Assurance-chômage : une réforme floue pour 46% des Français

Par Grégoire Normand  |   |  933  mots
(Crédits : Reuters)
8 Français sur 10 sont favorables à la possibilité de démissionner en touchant des indemnités de l'assurance-chômage selon le dernier baromètre BVA réalisé pour La Tribune. En revanche, ils sont moins de la moitié à connaître les détails de la réforme controversée du gouvernement.

C'est un résultat en demi-teinte pour le gouvernement. Selon le dernier baromètre BVA réalisé pour La Tribune, une majorité de Français approuve les principales mesures de la réforme de l'assurance-chômage mais seulement 46% savent de quoi il s'agit précisément. Le premier novembre dernier, les premiers décrets relatifs à ce vaste chantier sont entrés en vigueur seulement quelques mois après sa présentation par le chef du gouvernement, Edouard Philippe, au début de l'été.

En février dernier, les partenaires sociaux n'avaient pas réussi à se mettre d'accord lors des négociations paritaires sur la question de l'encadrement des contrats courts notamment. Après cet échec, l'Etat en a profité pour reprendre la main et entamé une profonde transformation du système paritaire très critiquée par les syndicats. Si l'application de ces règles ne devrait concerner que les nouveaux entrants, le nombre de demandeurs d'emploi potentiellement touché par ce big-bang est estimé à 1,3 million selon l'Unédic. À partir du premier avril prochain, une seconde batterie de mesures devrait entrer en application avec notamment la modification des règles de calcul des indemnités.

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La démission approuvée par une forte majorité

Sans surprise, 86% des Français interrogés approuvent la possibilité pour les travailleurs indépendants de toucher des allocations-chômage en cas de liquidation ou de redressement judiciaire. De même, 81% des des répondants sont favorables à la possibilité pour les démissionnaires de toucher des indemnités de l'assurance-chômage. Parmi les autres mesures testées par l'institut de sondage, la dégressivité des allocations pour les cadres touchant plus de 4.500 euros brut est également soutenue par une large part des personnes interrogées (75%).

En revanche, les résultats relatifs au durcissement des conditions pour pouvoir toucher les indemnités sont plus contrastés sur le plan politique. Ainsi, 62% des Français questionnés affirment être en faveur de cette mesure. Ils sont 79% à La République en marche, 77% chez les Républicains et 72% au Rassemblement national. Chez les sympathisants de la France insoumise (32%) et ceux d'Europe Ecologie les Verts (44%), les réponses sont moins positives. Enfin, les sympathisants du Parti socialiste sont partagés (51%) sur l'allongement de la durée de cotisations pour ouvrir des droits. Il faut dorénavant travailler six mois sur les 24 derniers mois contre quatre mois sur les 28 derniers auparavant.

Les Français divisés sur l'impact économique de la réforme

Pour justifier cette réforme, le gouvernement a à de multiples reprises expliqué qu'il voulait inciter le retour des chômeurs au travail. "Quand le marché est dynamique, il faut retourner à l'emploi", a récemment répété la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, sur l'antenne de France Inter. Interrogés sur cette question qui divise également les économistes, les Français se montrent sceptiques. Ainsi, 53% pensent que cette réforme ne favorisera pas le retour à l'emploi des personnes au chômage.

À inverse, 47% affirment que ce dispositif spécifique devrait encourager les chômeurs à retrouver un travail. Là encore, il existe des disparités politiques très marquées. Chez les proches de la France insoumise, ils ne sont que 26% à penser que ce durcissement favorisera le retour à l'emploi contre 74% à la République en marche, 62% chez les Républicains et 49% au Rassemblement national.

La question du déficit de l'Unédic a également été avancée par l'exécutif pour mettre en oeuvre cette transformation. Et là encore, ce sujet est loin d'être consensuel chez les répondants. Ainsi, 55% pensent que le projet porté par le gouvernement va permettre de baisser le déficit tandis que 45% pensent l'inverse. Enfin, 66% indiquent que la réforme va pénaliser les chômeurs les plus précaires. Ils sont respectivement 84% à défendre cette position chez la France insoumise et chez les Verts. Dans le parti majoritaire, cette proportion atteint 43%. C'est le ratio le plus bas parmi les couleurs politiques testées.

Les Français encore sévères avec la politique économique du gouvernement

Encore près de deux tiers des Français (65%) interrogés pensent que la politique économique du gouvernement est mauvaise au mois d'octobre. C'est trois points de moins qu'en septembre mais cette proportion demeure à un niveau supérieur à 55% depuis janvier 2018. À l'inverse, la part des personnes favorables aux réformes économiques d'Emmanuel Macron est passée de 32% à 35% sur la même période. "Les résultats de ce mois-ci traduisent une certaine décrispation des opinions sur le sujet et sur le long terme, les opinions positives progressent (+11 points depuis décembre 2018'" nuancent les auteurs de l'enquête d'opinion.

Malgré cette légère embellie, les clivages politique demeurent très prononcés. 89% des sympathisants de la France insoumise et ceux du Rassemblement national sont critiques à l'égard de la politique du gouvernement. Ils sont 71% à Europe-Ecologie-les-Verts et 68% au Parti socialiste à exprimer un jugement négatif sur ce sujet. Chez les Républicains, les répondants sont plus partagés. 53% affirment que la politique économique de l'exécutif est néfaste. À la République en Marche, la proportion de soutiens atteint des records (90%). Ce résultat souligne que le Président de la République bénéficie d'un socle électoral encore solide après deux ans et demi à l'Elysée.

 (*) Méthode : enquête réalisée auprès d'un échantillon de Français interrogés par Internet du 5 au 6 novembre 2019. Echantillon de 1 002 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.