Toujours dans le rouge, l'hôtellerie a besoin d'une "vraie politique touristique"

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  664  mots
"Il faut se mettre à la place des touristes étrangers, il est difficile de se dire que l'on va passer des vacances dans un pays en état d'urgence", commente Roland Héguy, président de l'Umih.
Avec 650 millions d'euros de manque à gagner en 2016, l'hôtellerie française pâtit de l'image d'insécurité qui colle à la France. En revanche, les autres régions se portent bien, grâce aux touristes français.

La situation ne s'améliore pas dans l'hôtellerie. Déjà minée par l'année meurtrière de 2015, avec les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan, l'image d'insécurité colle à la peau de la France et fait fuir les touristes étrangers. Le cru 2016 voit le secteur s'enfoncer dans la crise avec 650 millions de manque à gagner, soit 5,1% de moins que l'année précédente, selon les estimations du cabinet MKG Hospitality, dévoilées par Reuters. Restauration comprise, les pertes atteignent même 900 millions d'euros.

"Il faut se mettre à la place des touristes étrangers, il est difficile de se dire qu'on va passer des vacances dans un pays en état d'urgence", commente Roland Héguy, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih). En plus de l'attentat de Nice, en 2016 les grèves contre la loi Travail et les faits divers touchant des touristes étrangers - comme l'agression de la star américaine Kim Kardashian et de plusieurs groupes de touristes asiatiques - ont fini de nourrir la crainte chez les Américains, les Chinois et les Japonais, clientèle majeure de la capitale. Le gouvernement a mis 10 millions d'euros sur la table pour redorer l'image de la destination France, mais les professionnels jugent les moyens insuffisants pour redresser la barre.

Paris est de loin la plus touchée, avec une baisse d'activité pour l'hôtellerie de 14,6%, malgré l'Euro 2016 et une remontée sur la fin d'année. Idem sur la Côte d'Azur avec un baisse de 2,8%. Les plateformes d'hébergement alternatif, comme Airbnb, ont aussi leur part de responsabilité, en grignotant sur les taux d'occupations des établissements classiques.

Les régions ont profité de la venue des touristes français

Ce bilan contient néanmoins une note positive : les régions, qui enregistrent une progression de 4,4% sur l'année. Le dynamisme se fait surtout ressentir sur l'arc Atlantique, en particulier en Bretagne, mais aussi en Auvergne-Rhône-Alpes. Moins sensibles aux aléas de la clientèle étrangère, ces territoires ont bénéficié de l'afflux de vacanciers français. Le tourisme culturel - avec les festivals et le patrimoine hexagonal -, ainsi que le tourisme d'affaires - avec les salons, congrès et séminaires - ont participé à ces bonnes performances. Sans oublier le soleil, "la météo est un facteur important et les régions ont profité d'un climat favorable en 2016", souligne Roland Héguy.

Le président de l'Umih est optimiste pour 2017 : "La tendance devrait se confirmer, les week-end seront mieux positionnés (avec cinq lundis fériés notamment, ndlr) et si Paris se voit attribuer l'organisation des Jeux olympiques 2024, cela va impulser de nouvelles activités dans la région, ce qui est positif pour le tourisme."

Bâtir "une vraie politique touristique au niveau de l'accueil et de l'hospitalité"

Pour Roland Héguy, le problème ne vient pas que d'événements externes. "Jusque-là tout était acquis, tout était naturel, le pays était très attractif, mais aujourd'hui la concurrence s'est largement développée." Entre les plateformes d'hébergement comme Airbnb et le déploiement de l'offre touristique, notamment dans les pays européens voisins, la France est bousculée dans sa position dominante. "On s'est quelque peu endormi, il faut une remise en cause, reprendre toute une philosophie", plaide le président de l'Umih qui note que les établissements qui ont investi dans une nouvelle offre, sont souvent ceux qui s'en sont le mieux sortis en 2016.

En cette année électorale, les professionnels entendent se mobiliser pour inciter les dirigeants et la société à mettre en place "une vraie politique touristique au niveau de l'accueil et de l'hospitalité", insiste Roland Héguy. "Il y a une attitude générale qui doit être abordée, même au niveau des citoyens. Aujourd'hui, les touristes ne viennent plus naturellement et pour les attirer il faut savoir les recevoir, leur faire plaisir et être agréable."