Au G7, des tensions au sommet

Par Grégoire Normand  |   |  868  mots
Le président américain Donald Trump a déclaré vendredi avoir "hâte de remettre à plat les accords commerciaux injustes" conclus selon lui avec les autres pays du G7, dont il doit rencontrer les dirigeants au Canada plus tard dans la journée. (Crédits : KEVIN LAMARQUE)
Entre le protectionnisme, le climat, les droits de douane... les sujets de tension s'accumulent au sommet du G7 qui réunit quelques-uns des plus grands dirigeants de la planète jusqu'à samedi au Canada. Le président américain Donald Trump a accusé jeudi la France et le Canada d'imposer des "droits de douane énormes" aux Etats-Unis et de créer des "barrières douanières non-tarifaires".

Les échanges promettent d'être tendus au G7. Entre le commerce, l'Iran, la Russie, le climat, la remise en cause du multilatéralisme... les sujets de friction se multiplient entre les Etats-Unis et les six autres puissances (Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Canada) conviées au sommet. A la veille de la rencontre, Donald Trump a déclaré dans un tweet :

" Merci de dire au Premier ministre Trudeau et au Président Macron qu'ils ont imposé des taxes massives sur les importations américaines et ils ont crée des barrières non-tarifaires. L'excédent commercial de l'Union européenne avec les Etats-Unis est de 181 milliards de dollars, et le Canada ont gardé leurs agriculteurs et d'autres. Regardez ce qu'il va se passer demain."

Quelques heures auparavant, les dirigeants canadien et français se sont entretenus pour renforcer leurs relations bilatérales -et afficher leur entente- avant ces deux jours sur quelques points considérés comme fondamentaux par les deux chefs d'Etat. Ils ont ainsi convenu d'une déclaration commune :

  • Appuyer un multilatéralisme fort, responsable, transparent pour faire face aux défis mondiaux;
  • Œuvrer ensemble à la lutte contre le changement climatique;
  • Promouvoir le commerce libre, ouvert et fondé sur le droit;
  • Promouvoir les valeurs démocratiques.

Le commerce au centre des divisions

Parmi les sujets de discorde, le commerce demeure un point d'achoppement déterminant entre les puissances occidentales. La politique commerciale de l'administration américaine attise les mécontentements parmi les dirigeants européens. Mercredi dernier, l'Union européenne a musclé sa stratégie de riposte face au protectionnisme du chef d'Etat américain. Après avoir déposé une plainte auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la Commission européenne a annoncé qu'elle allait mettre en place des mesures de rétorsion. L'institution prévoit d'appliquer des tarifs douaniers supplémentaires à hauteur de 25% sur des produits américains à compter du 1er juillet prochain. La liste des produits a d'abord été soumise à l'OMC et les pays de l'Union européenne doivent encore se mettre d'accord. Les quatre dirigeants européens - Emmanuel Macron, Angela Merkel, Theresa May et Giuseppe Conte - ont décidé de se réunir juste avant le début du sommet, afin d'afficher leur impatience face aux menaces de guerre commerciale du président américain.

Au Canada, Justin Trudeau a indiqué que "nous allons de toute évidence avoir des discussions animées sur le commerce". La lenteur des discussions sur la renégociation de l'accord de libre-échange nord-américain (Alena, conclu en 1994 entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada) suscite des tensions chez les Canadiens. Du côté des Etats-Unis, la ligne de conduite devrait rester ferme. L'un des conseillers de la Maison-Blanche, Larry Kudlow, a annoncé mercredi que Trump ne se départirait pas de la ligne sans concession qu'il a adoptée sur les questions commerciales.

Un graphique de notre partenaire Statista.

> Lire aussi : Acier : Bruxelles annonce des mesures de rétorsion

Le nucléaire iranien au centre des débats

L'autre sujet de discorde concerne l'accord sur le nucléaire iranien signé en 2015. Face à la décision de Trump de retirer les Etats-Unis de l'accord, les dirigeants français et canadien se sont mis d'accord pour dire "qu'ils n'étaient pas prêts à tout accepter pour avoir un communiqué commun avec les Etats-Unis". Ils ont ajouté que "nous  n'accepterons jamais une déclaration" condamnant l'accord nucléaire ou disant "qu'il est caduc ou que l'Iran ne respecte pas ses obligations", selon la même source. Donald Trump a récemment annoncé le retrait de son pays de cet accord.

Les six autres pays du G7 présentent un front commun face à la position américaine, assure Paris : "il n'y a pas de fissure entre les 6 (...), il y a une vraie cohésion", y compris avec le Japon.

Paris et Ottawa savent qu'il sera difficile d'infléchir la position du président américain, que ce soit sur l'accord nucléaire iranien ou sur les taxes douanières que Washington a imposées à ses partenaires.

[ Des manifestants avant la tenue officielle du sommet ce jeudi 7 juin au Québec. Crédits: Reuters. ]

Des discordes aussi sur le climat

Le sujet du climat devrait également susciter des controverses. Depuis que Donald Trump a annoncé le retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat signé en décembre 2015, l'Union européenne est passée à l'offensive. A plusieurs reprises, Emmanuel Macron a affiché de la fermeté sur cet accord et contre la politique climatique de M. Trump. A l'Elysée, une source citée par Reuters indique que "tout communiqué commun devra mentionner l'accord de Paris sur le climat et ne devra pas dire que l'accord nucléaire iranien est caduc."

Il y a quelques jours, les Etats-Unis ont bloqué la diffusion d'un communiqué final lors de la réunion de l'Organisation coopération et de développement économique (OCDE) à Paris. Le document condamnait le protectionnisme et les enjeux du changement climatique. Une scène qui pourrait se reproduire une fois de plus à l'issue du sommet.

> Lire aussi : "Avec Trump, le mercantilisme devient la règle au détriment du multilatéralisme"