Au G20 Finances, le protectionnisme et la fiscalité des GAFA divisent

Par Grégoire Normand  |   |  855  mots
Le sommet du G20 Finances promet de vifs échanges entre les représentants de la Chine et ceux des États-Unis. (Crédits : Reuters/Marcos Brindicci)
Protectionnisme, acier, fiscalité des géants du numérique : les sujets de discorde sont nombreux au sommet du G20 Finances. Cette rencontre internationale réunit les ministres des Finances des grandes puissances à Buenos Aires jusqu'à mardi soir.

Les tensions sont palpables au sommet du G20 Finances en Argentine. Au programme de cet événement figurent l'acier, la fiscalité des géants du numérique, le financement des infrastructures, l'avenir du travail et les cryptomonnaies. Il devrait réunir notamment 22 ministres des Finances et 17 gouverneurs de banque centrale à Buenos Aires.

Cette rencontre intervient dans un contexte économique favorable. Selon les dernières prévisions de l'OCDE publiées le 14 mars dernier, l'économie mondiale devrait connaître une croissance de 3,9% en 2018 et 2019. Mais des risques relatifs aux secteurs financiers et à la montée du protectionnisme subsistent rappelle l'organisation internationale.

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Le commerce au centre des débats

La décision du président américain Donald Trump de mettre en place des tarifs douaniers de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium ont ravivé les débats sur la scène du commerce mondial. L'entrée en vigueur de ces droits de douane est prévue le 23 mars pour l'ensemble des pays, à l'exception du Canada et du Mexique, mais des exemptions pourraient avoir lieu dans les semaines à venir. Dans le viseur des Américains figure particulièrement la Chine qui est le principal producteur mondial d'acier avec plus de 831 millions de tonnes en 2017, devant l'Inde et le Japon avec plus de 100 millions de tonnes.

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L'Europe et la Chine n'ont pas attendu des mois pour mettre en garde la puissance américaine sur une possible riposte. Du côté de l'Union européenne, le commissaire à l'Économie et aux finances Pierre Moscovici a signalé qu'il voulait éviter une escalade, mais a tenu à rappeler que l'Union européenne était pourvue de tout un arsenal juridique.

"Toute guerre est mauvaise et une guerre commerciale est une guerre qui ne fait que des perdants", a dit M.Moscovici. "Donc, nous voulons encore éviter l'escalade. Mais qui veut préparer la paix prépare la guerre et en tout cas des ripostes."

Si les mesures américaines créent des excès d'importations d'acier en Europe, l'UE appliquera des mesures de sauvegarde pour les limiter, a poursuivi Pierre Moscovici.

"Troisièmement, nous nous réservons le droit d'aller porter des différends éventuels devant l'OMC (l'Organisation mondiale du commerce)", a-t-il ajouté.

De son côté, la Chine a également annoncé qu'elle allait prendre aussi des mesures nécessaires en cas de guerre commerciale avec Washington, a indiqué le ministre des Affaires étrangères Wang yi.

La Chine inquiète outre-Atlantique

Lors d'une allocution à l'institut de la finance le week-end dernier, le secrétaire-adjoint au Trésor américain David Malpass a indiqué qu'un contrôle accru de l'État sur l'économie chinoise associée à la présidence à vie de Xi Jinping représentait une "inquiétude pour le monde".

Le Parlement chinois a aboli il y a quelques jours la disposition constitutionnelle qui limitait la fonction présidentielle à deux mandats de cinq ans, ce qui permet, en théorie, au président Xi Jinping de rester chef de l'État à vie. "Voir une telle puissance s'éloigner de l'économie de marché n'a été bon ni pour nous, ni pour le monde et cela continuera à poser problème", a ajouté David Malpass.

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Le secrétaire adjoint au Trésor américain David Malpass. Crédits : Agustin Marcarian/Reuters.

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Pas de consensus sur la fiscalité des GAFA

La fiscalité des géants du numérique apparaît également comme l'autre sujet de discorde de cette réunion internationale. Dans un rapport intermédiaire publié le 16 mars dernier à l'occasion du G20 Finances, l'OCDE indique qu'il n'existe pas de consensus ni sur les mesures à long terme ni sur celles à plus court terme sur la fiscalité des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Amazon). Les divisions sont particulièrement marquées sur ce sujet entre les États-Unis et l'Union européenne.

Pour la première puissance économique mondiale, l'administration "s'oppose fermement à ce que les géants technologiques soient taxés différemment", a affirmé vendredi dernier le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin dans un communiqué après la publication du rapport de l'OCDE.

"Les États-Unis sont fermement opposés à ce que les autres pays puissent cibler ces firmes technologiques. La plupart de ces société sont parmi les plus grandes contributrices en termes de créations d'emploi et de croissance aux États-unis. Imposer une nouvelle pression fiscale pourrait freiner la croissance et avoir un impact négatif sur les travailleurs et les consommateurs. "

L'ancien banquier de Goldman Sachs ajoute toutefois qu'il soutient un effort de "coopération internationale pour trouver une solution aux défis fiscaux que suscitent l'économie moderne"De son côté, la Commission européenne devrait proposer cette semaine de taxer les GAFA entre 1% et 5% de leur chiffre d'affaire selon des documents consultés par l'agence de presse Reuters. Face à toutes ces divisions, la directrice générale du Fonds monétaire international Christine Lagarde a appelé dans un récent post de blog les pays participant au sommet "à travailler ensemble".