En Chine, la chute des prix s'accélère à un rythme jamais vu depuis 14 ans

Par latribune.fr  |   |  870  mots
Le principal frein à l'inflation en Chine est les prix des denrées alimentaires, qui ont baissé de -5,9% en glissement annuel en janvier, soit le niveau le plus bas jamais enregistré, d'après un économiste. (Crédits : Reuters)
Les prix en Chine ont encore reculé en janvier, de -0,8% après -0,3% le mois précédent. C'est le cinquième mois consécutif de baisse et, surtout, le rythme le plus rapide depuis 14 ans. Le pays n'est néanmoins pas encore « coincé dans une spirale déflationniste » selon des économistes qui estiment toutefois que des mesures doivent être prises pour inverser cette chute des prix.

Pour le cinquième mois consécutif, l'indice des prix à la consommation (CPI) en Chine, principale jauge de l'inflation, a baissé. Il a ainsi reculé en janvier de -0,8% sur un an, contre -0,3% le mois précédent, a indiqué le Bureau national des statistiques (BNS) ce jeudi 8 février. Des analystes sondés par l'agence Bloomberg anticipaient bien un repli des prix pour janvier, mais moins prononcé (-0,5%).

Selon l'organisme, cette chute s'explique en partie par la « base de comparaison élevée » de l'an passé. La Fête du Nouvel an lunaire, principale réunion familiale de l'année et période de grande consommation, était tombée en janvier. Or, cette année, elle a lieu en février, ce qui fausse la comparaison. Mais là n'est pas la seule explication.

« Le principal frein à l'inflation reste les prix des denrées alimentaires, qui ont baissé (en janvier) de -5,9% en glissement annuel, soit le niveau le plus bas jamais enregistré », souligne Lynn Song, économiste spécialiste de la Chine à la banque ING.

Cette baisse du mois de janvier est en tout cas la chute des prix la plus prononcée enregistrée par la Chine depuis le second semestre 2009, alors en pleine crise financière mondiale. Le pays a basculé en déflation en juillet dernier, pour la première fois depuis 2021. Après un bref rebond en août, les prix sont constamment en repli depuis septembre.

Pas de spirale déflationniste

En glissement mensuel par contre, l'indice des prix à la consommation en janvier a augmenté comparé à décembre (+0,3%). Et sur l'ensemble de 2023, l'inflation en Chine a progressé en moyenne de +0,2%. Ce qui montre que la Chine « n'est pas coincée dans une spirale déflationniste », indique Lynn Song.

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Si un recul des prix peut sembler une bonne chose pour le pouvoir d'achat, la déflation est en fait une menace pour l'économie car les consommateurs ont tendance à différer leurs achats dans l'espoir de nouvelles baisses. Faute de demande, les entreprises sont alors contraintes de réduire leur production et consentent à de nouvelles ristournes pour écouler leurs stocks. Cette situation, qui pèse sur leur rentabilité, les pousse à geler les embauches ou à licencier. Les économistes parlent d'une spirale néfaste car ce phénomène est un frein supplémentaire à la consommation.

Cette déflation dans la première puissance asiatique est en tout cas à rebours de la situation dans les principales économies, notamment occidentales. Dans ces pays, l'inflation persiste depuis des mois, entraînant une baisse du pouvoir d'achat d'une partie de leurs habitants. En zone euro, elle a atteint 2,8% en janvier sur un an (en baisse de 0,1 point par rapport à décembre) alors que la Banque centrale européenne (BCE) souhaite qu'elle ne dépasse pas les 2%. Objectif similaire aux Etats-Unis et là non plus pas atteint : la hausse générale des prix a été de 3,4% en décembre, repartant à la hausse (le chiffre du mois de janvier n'est pas encore connu).

Des mesures nécessaires

Ce qui a de quoi inquiéter également, c'est l'indice des prix à la production (PPI), qui mesure le coût des marchandises sorties d'usines et donne un aperçu de la santé de l'économie. Il s'est de nouveau contracté en janvier (-2,5%), après déjà un repli en décembre (-2,7). C'est d'ailleurs son 16e recul consécutif en autant de mois, d'après le BNS. Sur l'ensemble de 2023, il avait baissé de -3%. Or, des prix à la production dans le rouge sont synonymes de marges réduites pour les entreprises.

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Là n'est pas le seul indicateur des difficultés que traverse la Chine ces derniers mois. Le pays fait face à une consommation atone, comme en témoigne la déflation mais aussi la crise du marché immobilier et le chômage chez les jeunes. Si bien qu'il a signé en 2023 l'une des croissances les plus faibles en trois décennies, selon des chiffres officiels. Si son produit intérieur brut (PIB) a malgré tout augmenté de 5,2% sur un an, la comparaison se fait avec 2022 lorsque les restrictions contre le Covid-19 avaient lourdement pénalisé l'activité. Entre les troisième et quatrième trimestres, comparaison la plus fidèle de la conjoncture, le rythme est bien plus modeste (+1%) pour le géant asiatique.

La Chine « doit prendre des mesures rapides et énergiques pour éviter le risque d'une attitude attentiste » chez les consommateurs, plaide l'économiste Zhiwei Zhang, du cabinet Pinpoint Asset Management. Ce que le gouvernement a tenté de faire ces derniers mois en annonçant des mesures pour sauver son secteur immobilier, récemment encore avec l'octroi de nouveaux prêts dès les prochains jours. Sans résultat pour le moment.

L'avenir reste d'ailleurs sombre pour le pays : sa croissance économique est amenée à ralentir ces prochaines années selon le Fonds monétaire international (FMI). L'institution monétaire prévoit ainsi un PIB à 4,6% cette année pour la Chine puis à 3,5% à l'horizon 2028. Le gouvernement dévoilera quant à lui en mars prochain son objectif.

(Avec AFP)