Moscou suspend ses exportations de produits pétroliers pour calmer l'envolée des prix locaux

Depuis la semaine dernière, la Russie a suspendu ses exportations de diesel et d'essence pour réorienter les volumes sur le marché local, où les prix ont atteint des niveaux record. Cette décision se répercute sur le marché international.
Robert Jules
(Crédits : Reuters)

En Russie, l'inflation est de retour. En août, elle s'est affichée à 5,2% sur un an, contre 4,3% en juillet, au plus haut depuis six mois, soutenue par la hausse des prix des carburants qui ont atteint des prix record. Dans ce contexte, Moscou a décidé d'interdire depuis le 21 septembre dernier ses exportations de diesel (ou gazole) et de fuel domestique, soit en moyenne 1 million de barils par jour (mb/j), et d'essence (130.000 b/j) provoquant des tensions sur les marchés internationaux des produits raffinés. Lundi dernier, toutefois, la Russie a autorisé à la vente internationale le gazole à haute teneur en soufre, de qualité moindre.

Pénuries d'essence et de diesel

En réorientant les volumes exportés sur le marché local, le Kremlin espère ainsi calmer les prix à la pompe. La Russie, transformée en économie de guerre depuis l'invasion de l'Ukraine, a connu ces derniers mois des pénuries d'essence et de diesel. Celles-ci ont fait flamber les prix de gros de ces produits, même si ceux du détail sont sous contrôle de l'Etat, évoluant en fonction de l'inflation.

« Ces restrictions temporaires aideront à saturer le marché des carburants, ce qui en retour réduira les prix pour les consommateurs », assure le gouvernement dans son communiqué.

En réalité, la Russie a déjà réduit de 30% sur les 20 premiers jours du mois de septembre les exportations de ces produits raffinés comparé à la même période de 2022, sans réussir à faire baisser les prix.

prix du diesel russe

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En effet, depuis plusieurs semaines, l'offre sur le marché local subit la réduction de la production, due à l'arrêt de plusieurs raffineries pour assurer les nécessaires opérations de maintenance, les perturbations dans l'acheminement provoquées par la saturation du réseau ferroviaire, problèmes auxquels s'ajoute la faiblesse du rouble face au dollar qui favorise les exportations d'hydrocarbures.

« Il était nécessaire de réguler ce marché en période de récoltes agricoles », a précisé Dmitry Peskov, porte-parole du Kremlin, pour justifier la suspension des ventes internationales. La Russie, producteur majeur de céréales, est le premier exportateur mondial de blé. Or, la hausse du prix de l'énergie renchérit les coûts de production du secteur agricole.

Attendre que la période des moissons s'achève

Si les autorités russes n'ont pas encore fixé de date pour la levée de l'interdiction des exportations de produits raffinés, attendant de voir comment évoluera la situation sur le marché local, les analystes de Citi et JP Morgan, cités par l'agence Reuters, estiment qu'elle pourrait durer entre 2 et 6 semaines, le temps que la période des moissons s'achève.

Si cette interdiction répond à des considérations locales, elle n'en a pas moins un impact sur les marchés internationaux des distillats moyens (diesel, gazole) déjà tendus. Sur l'ICE, le prix du gazole a augmenté de 55% depuis son dernier point bas début mai.

prix du gazole future

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La Russie reste en effet le deuxième exportateur de diesel derrière les Etats-Unis. Si le retrait des volumes d'essence exportés par la Russie (130.000 b/j) peut être compensé sans difficultés sur le marché international, il n'en est pas de même pour le gazole, les exportations russes représentant 3,5% de la demande mondiale de ce distillat qui s'élève cette année en moyenne à 28,3 mb/j, selon les estimations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Réorganisation des flux des exportations russes

D'autant que ces flux des produits russes ont été réorganisés depuis l'application de l'embargo européen, le 1er avril. Les pays du Vieux continent ont été contraints de se tourner vers d'autres fournisseurs, comme l'Arabie Saoudite, qui elle-même importe des produits raffinés russes à des prix attractifs pour son marché local en réservant sa propre production raffinée pour les exportations, ou l'Inde qui fournit du diesel et de l'essence, raffinés à partir du brut notamment importé de... Russie.

Lire aussiMalgré les embargos, l'Allemagne pourrait bien se fournir auprès de l'Inde en gazole... issu de pétrole russe

Mais ce sont surtout les Etats-Unis qui se sont substitués à la Russie pour fournir des distillats aux pays européens. Ils ont exporté 138.000 b/j au cours du premier semestre 2023, contre 56.000 b/j sur la même période de 2022, indique l'Agence d'information sur l'énergie (EIA) des États-Unis. De son côté Moscou a dû trouver d'autres clients hors Europe.

« La Chine, l'Inde, la Turquie et les pays du Moyen-Orient représentent un tiers des exportations de produits raffinés de la Russie, qui dans certains cas sont utilisés pour fournir le marché local et permettre aux raffineurs locaux d'exporter leur production », indique l'Agence international de l'énergie (AIE) dans son dernier rapport mensuel, qui signale également l'augmentation des achats du Brésil de produits russes ces derniers mois.

Enfin, le prix du diesel est également soutenu par la marge de raffinage (différence entre le prix du Brent et celui du produit raffiné). Celle-ci est montée en août jusqu'à 45 dollars par baril aux Etats-Unis et à 36 dollars en Europe, mettant le prix du baril de diesel à 122 dollars.

« La perte d'environ 1 mb/j de diesel russe se fera sentir sur le marché mondial et ne fera que renforcer notre sentiment sur le craquage des distillats moyens et, par conséquent, sur les marges des raffineries. Cela représente un risque de hausse pour le craquage du gazole sur l'ICE qui devrait atteindre en moyenne 30 dollars le baril sur le reste de l'année. L'ampleur de cette marge dépendra de la durée de l'interdiction », souligne Warren Patterson, économiste chez ING.

Faiblesse du niveau des stocks des pays de l'OCDE

La hausse des prix du raffinage sur le gazole est également soutenue par le niveau des stocks des distillats moyens (gazole et fioul domestique). En juillet, dans l'ensemble des pays de l'OCDE, leur niveau atteignait 490,3 millions de barils, soit une baisse de 15% par rapport à juillet 2022, niveau inférieur à la moyenne des cinq dernières années.

« Ces marges extrêmement élevées sont aussi symptomatiques d'un problème plus structurel de la croissance de la demande des distillats moyens, du faible niveau des stocks de produits, de l'extension des chaînes d'approvisionnement et d'un accès insuffisant aux bruts moyens et lourds, spécialement pour les raffineries européennes », indiquait l'AIE dans son rapport de septembre. Une situation qui pourrait continuer à se tendre si les produits russes ne reviennent pas rapidement sur le marché international.

Robert Jules
Commentaires 8
à écrit le 27/09/2023 à 6:22
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sauf que ' et en meme temps', ils ont besoin de bcp d'argent pour financer l'operation speciale qui dure 3 jours depuis 1 an et demi, ca va devenir chaud aux entournures....que vont penser l'ami chinois et l'ami indien?

à écrit le 26/09/2023 à 21:03
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L'OTAN est tellement intelligente et inefficace, que la Russie est obligée de bloquer elle-même ses exportations de pétrole....

le 27/09/2023 à 12:22
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Avant de réagir, il est bon de lire l'article; cela aide.

à écrit le 26/09/2023 à 17:01
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"soutenue par la hausse des prix des carburants qui ont atteint des prix record." Il manque l'essentiel ,combien ? Je viens de lire que pour acheter un litre d'essence en Russie le coût est de 0.51 €. Ce prix peut diminuer jusqu'à 0.46 € et se ...

le 26/09/2023 à 23:11
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Pour comparer faut regarder le niveau de vie …. Sinon ça ne été a rien le smic russe est à 800€… un technicien supérieur gagne un peu moins de 1100€ Un ingénieur gagne 2000€… bref moitié moins qu en France .. de plus la consonne Russie y est plus. ...

le 26/09/2023 à 23:11
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Pour comparer faut regarder le niveau de vie …. Sinon ça ne été a rien le smic russe est à 800€… un technicien supérieur gagne un peu moins de 1100€ Un ingénieur gagne 2000€… bref moitié moins qu en France .. de plus la consonne Russie y est plus. ...

le 27/09/2023 à 9:08
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@Perdants "Pour comparer faut regarder le niveau de vie " C'est juste tes propos sur la Russie mais nous aussi ,on a des millions de gens avec 1000 ou 2000€ /mois et pourtant avec un prix de l'essence à 2€ le litre .

le 27/09/2023 à 12:27
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Mélanger des choux et des carottes n'est pas pertinent en économie. Le bon point de comparaison serait le prix du litre comparé au pouvoir d'achat. Et à taux de taxes équivalent. Et on "découvre" que la Russie extrait du pétrole, et la France non ! Q...

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