vous », pointe Gérard Raymond, président de France Assos Santé, l'association qui représente les patients et les usagers du système de santé.

« Ce qui est important c'est comment réfléchir à faire en sorte que chaque citoyen puisse avoir une réponse rapide à ses besoins. Par exemple : comment entrer plus facilement en contact avec un professionnel de santé sur un territoire donné », suggère-t-il.

Du côté des médecins, la taxe lapin ne fait pas non plus l'unanimité. « La taxation des patients nous semble inapplicable et inappropriée car dans 75% des cas nous connaissons ces patients et l'explication directe est suffisante », écrit à La Tribune le docteur Jean-Christophe Nogrette, président du syndicat de médecins généralistes, MG France. Ce dernier pointe qu'il y a en moyenne 2,5 lapins par semaine en médecine générale, soit 6,5 millions par an, mais « sans conséquences graves » sur leur activité.