"Avec Trump, le mercantilisme devient la règle au détriment du multilatéralisme"

Les Etats-Unis ont annoncé jeudi l'instauration de droits de douane de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium importés aux Etats-Unis par l'Union européenne, le Canada et le Mexique à compter du 1er juin. Pour La Tribune, Corinne Vadcar, analyste senior en commerce international à la CCI Paris Ile-de-France, revient sur les conséquences de cette décision sur le commerce mondial.
Grégoire Normand
Cette décision met fin à deux mois d'exemptions accordées à ces trois partenaires de Washington par le président Donald Trump afin d'encourager des discussions plus générales sur les échanges commerciaux. Elle relance les craintes d'une guerre commerciale.
Cette décision met fin à deux mois d'exemptions accordées à ces trois partenaires de Washington par le président Donald Trump afin d'encourager des discussions plus générales sur les échanges commerciaux. Elle relance les craintes d'une guerre commerciale. (Crédits : Reuters/Yves Herman)

Les taxes américaines sur l'acier et l'aluminium sont entrées en vigueur vendredi avec le risque de déclencher une guerre commerciale. La décision américaine met fin à deux mois d'exemptions accordées à l'Union européenne, le Canada et le Mexique. Pour La Tribune, Corinne Vadcar analyste senior à la CCI Paris Ile-de-France revient sur les enjeux de cette décision.

LA TRIBUNE - Quelles pourraient être les conséquences directes des décisions de Donald Trump sur le commerce international ?

CORINNE VADCAR - A court terme, la première conséquence est que l'Union européenne vient de déposer un recours auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La seconde conséquence est que la Commission européenne pourrait aussi mettre en place des taxes supplémentaires sur certains produits comme les Harley-Davidson, le bourbon, les produits agricoles ou des produits issus de l'industrie sidérurgique. Dans tous les cas, la décision américaine est à replacer dans un contexte politique qui est la perspective des élections de mi-mandat en novembre prochain.

A moyen terme, la guerre commerciale pourrait avoir un impact structurel et géographique sur le commerce mondial. L'expérience du passé permet de se faire une idée. Sous le mandat de George Bush fils, des entreprises américaines ont parfois importé des produits qui contenaient de l'acier au lieu d'importer des matériaux bruts, ce qui leur permettait d'échapper aux surtaxes sur l'acier. Par ailleurs, les entreprises européennes, notamment allemandes, qui exportent de l'acier outre-Atlantique, pourraient rechercher d'autres marchés. Dans tous les cas, les mesures douanières américaines et les contre-mesures européennes devraient entraîner une réorganisation des flux de commerce ("trade diversion").

A plus long terme, la croissance du commerce international pourrait ralentir. L'attitude américaine va à l'encontre des règles de l'OMC. Cette situation peut clairement générer de l'incertitude et de l'attentisme des deux côtés de l'Atlantique. Les Etats-Unis étant le premier partenaire commercial de l'Union européenne, on peut supposer qu'il va y avoir, à un moment donné, une baisse des échanges entre les deux puissances économiques.

Dans quelle mesure le pouvoir d'achat des Européens et les entreprises européennes pourraient-ils être touchés ?

En ce qui concerne les produits américains qui seraient ciblés par les Européens, il devrait y avoir peu d'impact sur le consommateur. Il ne s'agit pas de produits stratégiques et les Européens ont la possibilité de se reporter sur d'autres produits .

En revanche, il pourrait y avoir des conséquences indirectes via le ralentissement de l'activité des entreprises dans les secteurs liés aux produits soumis aux taxes américaines et européennes. Au regard du volume d'échanges d'aluminium et d'acier entre les États-Unis et l'Europe, il faut, cependant, relativiser ces conséquences. Du côté de l'industrie automobile, l'enquête actuellement menée aux États-Unis pourrait, en revanche, avoir un impact plus significatif si elle aboutit d'ici à quelques temps.

Que pensez-vous des ripostes annoncées par l'Europe ou le Canada ?

Les ripostes européennes s'inscrivent avant tout dans un cadre légal, celui de l'OMC. Elles sont la réponse aux mesures unilatérales de Donald Trump, décidées au nom de la sécurité nationale et considérées comme abusives par Bruxelles. Le fait de vouloir entamer une procédure pour régler un différend devant l'OMC est une démarche qui respecte la légalité. Les mesures de rétorsion de l'Union européenne s'inscrivent dans le respect des règles juridiques du multilatéralisme commercial.

A court terme, il y a peu de chances que Donald Trump revienne sur sa décision sachant qu'il y a la perspective des élections. Mais qui sait ? Il y a quelques jours, le président américain est venu au secours du fabricant chinois de téléphonie ZTE alors que celui-ci était menacé par les sanctions américaines.

L'administration Trump est-elle favorable au libre-échange malgré ces différentes décisions ?

L'administration américaine est favorable au libre-échange dans la mesure où celui-ci est gagnant pour les États-Unis. Pendant des années, on a vu se construire un système international qui allait dans le sens de l'intérêt collectif. Avec leur dernière décision, les Américains s'éloignent de cette construction. Les États-Unis ne veulent plus d'un jeu gagnant/gagnant mais d'un jeu gagnant/perdant pour réduire leur déficit commercial.

Les États-Unis prennent-ils vraiment des risques vis-à-vis des règles de l'OMC ?

Les risques sont limités dans la mesure où les procédures pour régler les différends à l'OMC sont très longues. Il apparaît que le chef d'État américain veut passer outre les règles du multilatéralisme. Avec la politique commerciale de Donald Trump, le mercantilisme devient la règle au détriment du multilatéralisme, ce qui pourrait accentuer les déséquilibres sur la scène internationale. On est dans des jeux de puissance de la part de la Chine et des États-Unis qui peuvent refermer l'âge d'or du multilatéralisme comme garant de la stabilité mondiale.

Grégoire Normand
Commentaires 16
à écrit le 04/06/2018 à 6:57
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j’informe madame Vadcar et consorts que la guerre commerciale est en cours depuis des lustres par ailleurs je lui demande de nous expliquer en quoi les échanges commerciaux sont gagnants / gagnants quand les soldes des échanges entre deux pays son...

à écrit le 02/06/2018 à 22:23
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Mieux vaut le mercantilisme que l'entente sur le dos des consommateurs!

à écrit le 02/06/2018 à 22:14
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Mieux vaut le mercantilisme que l'entente sur le dos des consommateurs!

à écrit le 02/06/2018 à 19:04
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Le mercantilisme est d'abord Allemand : accumuler des excédents extérieurs pendant que leurs concurrents sont en déficits. Les USA font ce qu'ils ont toujours fait : choisir ponctuellement entre le libre échange et le protectionnisme selon leurs inté...

le 02/06/2018 à 20:02
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Désolé mais le libre-echangisme béat est une spécialité américaine. A moins que pour vous taxer 2% des exportations européenne soit du protectionnisme.

le 03/06/2018 à 8:14
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Renseignez vous sur les excédents allemands. Ca fait des années que ca dure

le 03/06/2018 à 18:13
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@@john Que ça dure? Vous parlez du fait que les américains préfèrent acheter des voitures allemandes que des voitures américaines? Si ça énerve les américains pourquoi ils les achètent alors? Quant aux salaires dans l'industrie auto allemandes et ...

le 04/06/2018 à 6:45
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+1

à écrit le 02/06/2018 à 11:20
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les USA taxent les importations de voitures européennes à 2,5% , et l'union européenne taxe les importations de voitures américaines à 12,5% . il est possible que cela change , d'autant que l'industrie automobile européenne ne pourra pas invoquer la...

le 02/06/2018 à 20:09
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Et les gafam? Taxés à combien? Trump veut juste obtenir un nouvel équilibre plus favorable aux usa mais comme il s'attaque au monde entier, sa stratégie ne pourra remporter que des succès symboliques. Dans 3 ans les USA vont se réveiller sans alliés.

le 03/06/2018 à 19:58
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Johnmckagan les Usa n'ont pas besoin d'alliés. Avoir des obligés leur suffit.

à écrit le 02/06/2018 à 9:07
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les consommateurs européens peuvent également faire leur choix: plus de mcdo, coca cola, kfc, pizzahut et toutes les chaines américaines. plus de ford ou chrysler lorsqu´ils seront touchés au porte-monnaie, on pourra discuter...

le 02/06/2018 à 12:09
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Un synthèse des relations commerciales avec les USA http://lekiosque.finances.gouv.fr/site_fr/A129/data_brutes.asp?id=P30US_Z3310&f=1&r=-1 Faites votre choix!

le 02/06/2018 à 17:02
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Sauf si on souhaite devenir Américain plutôt que de subir la dictature soviétique Européenne...

le 03/06/2018 à 18:16
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Ou plutôt boycott iphone. Iphone = 200€ pour la Chine et 800€ (net !) pour les USA. Autant acheter un téléphone 200€ chinois, à ce prix là il sera quasiment haut de gamme.

le 08/06/2018 à 12:57
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esssayez donc d immatriculer des pick up americains et autres vehicules de loisir en france et vous allez voir qui fait du protectionisme, Trump a raison il faut que le marche europeen et surtout francais soit ouvert a la libre conccurence ça ne peux...

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