20% de chômage aux Etats-Unis : vraie menace ou manœuvre politicienne ?

Par Jérôme Marin  |   |  635  mots
L'impact sur l'emploi pourrait être bien plus marqué aux Etats-Unis, où le chômage partiel n'existe pas. Mais de là à atteindre 33 millions de chômeurs ?

Le chiffre semble alarmiste: aux Etats-Unis, pays du plein emploi depuis des années, le taux de chômage pourrait grimper à 20% en raison de la propagation de l'épidémie de coronavirus. C'est l'avertissement lancé, mardi 18 mars, par Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor, lors d'une rencontre avec des sénateurs républicains pour discuter d'un vaste plan de relance. Un scénario noir, qui dépasse très largement les prévisions des économistes. Et qui pourrait donc n'être qu'un moyen de mettre la pression sur le Congrès.

Promettre le pire

Après avoir longtemps tenté de minimiser le potentiel impact économique de la crise sanitaire, l'administration Trump a changé de ton depuis quelques jours. Lors d'une conférence de presse, mardi, le président américain a même reconnu qu'une récession était possible. La Maison blanche propose désormais de lancer un gigantesque plan de relance, d'un montant compris entre 850 et 1.000 milliards de dollars (entre 780 et 918 milliards d'euros). Celui-ci reposerait notamment sur l'envoi d'un chèque de 1.000 dollars à tous les Américains.

Mais pour mener à bien son projet, Donald Trump doit d'abord obtenir le soutien du Congrès. Au Sénat, la majorité républicaine sait manifester son désaccord avec l'exécutif. La semaine dernière, son scepticisme avait contraint l'administration à abandonner son idée de suspension des charges sociales jusqu'à la fin de l'année. Et il faudra ensuite convaincre les démocrates, majoritaires à la Chambre des représentants. Et qui pourraient être réticents à offrir au locataire de la Maison blanche un cadeau électoral à huit mois des élections présidentielles.

Si l'optimisme semble de vigueur au sein de l'administration Trump, rien ne garantit cependant que les négociations puissent aboutir rapidement. Alors, pour se soustraite à une éventuelle impasse parlementaire, quelle meilleure solution que de promettre le pire ? Et d'en faire peser la responsabilité sur ceux qui n'auraient pas souhaité agir pour l'éviter ? Interrogée par le Financial Times, une porte-parole du Trésor reconnaît d'ailleurs qu'il ne s'agissait que d'une hypothèse parmi d'autres, celle qui pourrait se réaliser sans aucune intervention.

33 millions de chômeurs ?

Un taux de chômage de 20% serait deux fois supérieur aux 10,2% enregistrés en octobre 2009, à la suite de la crise financière de 2008. Cela représenterait plus de 33 millions de chômeurs dans le pays. En février, le nombre de sans-emploi s'élevait à 5,8 millions, soit 3,5% de la population active. Une telle envolée paraît donc alarmiste: David Wilcox, du Peterson Institute for International Economics, table sur 3,5 millions de demandeurs supplémentaires. L'Organisation internationale du travail (OIT) anticipe, elle, 25 millions d'emplois supprimés au niveau mondial.

Reste que l'impact sur l'emploi pourrait être bien plus marqué aux Etats-Unis qu'en Europe. La législation américaine ne prévoit en effet pas de chômage partiel. Les employés des restaurants fermés, par exemple, doivent s'inscrire aux allocations chômage. Les premiers chiffres régionaux, rapportés par le Financial Times, font ainsi état d'un bond spectaculaire des inscriptions. Dans l'Ohio, par exemple, elles ont été multipliées par 27 en une semaine. Kevin Hassett, ancien économiste de l'administration Trump, prédit ainsi un million de chômeurs supplémentaires en mars.

La question sera alors de savoir quel pourcentage de ces suppressions de postes ne seront que temporaires: pour rouvrir ses portes dans quelques semaines, un restaurant devra réembaucher. Mais comme les pays européens, les Etats-Unis pourraient connaître une contraction marquée de leur activité. Le cabinet Oxford Economics, le plus pessimiste, anticipe que le PIB américain pourrait se contracter de 12% au deuxième trimestre en rythme annualisé, soit un repli de 3% par rapport au trois premiers mois de l'année. De quoi menacer la survie de nombreuses entreprises.