En 2023, la croissance économique de la Russie va dépasser celle de la zone euro, malgré les sanctions occidentales

Par latribune.fr  |   |  950  mots
Les revenus de Moscou ont été soutenus, plus qu'anticipé, « par la hausse des prix du pétrole », avance la Berd. (Crédits : SPUTNIK)
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement estime même que le PIB de la Russie sera en hausse de 1,5% en 2023. Une résilience que la Berd attribue notamment à la hausse des prix du pétrole.

L'économie russe continue de résister malgré les sanctions occidentales. Elle va même faire beaucoup mieux que prévu selon la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) qui table désormais sur une croissance du PIB de 1,5% cette année, alors qu'elle anticipait jusqu'ici une contraction d'ampleur équivalente. Une croissance qui sera par conséquent supérieure à celle prévue cette année dans la zone euro par la Commission européenne (+0,8%).

Lire aussiMoscou suspend ses exportations de produits pétroliers pour calmer l'envolée des prix locaux

Déjà en 2022, l'économie russe ne s'était pas effondrée en 2022, malgré la pluie de sanctions occidentales. Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI), publié fin janvier, la Russie est certes tombée en récession l'an dernier, mais la baisse du PIB était relativement modeste (-2,2%), loin des prévisions pessimistes du FMI réalisées au printemps 2022, juste après le déclenchement de la guerre en Russie. L'institution anticipait alors une chute de 8,5% du PIB russe sur l'année.

« L'activité est restée robuste »

Les revenus de Moscou ont été soutenus, plus qu'anticipé, « par la hausse des prix du pétrole et par la capacité de la Russie à compenser l'impact du plafond (du prix du baril imposé par les Occidentaux, ndlr) en exportant vers de nouveaux marchés », en majorité en Chine et en Inde, a expliqué la Berd ce mercredi 27 septembre, en marge d'un rapport de prévisions.

« Lors de nos dernières prévisions, nous nous attendions à ce que les sanctions - en particulier le plafonnement des prix du pétrole - soient plus efficaces pour limiter l'activité de la Russie », poursuit l'institution dans une déclaration transmise à l'AFP.

En outre, « l'activité est restée robuste - en particulier la consommation des ménages et les dépenses publiques liées au conflit en cours (en Ukraine, ndlr) - et les chiffres du PIB du deuxième trimestre ont été étonnamment élevés », selon la Berd, qui dit toutefois prévoir un ralentissement par la suite.

Une inflation plus forte

Pour rappel, le Produit intérieur brut (PIB) russe a progressé de 4,9% au deuxième trimestre de 2023 sur un an, selon une évaluation primaire de l'Agence russe des statistiques (Rosstat), la première hausse enregistrée depuis les trois premiers mois de 2022. En plein conflit avec l'Ukraine, la Russie avait enchaîné quatre trimestres de contraction, s'établissant notamment de janvier à mars 2023 à -1,9%, toujours selon Rosstat.

Lire aussiLa Russie lance un rouble numérique dans l'espoir d'échapper aux sanctions

La croissance affichée au deuxième trimestre, attendue par les experts, est surtout à mettre en comparaison avec la même période de l'an passé, marquée par les sanctions internationales prises en réponse à l'offensive russe chez son voisin ukrainien, qui avait fait vaciller l'économie russe (-4,5% entre avril et juin 2022).

En Russie, le second trimestre 2023 a surtout été marqué par le retour de l'inflation, lié à l'affaiblissement continu du rouble, sur fond de baisse importante des revenus liés à la vente d'hydrocarbures. Dans ce contexte, les autorités ont été contraintes de procéder à plusieurs hausses successives de taux d'intérêt.

Un ralentissement d'ici la fin de l'année ?

La publication de la Berd intervient alors que, le 15 septembre dernier, la directrice de la Banque centrale russe (BCR), Elvira Nabioullina, a dit s'attendre à un ralentissement de la croissance dans le pays au deuxième trimestre, sur fond de pénurie de travailleurs, d'affaiblissement du rouble et de retour de l'inflation, en plein conflit en Ukraine.

« Nous nous attendons à ce que le taux de croissance soit plus modéré au second semestre », a-t-elle indiqué. Selon elle, après une hausse de +4,9% selon les statistiques officielles entre avril et juin, la croissance du PIB devrait atteindre « entre +1,5% et +2,5% » en fin d'année.

Lire aussiUkraine : des fortunes russes continuent de déposer leur argent sur des comptes en Suisse

Si Elvira Nabioullina a défendu une trajectoire « naturelle » après « une période de reprise rapide de la croissance », qui faisait suite à une année 2022 difficile, elle a surtout reconnu que le manque de main d'œuvre - dû aux départs de centaines de milliers de Russes à l'étranger et à la mobilisation sur le front de centaines de milliers d'autres - rendait la situation « tendue ».

Au sujet des discussions « en cours » avec le gouvernement pour d'éventuelles autres mesures « strictes » pour contrer les difficultés monétaires actuelles, la cheffe de la BCR a mis la pression sur Anton Silouanov, à la tête du ministère des Finances, avec qui elle est en conflit ouvert. Alors que ce dernier œuvre pour un contrôle accru des mouvements de capitaux et une réduction de la volatilité du rouble, Elvira Nabioullina a adopté ces dernières semaines une position plus libérale, déterminée à s'attaquer à l'inflation.

Or, ces derniers jours, les services d'Anton Silouanov ont poussé pour réintroduire une obligation pour les gros exportateurs russes de rapatrier et convertir en rouble leurs devises issues de leurs recettes à l'étranger, les forçant à ne plus les stocker hors de Russie malgré les sanctions, de façon à ce que ces revenus intègrent l'économie russe et soutiennent le rouble. « Contrairement à la croyance populaire, la structure monétaire des règlements à l'export n'a pas d'impact significatif sur la dynamique du taux de change », a répliqué Elvira Nabioulla, arguant que « moins de 1% du total des recettes d'exportation » était conservé en devises sur des comptes à l'étranger.

Lire aussiLa Russie aura terminé la réorientation de son économie « dès 2024 » selon son Premier ministre

(Avec AFP)