Le rouble s'affaiblit, la Russie contrainte de rehausser une nouvelle fois son taux directeur

Afin de soutenir le rouble et de contrer l'inflation, la Banque centrale russe a dû procéder à la troisième hausse consécutive de taux, en moins de deux mois. Vendredi, il fallait débourser 96,5 roubles pour obtenir un dollar et 102,8 pour un euro, des niveaux presque aussi faibles que ceux de mars 2022, dans la foulée de la vague de sanctions qui avait touché l'économie russe en représailles de l'offensive en Ukraine.
Vendredi, il fallait débourser 96,5 roubles pour obtenir un dollar et 102,8 pour un euro.
Vendredi, il fallait débourser 96,5 roubles pour obtenir un dollar et 102,8 pour un euro. (Crédits : Reuters)

[Article publié le vendredi 15 septembre à 13H31 et mis à jour à 16H51] La Banque centrale russe (BCR) a annoncé ce vendredi 15 septembre relever son taux directeur de 12% à 13%. Il s'agit de la troisième hausse consécutive en moins de deux mois. Elle vise à la fois à contrer l'inflation et l'affaiblissement du rouble.

 Face à « une pression inflationniste dans l'économie russe (qui) reste élevée » et « l'affaiblissement du rouble cet été », « un resserrement monétaire supplémentaire est nécessaire », a expliqué la BCR dans un communiqué.

Ainsi, « le conseil d'administration de la BCR a décidé d'augmenter le taux directeur de 100 points de base pour le porter à 13% », a indiqué l'institution monétaire.

Vendredi, il fallait débourser 96,5 roubles pour obtenir un dollar et 102,8 pour un euro. Dans ces conditions, « le retour de l'inflation à l'objectif et sa stabilisation à près de 4% impliquent également une période prolongée de maintien de conditions monétaires strictes dans l'économie », a affirmé ce vendredi la Banque centrale russe.

Lire aussiLe rouble au plus bas face au dollar et à l'euro depuis mars 2022

Autre signe que la situation est jugée délicate par la BCR, elle est intervenue jeudi sur le marché des changes pour soutenir le rouble, en multipliant par dix ses ventes de devises quotidiennes, et ce jusqu'au 22 septembre.

Pas« de difficultés absolument insurmontables »

Depuis plusieurs semaines, la chute libre du rouble s'est inexorablement accompagnée d'un retour de l'inflation (+5,15% en août). Or, la hausse des prix à la consommation s'ajoute au coût croissant du conflit ukrainien, faisant craindre à de nombreux Russes pour leur niveau de vie.

Le 12 septembre dernier, Vladimir Poutine avait pourtant déclaré ne pas voir de « problèmes insurmontables » dans l'affaiblissement du rouble depuis des semaines face au dollar et à l'euro, malgré les efforts de la Banque centrale russe. « Dans l'ensemble, je ne pense pas qu'il y ait de problèmes ou de difficultés absolument insurmontables », avait déclaré le patron du Kremlin, lors de la session plénière du Forum économique oriental qui s'est tenu à Vladivostok (Extrême-Orient russe).

L'affaiblissement du rouble début août avait pourtant poussé la Banque centrale russe à rehausser en urgence son taux directeur de 8,5% à 12% -- après un précédent relèvement le 21 juillet (de 7,5% à 8,5%) -- un moyen de lutter contre l'inflation et la volatilité de la monnaie nationale. À ce moment-là, il fallait en effet débourser 100 roubles pour obtenir un dollar et 109 pour un euro, des taux de change plus observés depuis le tout début de l'offensive russe en Ukraine et la cascade des premières sanctions au premier trimestre 2022 qui avaient touché l'économie russe.

Une des causes principales de la chute de la monnaie nationale est, en effet, l'état du commerce extérieur. La Russie souffre notamment de la baisse considérable des revenus liés à la vente de ses hydrocarbures, sous l'effet de la détermination des Européens à sortir de leur dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou.

Lire aussiPétrole : la croissance de la demande mondiale va ralentir en 2024

Risque pour la croissance

L'annonce de la BCR vendredi risque toutefois de ne pas satisfaire tous les grands patrons russes. Ces derniers jours, le PDG de la première banque nationale Sberbank, German Gref, et Andreï Kostine, le patron de sa rivale VTB, s'étaient, en effet, dit en faveur du maintien du taux directeur à 12%. Selon lui, « les mesures prises par la BCR pour maintenir la stabilité financière affecteront forcément la croissance économique, toutes les entreprises le ressentiront, et les banques aussi » du fait du coût accru du crédit et donc des investissements, avait-il averti en début de semaine en marge d'un forum économique à Vladivostok.

En effet, la directrice de la BCR, Elvira Nabioullina, a dit ce vendredi s'attendre « à ce que le taux de croissance soit plus modéré au second semestre », lors d'une conférence de presse. Selon elle, après une hausse de +4,9% selon les statistiques officielles entre avril et juin, la croissance du PIB devrait atteindre « entre +1,5% et +2,5% » en fin d'année.

Si la dirigeante a défendu une trajectoire « naturelle » après « une période de reprise rapide de la croissance », qui faisait suite à une année 2022 difficile (-2,1%), elle a surtout reconnu que le manque de main d'œuvre — dû aux départs de centaines de milliers de Russes à l'étranger et à la mobilisation sur le front de centaines de milliers d'autres— rendait la situation « tendue ».

Obliger les gros exportateurs rapatrier et convertir leurs devises en rouble

Lors de cette conférence de presse, Elvira Nabioullina, a également évoqué la possibilité de prendre d'éventuelles autres mesures « strictes » pour contrer les difficultés monétaires actuelles. Ces derniers mois, un bras de fer s'est installé entre la BCR, dont la directrice estime qu'il ne faut pas intervenir plus que nécessaire dans l'économie nationale au risque de l'affaiblir, et le ministère des Finances, dirigé par Anton Silouanov, partisan d'un contrôle plus fort des mouvements de capitaux dans le pays. Mi-août, après le relèvement du taux directeur, les deux dirigeants avaient eu une réunion avec Vladimir Poutine, actant un statu quo temporaire en attendant de voir l'évolution des indicateurs.

Un mois plus tard, la BCR a donc été forcée de trancher et les autorités pourraient même décider d'agir au-delà de la seule variation du taux directeur. Le ministère des Finances pousse en effet pour réintroduire une obligation pour les gros exportateurs russes de rapatrier et convertir en rouble leurs devises issues de leurs recettes à l'étranger, les forçant à ne plus les stocker hors de Russie malgré les sanctions, de façon à ce que ces revenus intègrent l'économie russe et soutiennent le rouble.

Mardi dernier, Vladimir Poutine, a d'ailleurs estimé que la situation difficile que connaît la Russie était aussi liée « au non-retour d'une partie des recettes en devises de nos plus grands exportateurs ». Et « les importations arrivent sur notre marché dans des volumes de plus en plus importants » par rapport à 2022, a ajouté le dirigeant, « ce qui signifie que les devises étrangères sont de plus en plus demandées », affaiblissant automatiquement le rouble.

Lire aussiUkraine : des fortunes russes continuent de déposer leur argent sur des comptes en Suisse

La solution prônée par le ministère des Finances avait déjà été mise en place début 2022 pour tenter de limiter les effets des lourdes sanctions internationales, avant de progressivement le faire disparaître, satisfaite des indicateurs macro-économiques.

Mais « contrairement à la croyance populaire, la structure monétaire des règlements à l'export n'a pas d'impact significatif sur la dynamique du taux de change », a répliqué, ce vendredi, Elvira Nabioulla, arguant que « moins de 1% du total des recettes d'exportation » était conservé en devises sur des comptes à l'étranger.

Au niveau national, les autorités s'inquiètent également de l'émergence d'une bulle spéculative entraînée par un trop gros volume de crédits, alimentant aussi la hausse des prix. Vladimir Poutine avait ainsi appelé les autorités à « atténuer ces risques » face à « une croissance rapide des prêts à la consommation ».

(Avec AFP)

Commentaires 6
à écrit le 16/09/2023 à 21:27
Signaler
La dette russe environ 350 milliards et quand, je regarde une carte, la Russie c'est plus grand que la France qui, elle à 3000 milliards de dette. Il y a t'il une explication ?

le 23/10/2023 à 9:03
Signaler
Oui: la Russie dépense très peu pour sa population: infrastructures déplorables en dehors de Moscou et quelques grandes villes, état des routes lamentable, une partie de la population n'a toujours pas l'eau courante, etc; système de santé déficient (...

à écrit le 16/09/2023 à 14:14
Signaler
Ils ne sont pas superstitieux !!

à écrit le 16/09/2023 à 9:50
Signaler
Heeeeuuu et les US ?? "Le Monde 26/07/2023 Aux Etats-Unis, la bataille contre l'inflation se poursuit. Après une pause en juin, la Réserve fédérale américaine (Fed) a relevé, mercredi 26 juillet, d'un quart de point son principal taux directeur, ...

à écrit le 16/09/2023 à 7:34
Signaler
Bon après c'est la tendance mondiale de relever les taux hein...

à écrit le 15/09/2023 à 15:24
Signaler
Dans le même temps la Chine fait l'inverse. A suivre dans quelques mois.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.